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On peut donner des variétés d’autres définitions, qui sont, pour ainsi dire, intermédiaires entre les deux premières.
Par exemple, on peut envisager une variété $V$ formée de l’ensemble des points qui satisfont à certaines inégalités et aux équations
$$ \tag{1} \left\{ \begin{array}{@{} c @{}} F_1(x_1,x_2,\ldots,x_n;y_1,y_2,\ldots,y_q)\\ F_2(x_1,x_2,\ldots,x_n;y_1,y_2,\ldots,y_q)\\ \ldots \\ F_p(x_1,x_2,\ldots,x_n;y_1,y_2,\ldots,y_q) \end{array}\right\} =0, $$
où les $x$ sont des coordonnées d’un point et les $y$ des paramètres arbitraires ; le nombre des dimensions de $V$ est alors [1] à $n-p+q$.
On peut aussi adjoindre aux équations (1) les relations
$$\phi_{\alpha}(y_1,y_2,\ldots,y_q)=0 \qquad (\alpha=1,2,\ldots,\lambda),$$
entre les $y$. Les $y$ ne sont plus alors des paramètres entièrement arbitraires et le nombre des dimensions de $V$ devient égal à $n-p+q-\lambda$.
On peut encore envisager une variété $V$ définie par certaines inégalités et par les relations
$$ \tag{2} x_i = \theta_i(y_1,y_2,\ldots,y_p) \qquad (i=1,2,\ldots,n), $$
les $y$ étant des paramètres liés par $\lambda$ équations
$$\phi_{\alpha}(y_1,y_2,\ldots,y_p)=0 \qquad (\alpha=1,2,\ldots,\lambda).$$
Le nombre des dimensions de $V$ est alors $p-\lambda$.
Considérons un instant $y_1,y_2,\ldots,y_p$ comme les coordonnées d’un point $P$ dans l’espace à $p$ dimensions. Les égalités
$$\phi_{\alpha}=0$$
définiront alors dans cet espace à $p$ dimensions une certaine variété $W$.
A chaque point de $W$ correspondra un point de $V$, puisque les équations (2) expriment les $x$ en fonction des $y$.
Le cas le plus simple est celui où, réciproquement, à un point de $V$ correspond un seul point de $W$. Mais un cas, qui est aussi très intéressant, est le suivant.
Supposons que la variété $W$ demeure inaltérée, quand les $y$ subissent les substitutions d’un certain groupe $G$. Soient $P$ un point de $W, P_1, P_2, \ldots, P_h$ les transformées de $P$ par les substitutions de $G$.
L’ensemble des points $P, P_1, P_2, \ldots, P_h$ formeront ce que j’appellerai un système de points.
Si les fonctions $\theta_i$ ne sont pas altérées par les substitutions de $G$, il est clair qu’aux divers points d’un même système correspondra un même point de $V$.
Le cas intéressant est celui ou à un point de $V$ correspond un seul système de points de $W$.
Étant donnée une variété $W$ et un groupe $G$ qui ne l’altère pas, on peut toujours construire une variété $V$, de telle façon qu’à tout point de $V$ corresponde un système de points de $W$ et un seul.
Pour que $V$ soit bilatère, il faut et il suffit que la variété $W$ soit bilatère et que toutes les substitutions de $G$ jouissent de la propriété suivante.
Soient $y_1, y_2, \ldots, y_p$ les coordonnées de $P$, $y_1 ', y_2 ', \ldots, y_p '$ celles de son transformé ; le déterminant fonctionnel des $y'$ par rapport aux $y$ doit être positif.
Septième exemple. — Soit
$$ y_1 ^2 + y_2 ^2 + y_3 ^2 = 1 $$
l’équation de la variété $W$, qui sera ainsi une sphère dans l’espace ordinaire.
Cette sphère n’est pas altérée, quand on change $y_1, y_2, y_3$ en $-y_1, -y_2, -y_3 $. Ce sera là notre groupe $G$.
Si alors nous posons, par exemple,
$$ \begin{array}{lll} x_1= y_1^2 , & x_2 = y_2^2, & x_3 = y_3 ^2, \\ x_4 = y_2 y_3, & x_5 = y_1 y_3, & x_6 = y_1 y_2, \\ \end{array} $$
les $x$ ne changeront pas, quand les $y$ changeront de signe, et nous aurons défini une variété $V$ à deux dimensions dans l’espace à six dimensions.
