> Textes originaux > Analysis Situs > § 9. Intersection de deux variétés Cette page présente la transcription d’une section des Œuvres Complètes de Poincaré. Vous pouvez retrouver nos commentaires par ici. § 9. Intersection de deux variétés |
Soient $V$ et $V'$ deux variétés définies à la seconde manière, ayant l’une $p$ dimensions, l’autre $n-p$ dimensions, et soient $M_0$ et $M_0'$ deux points appartenant respectivement à $V$ et à $V'$ et ayant respectivement pour coordonnées
$$x^0_1, x^0_2,\dots,x^0_n$$
et
$$x^{\prime\,0}_1, x^{\prime\,0}_2,\dots,x^{\prime\,0}_n.$$
Autour du point $M_0$, construisons sur $V$ une variété partielle $v$, analogue à celles que nous avons envisagées dans le paragraphe 3, de telle façon qu’en un point $x_1,x_2,\dots, x_n$ de $v$ on ait
$$x_i=\theta_i(y,y_2,\dots,y_p) \qquad (i=1,2,\dots,n).$$
[1]
De même, autour de $M'_0$, construisons sur $V'$ une variété $v'$ telle qu’en un point $x'_1,x'_2,\dots, x'_n$ de $v'$ on ait
$$x'_i=\theta'_i(y'_1,y'_2,\dots,y'_{n-p}) \qquad (i=1,2,\dots,n).$$
$$ \left\vert \begin{array}{cccc} \frac{d x_1}{d y_1}&\frac{d x_2}{d y_1} & \dots&\frac{d x_n}{d y_1}\\ \frac{d x_1}{d y_2}&\frac{d x_2}{d y_2} & \dots&\frac{d x_n}{d y_2}\\ \dots &\dots &\dots &\dots\\ \frac{d x_1}{d y_p}&\frac{d x_2}{d y_p} & \dots&\frac{d x_n}{d y_p}\\ \frac{d x'_1}{d y'_1}&\frac{d x'_2}{d y'_1} & \dots&\frac{d x'_n}{d y'_1}\\ \dots &\dots &\dots &\dots\\ \frac{d x'_1}{d y'_{n-p}}&\frac{d x'_2}{d y'_{n-p}} & \dots&\frac{d x'_n}{d y'_{n-p}}\\ \end{array} \right\vert $$
C’est une fonction de $y_1,y_2,\dots,y_p,y'_1,y'_2,\dots,y'_{n-p}$ ; cette fonction dépendra donc de la position des points $M$ et $M'$ de coordonnées $x_1,x_2,\dots, x_n$ et $x'_1, x'_2,\dots, x'_n$ sur les variétés $v$ et $v'$. Je l’appellerai donc $f(M,M')$.
Je puis changer de variables en remplaçant $y_1,y_2,\dots,y_p $ par des fonctions holomorphes de $p$ variables nouvelles $z_1,z_2,\dots,z_p $ choisies de telle sorte qu’à un système de valeurs de $y$ corresponde un seul système de valeurs des $z$. Il faut pour cela que le déterminant fonctionnel des $y$ par rapport aux $z$ ne s’annule pas et je puis toujours supposer, en rangeant les $z$ dans un ordre convenable, que ce déterminant est positif.
La fonction $f(M,M')$ est alors multipliée par ce déterminant fonctionnel et, par conséquent, conserve son signe.
Il en est encore de même quand on fait un changement de variables analogues sur la variété $v'$.
Considérons maintenant une autre variété $v_1$, analogue à $v$, construite sur $V$, et une variété $v'_1$, analogue à $v'$, construite sur $V'$.
Soit $M_1$ un point de $v_1$ et $M'_1$ un point de $v'_1$. Nous pourrons construire une fonction analogue à $f(M,M')$ et que j’appellerai $f_1(M_1,M'_1)$.
Supposons maintenant que les variétés $v_1$ et $v$ (de même que les variétés $v'_1$ et $v'$) aient une partie commune, et que les points $M$ et $M_1$ se confondent, de même que les points $M'$ et $M'_1$.
Comparons les fonctions
$$f(M,M'), \qquad f_1(M,M').$$
Supposons que les deux variétés $V$ et $V'$ soient bilatères. Nous pourrons supposer alors (en choisissant convenablement l’ordre des variables $y$ relatives à $v_1$), que le déterminant analogue à celui que nous avons appelé $\Delta$ dans le numéro 8, et relatif à $v$ et $v_1$ est positif dans la partie commune à $v$ et $v_1$ ; de même, le déterminant analogue à $\Delta$ et relatif à $v'$ et $v'_1$ sera également positif.
Alors $f$ et $f_1$ seront de même signe.
Soit alors $S(M,M')$ une fonction qui sera égale à $+1$, à $-1$ ou à $0$, selon que $f(M,M')$ sera positif, négatif ou nul. Cette fonction sera alors parfaitement déterminée, elle ne dépendra que de la position des points $M$ et $M'$ sur $V$ et $V'$ ; elle ne dépendra pas de la manière dont les variétés $v$ et $v'$ auront été construites autour de $M$ et de $M'$.
Cela ne serait plus vrai si l’une des variétés $V$ et $V'$ était unilatère, ce que je ne suppose pas.
Supposons, en particulier, que les points $M$ et $M'$ se confondent et, par conséquent, que le point $M$ soit un point d’intersection de $V$ et de $V'$, la considération de la fonction $S(M,M')$ présente alors un grand intérêt.
Supposons que l’on forme la fonction $S(M,M)$ pour tous les points d’intersection $M$ de $V$ et de $V'$, et faisons la somme de toutes les fonctions $S$ ainsi obtenues ; je désignerai cette somme par $N(V,V')$.
Cette définition de $N(V,V')$ s’applique quand les variétés $V$ et $V'$ ont été définies comme au numéro 3. Mais on peut la simplifier quand $V$ et $V'$ ont été définies comme au numéro 1.
Soient alors
$$F_\alpha=0, \qquad \varphi_\beta>0 \qquad (\alpha=1,2,\dots,p ;\; \beta=1,2,\dots,q)$$
les conditions qui définissent $V$, et soient
$$F'_\gamma=0, \qquad \varphi'_\delta>0 \qquad (\gamma=1,2,\dots,n-p ;\; \delta=1,2,\dots,q'),$$
celles qui définissent $V'$. $V$ aura $n-p$ dimensions et $V'$ en aura $p$.
Considérons un point $M$ de $V$ ayant pour coordonnées $x_1, x_2,\dots, x_n$ et un point $M'$ de $V'$ ayant pour coordonnées $x'_1, x'_2,\dots, x'_n$ et formons le déterminant
$$ \left\vert \begin{array}{cccccccc} \frac{d F_1}{d x_1}&\frac{d F_2}{d x_1} & \dots&\frac{d F_p}{d x_1} &\frac{d F'_1}{d x'_1}&\frac{d F'_2}{d x'_1} & \dots&\frac{d F'_{n-p}}{d x'_1}\\ \dots&\dots& \dots&\dots&\dots&\dots & \dots&\dots\\ \frac{d F_1}{d x_n}&\frac{d F_2}{d x_n} & \dots&\frac{d F_p}{d x_n} &\frac{d F'_1}{d x'_n}&\frac{d F'_2}{d x'_n} & \dots&\frac{d F'_{n-p}}{d x'_n} \end{array} \right\vert $$
que j’appellerai $\psi(M,M')$. Quelle relation y a-t-il entre $\psi(M,M')$ et $S(M,M')$ ?
Pour nous en rendre compte, posons
$$x'_i=x_i+h_i \qquad (i=1,2,\dots,n);$$
faisons ensuite varier à la fois les $x'_i$ et les $x_i$, mais de telle façon que leur différence $h_i$ demeure constante.
Posons
$$\begin{array}{rl} F_\alpha(x_i)&=y_\alpha,\\ F'_\gamma(x_i+h_i)&=y_\gamma. \end{array}$$
Si le déterminant $\psi(M,M')$ n’est pas nul, nous pourrons résoudre ces équations par rapport aux $x_i$ et nous en tirerons
$$x_i=\theta_i(y_\alpha,y'_\gamma).$$
Le déterminant fonctionnel des $\theta_i$ par rapport aux $y_\alpha$ et aux $y'_\gamma$ sera alors $\frac{1}{\psi(M,M')}$.
Si nous faisons $y_\alpha=0$, nous aurons
$$x_i=\theta_i(0,y'_\gamma);$$
ce sera là l’équation d’une variété à $n-p$ dimensions qui fera partie de $V$ ; de même en faisant
$$x'_i=h_i+\theta_i(y_\alpha,0),$$
on aura l’équation d’une variété à $p$ dimensions qui fera partie de $V'$.