Cette variété sera fermée ; elle sera unilatère.
Soit, en effet, $P$ un point de $W$, dont les coordonnées seront $y_1, y_2, y_3$. Pour définir la position de ce point sur la sphère $W$, il suffira de connaître deux de ces coordonnées, par exemple $y_1$ et $y_2$ ; car l’équation de la sphère nous fait connaître $y_3$ en fonction de $y_1$ et $y_2$.
Son transformé $P'$ dont les coordonnées sont $-y_1, -y_2$ et $-y_3$, est diamétralement opposé. Mais il ne faut pas se servir, pour définir la position du point $P$, de $y_1$ et de $y_2$, parce que $y_3$ n’est pas une fonction uniforme de ces deux variables. Il vaut mieux poser
$$ \begin{array} {lll} y_1 = \cos \varphi \sin \theta , \\ y_2 = \cos \varphi \sin \theta , \\ y_3 = \cos \theta. \end{array} $$
Les coordonnées du point $P$ dans ce nouveau système sont $\varphi$ et $\theta$ ; celles de $P'$ sont $\varphi+ \pi $ et $\pi -\theta$. On voit alors que
$$ \frac{\partial (\varphi + \pi , \pi -\theta ) }{\partial (\partial , \theta ) } = -1 <0. $$
La variété $V$ est donc unilatère.
$$ $$
Huitième exemple. — Soient $y_1, y_2, \ldots, y_q; \ z_1, z_2, \ldots, z_q, $ $2q$ paramètres liés par les relations
$$\tag{3} \left\{\begin{array} {@{}l} y_1 ^2 + y_2 ^2 + \cdots + y_q ^2 = 1,\\ z_1 ^2 + z_2 ^2 + \cdots + z_q ^2 = 1. \end{array} \right. $$
Si nous regardons ces $2q$ paramètres commes les coordonnées d’un point dans l’espace à $2q$ dimensions, ces équations (3) représenteront une variété fermée $W$ à $2q-2$ dimensions.
Si nous regardons $y_1, y_2, \ldots, y_q$ et $z_1, z_2, \ldots, z_q$ comme les coordonnées de deux points $Q$ et $Q'$ dans l’espace à $q$ dimensions, ces deux points devront se trouver tous deux sur l’hypersphère $S$ qui a pour équation
$$ y_1 ^2 + y_2 ^2 + \ldots + y_q^2 = 1 $$
et qui est une variété fermée à $q-1$ dimensions.
A chaque couple de points de $S$ correspondra ainsi un point de $W$ et un seul et inversement, pourvu que je convienne de regarder les deux couples de points $QQ'$ et $Q'Q$ comme distincts.
Considérons maintenant les $\frac{q(q+3)}{2}$ combinaisons.
$$ y_i + z_i , \ y_i z_i , \ y_i z_k + y_k z_i \ (i,k = 1,2, \ldots, q),$$
égalons-les à $\frac{q(q+3)}{2} = n $ variables.
$$ x_1, \ x_2,\ \ldots, \ x_n . $$
Nous aurons ainsi défini une variété $V$ à $2q -2$ dimensions dans l’espace à $n$ dimensions.
Quand on change $y_i$ en $z_i$ et $z_i$ en $y_i$ (c’est à dire quand on permute les deux points $Q$ et $Q'$), ces $\frac{q(q+3)} {2}$ combinaisons ne changent pas.
A chaque couple de points de l’hypersphère correspond ainsi un point et un seul de la variété $V$ et inversement, mais à la condition de ne pas regarder comme distincts les deux couples $QQ'$ et $Q'Q$.
Cette variété $V$ est-elle fermée ? Je vais montrer qu’elle ne l’est pas pour $q=2$ et qu’elle l’est pour $q>2$.
On a alors
$$ x_1 = y_1 + z_1 , \ \ x_2 = y_ 1 z_1 , \ \ x_3 = y_2 + z_2 , $$
$$ x_4 = y_2 z_2 , \ \ x_5 = y_1 z_2 + y_2 z_1 .$$
On reconnaît alors que l’on doit avoir pour que les $y$ et les $z$ soient réels
$$ x_1 ^2 > 4 x_2 , \ \ x_3 ^2 > 4 x_4 .$$
On aurait des inégalités analogues pour $q>2$ ; mais dans quel cas ces inégalités définissent-elles une véritable frontière pour notre variété $V$ ?
Pour mieux nous en rendre compte, je vais traiter d’abord un exemple plus simple.
Soit d’abord, dans l’espace ordinaire, le cercle
$$ x^2 + y ^2 = 1 , \ \ z= 0, $$
Si l’on convient de ne conserver que les points de ce cercle pour lesquels $y$ est positif, alors nous aurons les relations suivantes :
$$ x^2 + y^2 = 1, \ \ z= 0 , \ \ y >0, $$
qui définiront une variété à une dimension (qui, dans ce cas, est une demi-circonférence).
Cette variété n’est pas fermée, elle admet deux points frontières :
$$ x = \pm 1, \ \ y=z= 0. $$
Considérons, au contraire, la surface suivante :
$$ \tag{4} x^2 + y^2 - z^2 + (x^2 + y^2 + z^2 ) ^2 = 0. $$
C’est la surface engendrée par la révolution d’une lemniscate autour de son grand axe. Elle se compose de deux nappes distinctes $N_1$ et $N_2 $ ayant un point conique commun qui est l’origine ; on ne peut aller d’une nappe à l’autre qu’en passant par l’origine. Adjoignons alors à l’équation (4) l’inégalité
$$\tag{5} z >0. $$
Les relations (4) et (5) définissent une variété à deux dimensions qui n’est autre chose que la nappe $N_1$. Cette variété doit être regardée comme fermée ; elle est homéomorphe à une sphère ; on ne doit pas regarder le point conique
$$ x= y = z= 0 $$
comme véritable point frontière.
En général, si une variété à $p$ dimensions n’est pas fermée, sa frontière sera formée par une ou plusieurs variétés à $p-1$ dimensions. Si l’ensemble des points qu’on peut soupçonner d’être des points frontières forme une ou plusieurs variétés à moins de $p-1$ dimensions, c’est qu’ils ne sont pas de véritables points frontières ou point de vue qui nous occupe actuellement, et que la variété donnée est fermée.
Or, on obtiendra ici les points qu’on peut soupçonner d’être frontières, quand on supposera que les points $Q$ et $Q'$ se confondent, c’est-à-dire que
$$ y_1 = z_1, \ \ y_2 = z_2 , \ \ \ldots, \ \ y_q = z_q .$$
On obtiendra ainsi une variété à $q-1$ dimensions. Ainsi la frontière complète de $V$ n’aura que $q-1$ dimensions, tandis que $V$ en aura $2q-2$. $V$ sera donc fermée, à moins que
$$ 2q-2 = (q-1) +1 \text{ ou } q= 2.$$
Pour mieux nous en rendre compte, comparons les deux exemples $q=2$ et $q=3$.
Soit d’abord $q=2$ et envisageons notre variété dans le voisinage du point
$$ y_1 = z_1 = 0 , \ \ y_2 = z_2 = 1, $$
c’est à dire du point
$$ x_1 = 0, \ \ x_2 = 0, \ \ x_3 = 2, \ \ x_4 = 1, \ \ x_5 = 0.$$
Observons d’abord que, pour les valeurs petites de $x_1$ et de $x_2$, les trois autres variables $x_3, x_4$ et $x_5$ sont développables suivant les puissances de $x_1$ et $x_2$ ; il nous suffira donc d’étudier les variations de $x_1$ et $x_2$.
Nous voyons alors que $x_1$ et $x_2$ peuvent prendre toutes les valeurs qui satisfont à
$$ x_1 ^2 > 4 x_2 .$$
Les plan des $x_1$, $x_2$ se trouve ainsi partagé en deux régions par la ligne
$$ x_1 ^2 = 4 x_2 , $$
qui est une véritable ligne frontière.
On obtiendrait le même résultat si l’on étudiait la variété $V$ dans le voisinage d’un autre point frontière quelconque. Cette variété n’est donc pas fermée.