Si l’on définit de la sorte les variétés $v$ et $v'$ du commencement de ce numéro, on voit que le déterminant fonctionnel des $\theta_i$ n’est autre chose que $f(M,M')$, d’où
$$f(M,M')\psi(M,M')=1.$$
Supposons maintenant que les deux variétés $V$ et $V'$ fassent toutes deux parties d’une variété $W$ d’un plus grand nombre de dimensions. Soient, par exemple,
$$ \tag{1} F_\alpha=0, \qquad \varphi_\beta>0 \qquad (\alpha=1,2,\dots,p ;\; \beta=1,2,\dots,q) $$
les relations qui définissent $W$ qui aura ainsi $n-p$ dimensions.
$$ \tag{2} F'_\gamma=0, \qquad \varphi'_\delta>0 \qquad (\gamma=1,2,\dots,p ;\; \delta=1,2,\dots,q') $$
les relations qui jointes à (1) définissent $V$ qui aura ainsi $n-p-p'$ dimensions.
$$ \tag{3} F''_\epsilon=0, \qquad \varphi''_\zeta>0 \qquad (\epsilon=1,2,\dots,p'' ;\; \zeta=1,2,\dots,q'') $$
les relations qui jointes à (1) définiront $V'$ qui aura ainsi $n-p-p''$ dimensions. Je suppose $p+p'+p''=n$.
Soit $M$ un point d’intersection de $V$ et $V'$.
Je formerai le déterminant fonctionnel des $F_\alpha$, des $F'_\gamma$ et des $F''_\epsilon$ par rapport aux $x$, et ce sera ce déterminant que j’appellerai $\psi(M)$.
Alors $S(M)$ sera, par définition, égal à $+1$ ou à $-1$, selon que $\psi(M)$ sera positif ou négatif.
Je désignerai ensuite par $N(V,V')$ la somme de toutes les quantités $S(M)$ relatives à tous les points d’intersection de $V$ et $V'$.
Il est clair que, si l’une des variétés $V$ et $V'$ est remplacée par la variété opposée, l’expression $N(V,V')$ change de signe.
Soit maintenant $V$ une variété fermée à $1$ dimension et soit $W$ un domaine à $n$ dimensions dont la frontière complète se compose des variétés à $n-1$ dimensions
$$V_1,V_2,\dots, V_k,$$
de telle sorte que
$$V_1+V_2+\dots+ V_k\sim 0.$$
Je dis que
$$N(V,V_1)+N(V,V_2)+\dots+ N(V,V_k)=0.$$
En effet, la variété $V$ va se composer d’un certain nombre de variétés continues à $1$ dimension, c’est-à-dire d’un certain nombre de lignes fermées. Les équations d’une de ces lignes pourront se mettre sous la forme
$$x_i=\theta_i(t),$$
$t$ étant une variable que nous ferons croître de $-\infty$ à $+\infty$.
Comme la ligne est fermée, nous aurons
$$\theta_i(-\infty)=\theta_i(+\infty).$$
Envisageons maintenant un point $M$ d’intersection d’une de ces lignes avec la frontière de $W$ ; si, quand on fait croître $t$, cette ligne passe de l’intérieur de $W$ à l’extérieur, on aura
$$S(M)=1.$$
Si elle passe de l’extérieur à l’intérieur, $S(M)$ sera égal à $-1$. Mais la ligne étant fermée reviendra à son point de départ, de sorte que la somme de tous les $S(M)$ devra être nulle.
C. Q. F. D.
Supposons maintenant que toutes les variétés que nous envisageons et, par exemple, $V,W, V_1, V_2,\dots, V_k$ fassent partie d’une variété $U$ et que ce soit cette variété $U$ dont nous étudions les ordres de connexion et par rapport à laquelle nous prenons les homologies.
(Voici ce que je veux dire ; quand au numéro 5, j’ai défini les homologies, il y avait une certaine variété $V$ qui jouait dans cette définition un rôle important ; eh bien, c’est ici $U$ qui jouera ce rôle.)
Je suppose que $U$ ait $h$ dimensions, $V$ une dimension, $W$ $h$ dimensions, $V_1, V_2,\dots, V_k$ $h-1$ dimensions.