Soit maintenant $q= 3$ et
$$ x_1 = y_1 + z_1, \ \ x_2 = y_1 z_1, \ \ x_3 = y_2 + z_2 , \ \ x_4 = y_2 z_2 , \ \ x_5 = y_1 z_2 + y_2 z_1, $$
$$ x_6 = y_3 + z_3, \ \ x_7 = y_3 z_3 , \ \ x_8 = y_1 z_3 + y_3 z_1 , \ \ x_9 = y_2 z_3 + y_3 z_2 .$$
Étudions la variété $V$ dans le voisinage du point $P_0$, qui est tel que
$$ y_1 = z_1 = y_2 = z_2 = 0, \ \ y_3 = z_3 = 1, $$
d’où
$$ x_1 = x_2 = x_3 = x_4 = x_5 = x_8 = x_9 = 0, \ \ x_6 = 2 , \ \ x_7 = 1.$$
Nous voyons que, dans le voisinage de ce point, $x_6, x_7, x_8, x_9$ sont développables suivant les puissances de $x_1, x_2, x_3, x_4$ et $x_5$, de sorte qu’il suffit d’étudier les variations de ces cinq dernières variables.
Pour ne conserver que trois variables et rendre possible une représentation géométrique, je coupe ma variété $V$ par la variété plane
$$ x_1 = 0, \ \ x_3 = 0, $$
de sorte que l’intersection sera une variété à deux dimensions $V'$.
Soient $x_2, x_4, $ et $x_5$ les coordonnées d’un point de $V'$ ; nous pourrons regarder ces trois variables comme les coordonnées d’un point dans l’espace ordinaire et nous aurons ainsi une représentation géométrique de la variété $V'$ ou plutôt de la portion de cette variété qui est voisine de $P_0$.
On trouve alors
$$ y_1 = - z_1 , \ \ y_2 = -z_2 , $$
puisque $x_1$ et $x_3$ sont supposés nuls et, par conséquent,
$$ x_2 = - y_1 ^2 , \ \ x_4 = - y_2 ^2 , \ \ x_5 = -2 y_1 y_2 , $$
d’où
$$ 4 x_2 x_4 - x_5 ^2 = 0 . $$
C’est l’équation d’un cône du second degré, mais une seule nappe de ce cône convient, parce qu’on doit avoir
$$ x_2 <0, \ \ x_4 <0 .$$
La portion du cône qui convient est ainsi séparée de celle qui ne convient pas par le sommet qui ne saurait être regardé comme un véritable point frontière. C’est ainsi que la variété $V'$, de même que $V$, est encore fermée.
On obtiendrait un résultat analogue en étudiant $V$ dans le voisinage d’un autre point frontière, ou en coupant $V$ par d’autres variétés planes que la variété
$$ x_1 = x_2 = 0 .$$
Je n’ai voulu qu’un exemple destiné à éclaircir le raisonnement qui précède.
En résumé, la variété $V$ est fermée si $q>2$ et ne l’est pas si $q=2$.
La variété $V$ est-elle unilatère ou bilatère ?
Je me propose d’établir qu’elle est bilatère si $q$ est impair et qu’elle est, au contraire, unilatère si $q$ est pair.
Posons
$$ \begin{array} {llllll} y_1= \cos \theta_1 , & z_2 = \cos \theta_1 ', \\ y_2 = \sin \theta_1 \cos \theta_2, & z_2 = \sin \theta_2 ' , \\ y_3 = \sin \theta_1 \sin \theta_2 \cos \theta_3 , & z_3 = \sin \theta_1 ' \sin \theta_2 ' \sin \theta_3 ' , \\ \ldots , & \ldots , \\ y_{q-1} = \sin \theta_1 \sin \theta_2 \ldots \sin \theta_{q-2} \cos \theta_{q-1}, & z_{q-1} = \sin \theta_1 ' \sin \theta_2 ' \ldots \sin \theta_{q-2}' \cos \theta_{q-1} ',\\ y_q = \sin \theta_1 \sin \theta_2 \ldots \sin \theta_{q-2} \sin \theta_{q-1}, & z_{q-1} = \sin \theta_1 ' \sin \theta_2 ' \ldots \sin \theta_{q-2}' \sin \theta_{q-1} '. \end{array} $$
La position d’un point sur $W$ est définie par les $2q -2$ coordonnées
$$ \theta_1, \ \theta_2, \ \ldots, \ \theta _{q-1}; \ \ \theta_1 ' , \ \theta_2 ' , \ \ldots, \ \theta_{q-1} ' .$$
D’autre part, le groupe $G$ se compose (outre la substitution identique) de l’unique substitution qui permute $\theta_i$ avec $\theta _i '$. Pour que la variété soit bilatère, il faut donc et il suffit que le déterminant fonctionnel
$$ \frac{\partial (\theta_i, \theta_i') }{\partial (\theta_i ' , \theta_i ) } \ \ \ (i= 1, 2, \ldots, q-1) $$
soit positif. Or il est égal à $(-1)^{q-1}$, c’est à dire à $+1$ si $q$ est impair et à $-1$ si $q$ est pair. Donc
$V$ est bilatère si $q$ est impair
$V$ est unilatère si $q$ est pair.
C. Q. F. D.
Occupons nous maintenant de déterminer le nombre de Betti, $P_{q-1}$.
Déterminons d’abord les nombres de Betti pour $W$.
Nous pouvons construire sur $W$ deux variétés à $q-1$ dimensions de la manière suivante. On sait que tout point de $W$ correspond à un couple de points $QQ'$ de l’hypersphère $S$. Aux couples $Q_0 Q'$ où $Q_0$ est fixe et où $Q'$ décrit l’hypersphère tout entière correspondra alors une variété fermée $U_1$ à $q-1$ dimensions et faisant partie de $W$. De même aux couples $QQ_0$, où $Q$ décrit l’hypersphère entière pendant que $Q_0$ est fixe, correspondra une variété fermée $U_3$ à $q-1$ dimensions faisant partie de $W$.
Ces deux variétés seront linéairement indépendantes (au point de vue des homologies).
Considérons, en effet, l’intégrale d’ordre $q-1$
$$ J = \int \sin ^{q-3} \theta_1 \sin ^{q-3} \theta_2 \ldots \sin ^2 \theta_{q-3} \sin \theta_{q-1} d\theta_1 d\theta_2 \ldots d\theta_{q-1} $$
et soit $J'$ l’intégrale d’ordre $q-1$ obtenue en remplaçant dans $J$ les $\theta_i$ par les $\theta_i'$.
Envisageons ensuite l’intégrale
$$ J + \lambda J', $$
où $\lambda $ est un nombre incommensurable.
Nous connaissons les $x$ en fonction des $\theta$ et des $\theta'$ ; réciproquement, nous pouvons calculer les $\theta$ et les $\theta'$ en fonctions des $x$ et cela de telle sorte que l’intégrale $J + \lambda J'$ prenne la forme
$$ \int \sum X \delta , $$
$X$ étant une fonction entière par rapport aux $x$, et $\delta$ le produit de $q-1$ différentielles $dx_i$.
J’observe, en outre, que l’intégrale $J + \lambda J'$ est nulle quand elle est étendue à une variété fermée infiniment petite faisant partie de $W$.
Étendue à $U_2$, elle est égale à $\sigma$ (surface de l’hypersphère $S$) : étendue à $U_1$, elle est égale à $\lambda \sigma$ ; et comme il n’y a aucune relation linéaire entre $\sigma$ et $\lambda \sigma$, c’est que $U_1$ et $U_2$ sont linéairement indépendantes.
Le nombre de Betti $P_{q-1}$ est donc au moins égal à $3$.
Pour aller plus loin, considérons la variété $W'$ obtenue en supprimant dans $W$ tous les points des duex variétés $U_1$ et $U_2$ ; je me propose d’établir que $W'$ est simplement connexe.
Considérons, de même, la variété $S'$ obtenue en supprimant, dans l’hypersphère $S$, le point $Q_0$. A tout couple de points $QQ'$ de la variété $S'$ correspondra un point de $W'$ et réciproquement.
Mais $S'$ est homéomorphe au domaine $D$,
$$ \eta_1 ^2 + \eta_2 ^2 + \ldots + \eta_{q-1}^2 <1 , $$
faisant partie de l’espace à $q-1$ dimensions, où les coordonnées sont désignées par $\eta_1, \eta_2, \ldots, \eta_{q-1}$.
C’est ainsi que la surface d’une sphère ordinaire, quand on supprime un point, devient homéomorphe à la surface d’un cercle.
A chaque couple de points du domaine $D$ correspondra un point de $W'$, d’où il suit que $W'$ est homéomorphe au domaine $\Delta$ défini par les inégalités
$$ \eta_1 ^2 + \eta_2 ^2 + \ldots + \eta_{q-1}^2 <1 , $$
$$ \zeta_1 ^2 + \zeta_2 ^2 + \ldots + \zeta_{q-1}^2 <1 $$
et situé dans l’espace à $2q-2$ dimensions, où les coordonnées sont désignées par $\eta_i$ et $\zeta_i$.