Il n’y a rien à changer à ce qui précède et l’on voit que, si $V$ est fermée et à une dimension et que
$$V_1+V_2+\dots+ V_k\sim 0,$$
on aura
$$N(V,V_1)+N(V,V_2)+\dots+ N(V,V_k)=0.$$
Je dis que cela est encore vrai si la variété à une dimension $V$ n’est plus fermée, mais a ses deux extrémités sur la frontière de $U$ et si $W$ n’a aucun point sur la frontière de $U$.
En effet, $U$ se trouve partagé en deux régions continues ou non, à savoir : $W$ et la région $R$ extérieure à $W$. Par hypothèse, la frontière de $U$ appartient tout entière à $R$.
La ligne $V$ n’étant pas fermée, le point initial correspondant à $t=-\infty$ ne coïncidera plus avec le point final correspondant à $t=+\infty$ ; mais, par hypothèse, ces deux points appartiennent tous deux à la frontière de $U$ et, par conséquent, à $R$.
Notre ligne passera donc précisément autant de fois de $R$ dans $W$ que de $W$ dans $R$ ; donc la somme des $S(M)$ est nulle.
C. Q. F. D.
Je vais maintenant établir la réciproque.
Soient $V_1, V_2,\dots, V_k,$ $k$ variétés fermées à $h-1$ dimensions situées dans $U$, $U$ n’ayant aucun point commun avec la frontière de $V_i$. Supposons que l’on n’ait pas
$$V_1+V_2+\dots+ V_k\sim 0,$$
je dis qu’on pourra toujours trouver une ligne $V$, située dans $U$, qui sera fermée, qui aura ses deux extrémités sur la frontière de $U$ et qui sera telle que
$$N(V,V_1)+N(V,V_2)+\dots+ N(V,V_k)\neq 0.$$
En effet, supposons d’abord que les variétés $V_1, V_2,\dots, V_k$ ne partagent pas $U$ en plusieurs régions distinctes. Alors on pourra aller d’un point quelconque de $U$ à un autre point quelconque de $U$ sans rencontrer aucune des variétés $V_i$.
Considérons alors une ligne très petite rencontrant $V_1$ en un point $M$ et ne rencontrant aucune autre des variétés $V_i$ ; nous pourrons joindre les deux extrémités de cette ligne par une autre ligne continue qui ne rencontrera aucune des variétés $V_i$ ; nous aurons construit ainsi une ligne fermée qui ne rencontrera les variétés $V_i$ qu’en un seul point. La somme de $S(M)$ ne pourra donc être nulle.
Supposons maintenant que les variétés $V_i$ partagent $U$ en plusieurs régions $R$ ; mais cependant qu’elles soient linéairement indépendantes. Dans ce cas, la frontière complète d’aucune des régions $R$ ne pourra être constituée par une partie des variétés $V_i$, sans quoi il y aurait entre ces variétés une homologie, ce que nous ne supposons pas.
La frontière complète de $R$ se composera donc de quelques-unes des variétés $V_i$ et d’une partie de la frontière de $U$. Il en résulte que d’un point quelconque de $R$ on pourra aller à la frontière de $U$ sans sortir de $R$ et sans rencontrer aucune des variétés $V_i$.
Considérons alors une des variétés $V_i$, $V_1$, par exemple, et envisageons une petite ligne coupant $V_1$ en un point $M$ ; soient $R$ et $R'$ les régions auxquelles appartiennent les deux extrémités $\mu$ et $\mu'$ de cette petite ligne. De $\mu$ on pourra aller par une ligne continue à la frontière de $U$ sans sortir de $R$ ; de $\mu'$ on pourra aller par une troisième ligne continue à la frontière de $U$ sans sortir de $R'$.
L’ensemble de ces trois lignes continues ira de la frontière de $U$ à la frontière de $U$, et si je l’appelle $V$, on aura
$$N(V,V_1)=1, \qquad N(V,V_i)=0 \qquad (i>1).$$
On peut donc choisir $V$ de telle façon que tous les $N(V,V_i)$ soient nuls, excepté un d’entre eux qui sera égal à $1$.
Supposons enfin qu’il y ait entre les $V_i$ un certain nombre d’homologies, $3$, par exemple,
$$ \tag{α} \sum k_i V_i \sim \sum k'_i V_i \sim \sum k_i''V_i \sim 0. $$
Nous pourrons alors, parmi les $k$ variétés $V_i$, en trouver $k-3$ qui soient linéairement indépendantes ; soient, par exemple, $V_1$, $V_2$, $\ldots$, $V_{k-3}$.