Or le domaine $\Delta$ est simplement connexe parce qu’il est convexe. Soit, en effet, $v$ une variété fermée d’un nombre quelconque de dimensions et faisant partie de $\Delta$ ; je dis qu’on peut, en la déformant d’une manière continue, la réduire à un point sans qu’elle sorte de $\Delta$. Construisons une variété $v'$ en multipliant par un facteur positif $k$ plus petit que $1$ les coordonnées de tous les points de $v$ (la variété $v'$ sera homothétique à $v$, le centre de l’homothétie étant l’origine, et le rapport d’homothétie étant égal à $k$). La variété $v'$ sera tout entière à l’intérieur de $\Delta$, et quand $k$ décroîtra de $1$ à $0$, elle coïncidera d’abord avec $v$ et finira par se réduire à un point. C. Q. F. D.
Donc $\Delta$ et, par conséquent, $W'$ sont simplement connexes. Déterminons maintenant les nombres de Betti pour $W$ et d’abord le nombre $P_h$ où $h < q-1$. Considérons donc une variété fermée à $h$ dimensions contenue dans $W$ ; cette variété qu’elle rencontre ou non $U_1$ et $U_2$, peut toujours être regardée comme homologue à une variété fermée à $h$ dimensions, ne rencontrant ni $U_1$ ni $U_2$ ; celle-ci sera homologue à zéro dans $W'$ (puisque $W'$ est simplement connexe) et a fortiori dans $W$.
Ansi $P_h$ est égal à $1$.
Comme d’autre part les nombres de Betti également distants des extrêmes sont égaux, $P_h$ sera encore égal à $1$ si $h$ est plus grand que $q-1$.
Il reste à déterminer $P_{q-1}$.
Considérons une variété fermée $v$ à $q-1$ dimensions, faisant partie de $W$.
Si elle ne rencontre ni $U_1$, ni $U_2$, elle sera homologue à zéro ; en effet, elle fait partie de $W'$ et, par conséquent, sera homologue à zéro par rapport à $W'$ et, a fortiori par rapport à $W$.
Supposons qu’elle rencontre $U_1$ et $U_2$.
Les points de $W$, qui correspondent au couple $Q_1 Q'$, où $Q_1$ est fixe et où $Q'$ décrit l’hypersphère entière, formeront une variété $U_1'$, qui sera homologue à $U_1$. Par tout point de $W$ passe une variété $U_1'$ et une seule.
Les points de $W$ qui correspondent au couple $Q Q_2$, où $Q_2$ est fixe et où $Q$ décrit l’hypersphère entière formeront une variété $U_2'$ qui sera homologue à $U_2$.
Par tout point de $W$ passe une variété $U_2'$ et une seule.
Deux variétés $U_1'$ et $U_2'$ ont un point commun et un seul (à savoir le point qui correspond au couple $Q_1 Q_2$). Au contraire, deux variétés $U_1'$ (ou deux variétés $U_2'$) ne se rencontrent pas.
Cela posé, revenons à la variété $v$ et supposons, pour fixer les idées, qu’elle coupe $U_1$ en deux points $M'$ et $M''$ et $U_2$ en un point $N'$. Par le point $M'$ je puis faire passer une variété $U_2'$ ; par le point $M''$ une variété analogue $U_2''$ ; par le point $N'$ une variété $U_1'$.
Je puis ensuite, en déformant infiniment peu la variété $v$, m’arranger pour qu’elle ne coupe toujours $U_1$ et $U_2$ qu’aux points $M', M''$ et $N'$, et pour qu’elle admette autour de $M'$ une petite partie commune $u_2'$ avec $U_2''$ ; autour de $N'$ une petite partie commune $u_1'$ avec $U_1'$.
Alors l’ensemble des variétés
$$ U_1 ' - u_1' , \ U_2 ' - u_2 ' , \ U_2 '' - u_2 '' , \ -v + u_1' + u_2 ' + u_2 '', $$
formera une variété fermée, qui ne rencontrera ni $U_1$, ni $U_2$, et qui sera, par conséquent, homologue à zéro ; on aura donc
$$ U_1 ' -u_1' + U_2 ' - u_2 ' + U_2 '' - u_2 '' \sim v - u_1 ' - u_2 ' - u_2 '' , $$
d’où
$$ v \sim U_2 ' + U_1 ' + U_2 '' \sim U_1 + 2 U_2 . $$
Il pourrait aussi se faire que, par exemple, le nombre que nous avons appelé plus haut $S(M)$ n’ait pas la même valeur pour le point $M'$ considéré comme point d’intersection de $v$ avec $U_1$, ou pour le point $M'$ considéré comme point d’intersection de $U_2'$ et de $U_1$. Dans ce cas, il faudrait remplacer $U_2 '$ par la variété opposée et l’on aura
$$ v \sim U_1 ' - U_2 ' + U_2 '' \sim U_1 .$$
Dans tous les cas, $v$, $U_1$ et $U_2$ ne seront pas linéairement indépendants et l’on aura
$$ P_{q-1} = 3 .$$
Déterminons enfin les nombres de Betti pour $V$.
Aux couples $QQ'$ et $Q'Q$ correspondent un seul et même point de $V$ ; il en résulte qu’à $U_1$ et $U_2$ correspond dans $V$ une seule et même variété, de sorte que je puis écrire
$$ U_1 \sim U_2 .$$
D’autre part, l’intégrale $J+ J'$, étendue à cette variété, n’est pas nulle ; ce qui montre que l’on n’a pas
$$ U_1 \sim 0 .$$
Le nombre $P_{q-1}$ est donc au moins égal à $2$.
A toute variété fermée $v$, faisant partie de $V$, correspondra une variété $w$ faisant partie de $W$ ; mais deux cas peuvent se présenter ; nous savons qu’à chaque point de $V$ correspondent deux points de $W$ ; et je pourrai dire, pour abréger le langage, que ces deux points sont symétriques, puisqu’on passe de l’un à l’autre en permutant les $y_i$ avec les $z_i$.
Nous construirons $w$ en prenant pour chaque point de $v$ un des deux points qui lui correspondent dans $w$ ; il pourra se faire alors ou bien que $w$ soit fermé ou bien que $w$ ne soit pas fermé, mais que sa frontière se compose de parties symétriques deux à deux.
Considérons d’abord le cas où $w$ est fermé.
Si le nombre des dimension est différent de $q-1$, $w$ (et, par conséquent, $v$) pourra, par déformation continue, so [2] réduire à un point et l’on aura
$$ v \sim 0.$$
Si le nombre des dimension est égal à $q-1$, on aura, par rapport à $W$,
$$ w \sim m U_1 + n U_2 ,$$
$m$ et $n$ étant des entiers ; mais par rapport à $V$, $U_1$ est homologue à $U_2$.
On aura donc, par rapport à $V$,
$$ v \sim (m+n ) U_1 .$$
Considérons maintenant le cas où $w$ n’est pas fermé. Nous admettrons que le nombre des dimensions est inférieur ou égal à $q-1$ ; le cas où ce nombre serait supérieur à $q-1$ s’y ramène aisément, puisque les nombres de Betti sont égaux deux à deux. La frontière $f$ de $w$ aura alors moins de $q-1$ dimensions.
Soit $H$ la variété à $q-1$ dimensions, faisant partie de $W$, qui se compose des points qui sont leur propre symétrique, c’est-à-dire des points
$$ y_i = z_i .$$
La frontière $f$ peut se déformer d’une manière continue, sans que ses points cessent d’être symétriques deux à deux, et de telle sorte qu’à la fin de la déformation la frontière déformée fasse partie de $H$.
Donc $w$ peut se déformer d’une manière continue, sans cesser de correspondre à une variété $v$ fermée, et de telle sorte qu’à la fin de la déformation la variété $w$ déformée soit fermée.
Donc $v$ est toujours homologue à une variété $v$ correspondant à une variété $w$ fermée.
Donc, on a, suivant les cas,
$$ v \sim 0, \ \ \ v \sim (m+n) U_1.$$
Donc tous les nombres de Betti de $V$ sont égaux à $1$, sauf $P_{q-1}$ qui est égal à $2$.
De là deux conséquences :
1. Soit $q$ est impair, $V$ sera bilatère ; d’où il suit que, pour une variété bilatère à $4k$ dimensions, le nombre $P_{2k}$ n’est pas forcément impair.
2. Si $q$ est pair, $V$ sera unilatère ; d’où il suit que, pour une variété unilatère à $4k+2$ dimensions, le nombre $P_{2k+1}$ n’est pas forcément impair, ainsi que cela aurait eu lieu pour une variété bilatère.
J’avais annoncé ces résultats à la fin du 9.