Nous pouvons choisir $V$ de telle façon que tous les $N(V,V_i)$ où $i=1$, $2$, $\ldots$, $k-3$, soient nuls à l’exception de l’un quelconque d’entre eux qui sera égal à $1$. Les valeurs de
$$N(V,V_{k-2}),\, N(V,V_{k-1}),\, N(V,V_k)$$
s’en déduiront à l’aide des relations
$$ \tag{β} \sum k_iN(V,V_i)=\sum k'i N(V,V_i)=\sum k''_i N(V,V_i)=0 $$
qui sont une conséquence nécessaire de nos homologies ($\alpha$).
Il ne peut pas alors arriver que l’on ait
$$ \tag{ɣ} \sum N(V,V_i)=0, $$
quelle que soit celle des $k-3$ quantités
$$N(V,V_i) \: (i=1,\, 2,\, \ldots,\, k-3)$$
qui soit égale à $1$. Cela ne pourrait se faire, en effet, que si l’équation ($\gamma$) était une conséquence nécessaire des équations ($\beta$) ; mais alors l’homologie
$$ \tag{δ} \sum V_i\sim 0 $$
serait une conséquence nécessaire des homologies ($\alpha$). Or nous avons supposé au début que cette homologie ($\delta$) n’avait pas lieu.
On pourra donc toujours choisir $V$ de manière que l’égalité ($\gamma$) n’ait pas lieu.
C. Q. F. D.
Nous désignerons sous le nom de coupure toute variété contenue dans $U$ : $1^{\rm o}$ si elle est fermée ; $2^{\rm o}$ si elle n’est pas fermée, mais si sa frontière fait partie de la frontière complète de $U$.
Nous pouvons alors énoncer le théorème suivant qui résume la discussion précédente :
La condition nécessaire et suffisante (si les variétés $V_i$ sont fermées et à $h-1$ dimensions) pour que l’on puisse choisir la coupure $V$ de telle sorte que l’égalité
$$\sum k_i N(V,V_i)=0$$
n’ait pas lieu, c’est que l’homologie
$$\sum k_iV_i\sim 0$$
n’ait pas lieu.
Cherchons maintenant à étendre le théorème au cas où $V$ a $p$ dimensions et où $V_1$, $V_2$, $\ldots$, $V_k$ en ont $h-p$.
Soient
$$F_\alpha=0,\:\phi_\beta>0 \: (\alpha=1,\, 2,\,\ldots,\,n-h)$$
les équations de $U$ ; soient
$$F_\alpha=0,\: F'_\gamma=0,\: \phi_\beta>0 \: (\gamma=1,\, 2,\,\ldots,\,h-p)$$
Quant à $V_1$, $V_2$, $\ldots$, $V_k$, nous les définirons de la manière suivante. Nous pourrons toujours trouver $p-1$ équations
$$\Phi_1=\Phi_2=\ldots=\Phi_{p-1}=0$$
auxquelles satisfont tous les points de $V_1$, $V_2$, $\ldots$, $V_k$ ; c’est ainsi que si $h=3$, $p=2$, si $U$ est l’espace ordinaire et si $V_1$, $V_2$, $\ldots$, $V_k$ sont des courbes, on pourra toujours, par ces courbes, quelles qu’elles soient, faire passer une surface.
Pour définir $V_i$, nous y adjoindrons une $p^{\textrm{ième}}$ égalité
$$F_i''=0.$$
Soit alors $U'$ la variété à $h-p+1$ dimensions
$$F_\alpha=0,\, \Phi_\nu=0, \, \phi_\beta>0,$$
et $V'$ la variété à $1$ dimension
$$F_\alpha=F'_\gamma=\Phi_\nu=0, \, \phi_\beta>0.$$
On aura d’abord
$$N(V',V_i)=N(V,V_i).$$
D’autre part, si l’homologie
$$\sum k_iV_i\sim 0$$
a lieu par rapport à $U'$, elle aura lieu par rapport à $U$. Il est vrai que la réciproque n’est pas vraie et que cette homologie peut avoir lieu par rapport à $U$ sans avoir lieu par rapport à $U'$ ; mais, si elle a lieu par rapport à $U$, on pourra toujours, en choisissant convenablement les fonctions $\Phi$, trouver une variété $U'$ à $h-p+1$ dimensions par rapport à laquelle elle ait lieu.
Nous devons donc conclure que le théorème est encore vrai quand $V$ a plus d’une dimension.
Si donc $V_1$ et $V_2$ sont deux variétés fermées à $h-p$ dimensions, si pour toutes les coupures $V$ à $p$ dimensions, on a
$$N(V,V_1)=N(V,V_2),$$
on aura aussi
$$V_1\sim V_2$$
et inversement.
Bornons-nous au cas où $U$ est fermée. Alors $U$ n’a pas de frontière et toutes les coupures sont fermées.
Le nombre des coupures de $p$ dimensions linéairement indépendantes est $P_p-1$.
Soient
$$C_1,\, C_2,\, \ldots,\, C_\lambda \: (\lambda=P_p-1)$$
ces coupures.
Soient ensuite
$$V_i\: (i=1,\, 2, \, \ldots,\, \mu)$$
$\mu$ variétés fermées à $h-p$ dimensions.
La condition nécessaire et suffisante pour que l’on ait entre elles une homologie
$$\sum k_iV_i\sim 0,$$
c’est que l’on ait
$$\sum k_iN(C_1,V_i)=\sum k_i N(C_2,V_i)=\ldots=\sum k_iN(C_\lambda,V_i)=0.$$
Or si le nombre $\mu$ des $V_i$ est supérieur à $\lambda$, on pourra toujours trouver des entiers $k_i$ satisfaisant à ces conditions, puisque nous aurons $\mu$ arbitraires $k_i$ et $\lambda$ conditions à remplir. Si donc les $V_i$ sont linéairement indépendantes, on aura
$$\mu \leq \lambda.$$
Donc
$$P_{h-p}\leq P_p\, ;$$
mais, en changeant $p$ en $h-p$, on trouve
$$P_p\leq P_{h-p}.$$
Donc
$$P_p=P_{h-p}.$$
Par conséquent, pour une variété fermée, les nombres de Betti également distants des extrêmes sont égaux.
$$ $$
Ce théorème n’a, je crois, jamais été énoncé ; il était cependant connu de plusieurs personnes qui en ont même fait des applications.
Voyons maintenant ce qui se passe quand $h$ est pair pour le nombre moyen $P_{\frac{h}{2}}$. Supposons que $h$ soit multiple de $4+2$, de telle façon que $\frac{h}{2}$ soit impair.
On sait que, quand, dans un déterminant, on fait un nombre impair de permutations de lignes, il change de signe. Quand on permutera $V$ et $V_1$, qui ont $\frac{h}{2}$ dimensions, le déterminant $f(M,M)$ changera de signe ; on aura donc
$$N(V,V_1)=-N(V_1,V);$$
on en déduit
$$N(V,V)=0.$$
Le symbole $N(V,V)$ n’a, par lui-même, aucun sens, puisque, les deux variétés $V$ et $V$ coïncidant, le nombre des points d’intersection est infini ; il faut donc préciser la définition ; nous poserons donc
$$N(V,V)=N(V,V'),$$
où
$$V\sim V'.$$
Cela posé, je dis que $P_{\frac{h}{2}}$ est impair. Supposons, en effet, qu’il soit pair et soient
$$V_1,\, V_2,\, \ldots, \, V_\mu$$
les $\mu$ variétés linéairement indépendantes à $\frac{h}{2}$ dimensions où
$$\mu=P_{\frac{h}{2}}-1$$
est impair.
Formons le déterminant où le $i^\textrm{ième}$ terme de la $k^\textrm{ième}$ colonne est $N(V_i,V_k)$. Ce déterminant serait gauche, c’est-à-dire que les termes symétriques par rapport à cette diagonale seraient égaux et de signe contraire. Comme le nombre des colonnes serait impair, ce déterminant serait nul. Il en résulterait, contrairement à l’hypothèse, que les variétés $V_1$, $V_2$, $\ldots$, $V_\mu$ ne seraient pas linéairement indépendantes.
Donc $P_\frac{h}{2}$ est impair.
Cela ne serait plus vrai, ni si $h$ était multiple de $4$, ni si la variété $U$ était unilatère ; car tous nos raisonnements supposent les variétés bilatères. Nous en verrons plus loin des exemples.
[1] Ici $y$ devrait être $y_1$.