> Textes originaux > Analysis Situs > § 11. Représentation par un groupe discontinu Cette page présente la transcription d’une section des Œuvres Complètes de Poincaré. Vous pouvez retrouver nos commentaires par ici. § 11. Représentation par un groupe discontinu |
Voici un autre mode de représentation qui peut aussi être employé dans certains cas.
Soit $(x,\,y,\,z)$ un point de l’espace ordinaire ; considérons une série de substitutions qui changent respectivement $x$, $y$ et $z$ en
$$ \begin{array}{ccc} \phi_1(x,y,z), & \psi_1(x,y,z), & \chi_1(x,y,z),\\ \phi_1(x,y,z), & \ldots, & \ldots, \\ \ldots, & \ldots, & \ldots, \\ \phi_1(x,y,z), & \psi_1(x,y,z), & \chi_1(x,y,z),\\ \ldots, & \ldots, & \ldots, \end{array} $$
Supposons que l’ensemble de ces substitutions forme un groupe proprement discontinu. L’espace va se trouver partagé en une infinité de domaines
$$D_0,\, D_1,\, D_2, \, \ldots,$$
et cela de telle sorte qu’à chaque domaine $D_i$ corresponde une substitution du groupe $S_i$ qui change $D_0$ en $D_i$.
Considérons une surface $\Sigma$ formant une portion de la frontière de $D_0$ séparant ce domaine $D_0$ du domaine $D_i$ ; la substitution $S_i^{-1}$ inverse de $S_i$ change $D_i$ en $D_0$ et comme les points de $\Sigma$ appartiennent à la frontière de $D_i$, la transformée de la surface $\Sigma$ sera une autre partie de la frontière de $D_0$.
La frontière de $D_0$ va ainsi se trouver partagée en portions de surface qui seront conjuguées deux à deux, de telle façon que chacune d’elles sera la transformée de sa conjuguée par une des substitutions du groupe.
Le domaine $D_0$, avec sa frontière ainsi subdivisée, sera homéomorphe à un polyèdre dont les faces seront conjuguées deux à deux, comme dans le numéro précédent. On pourra alors, comme dans le numéro précédent, faire correspondre à ce polyèdre ou, par conséquent, au domaine $D_0$, une variété fermée à trois dimensions située dans l’espace à quatre dimensions, et que l’on obtiendra en transportant $D_0$ dans l’espace à quatre dimensions, puis en déformant ce domaine jusqu’à ce qu’on puisse coller l’une contre l’autre les portions conjuguées de sa frontière.
L’analogie avec la théorie des groupes fuchsiens est trop évidente pour qu’il soit nécessaire d’insister ; je me bornerai à un seul exemple :
$$ $$
Sixième exemple. --- Considérons le groupe dérivé des trois substitutions
$$ \tag{1} \left\{\begin{matrix} ( x,y,z; x+1,y,z),\\ ( x,y,z; x,y+1,z),\\ ( x,y,z; \alpha x+\beta y,\gamma x+\delta y,z+1), \end{matrix}\right. $$
$\alpha$, $\beta$, $\gamma$, $\delta$ étant des entiers tels quel
$$\alpha \delta -\beta\gamma =1.$$
J’appellerai ce groupe le groupe $(\alpha, \beta, \gamma, \delta)$.
Je dis qu’il est proprement discontinu.
Pour nous en rendre compte, cherchons comment sont distribués dans l’espace les transformés d’un même point
$$\begin{matrix} x=a, & y=b, & z=c. \end{matrix} $$
D’abord, tous les transformés de ce point, par une combinaison quelconque des deux premières substitutions, seront compris dans la formule
$$ \tag{2} \begin{matrix} x=a+k, & y= b+k_1, & z=c, \end{matrix} $$
$k$ et $k_1$ étant deux entiers ; il est facile de voir d’ailleurs que ces deux substitutions sont permutables [1].
Transformons maintenant l’ensemble des points (2) par la troisième substitution ; nous trouverons
$$ \tag{3} \begin{matrix} x=\alpha(a+k)+\beta(b+k_1), & y=\gamma(a+k)+\delta( b+k_1), & z=c+1. \end{matrix} $$
Si nous posons, pour abréger,
$$\begin{matrix} \alpha a +\beta b =a_1, & \gamma a +\delta b=b_1,\end{matrix}$$
de sorte que le point $(a_1,\, b_1)$ soit le transformé du point $(a,\, b)$ par la substitution
$$ ( x,y; \alpha x+\beta y,\gamma x+\delta y),$$
que j’appellerai $s$.
Nous pourrons alors remplacer les équations (3) par les suivantes [2] :
$$ \tag{4} \begin{matrix} x=a_1+k', & y=b_1+k'_1, & z=c+1, \end{matrix} $$
$k'$ et $k'_1$ étant deux entiers nouveaux ; en appliquant à ces points les deux premières substitutions on retombe donc toujours sur les mêmes points.
Appliquons-leur la troisième substitution.
Soit [3]
$$\begin{matrix} a_2 =\alpha a_1+\beta b_1, & b_2=\gamma a_1+\delta b_1,\end{matrix}$$
de telle sorte que le point $a_2$, $b_2$ soit le transformé du point $a_1$, $b_1$ par $s$.
Alors les transformés des points (4) par la troisième substitution seront compris dans la formule
$$\tag{5} \begin{matrix} x=a_2+k'', & y=b_2+k''_1, & z=c+2, \end{matrix} $$
$k''$ et $k''_1$ étant deux entiers.
En général, supposons que les transformés successifs du point $(a,\, b)$ par la substitution $s$ soient $a_1$, $b_1$ ; $a_2$, $b_2$ ; $\ldots$ ; $a_n$, $b_n$ ; $\ldots$ et, de même, que les transformés successifs par la substitution inverse soient $a_{-1}$, $b_{-1}$ ; $a_{-2}$, $b_{-2}$ ; $\ldots$.
Alors tous les transformés du point $(a,\, b,\,c)$ par les substitutions du groupe (1) seront donnés par la formule
$$\begin{matrix} x=a_n+k, & y=b_n+k_1, & z=c+n, \end{matrix}$$
où $n$, $k$, et $k_1$ sont trois entiers arbitraires.
On voit aisément d’ailleurs que le groupe dérivé des deux premières substitutions est permutable à la troisième.
Le domaine $D_0$ est un cube dont le côté est égal à $1$ et limité par les six plans
$$\begin{matrix}x;\, y;\, z&=&0;\,1.\end{matrix}$$
Le cas le plus simple est celui où
$$\begin{matrix} \alpha=\delta=1,& \beta=\gamma=0,\end{matrix}$$
parce qu’alors les trois substitutions se réduisent à
$$(x,y,z: x+1,y,z; x,y+1,z;x,y,z+1).$$
Chacune d’elles change une des faces du cube en la face opposée ; nous retombons donc tout simplement sur notre premier exemple.
Mais la manière dont la superficie du cube $D_0$ se subdivise en régions conjuguées n’est pas toujours aussi simple.
Supposons, par exemple,
$$\begin{matrix} \alpha=\beta=\delta=1,& \gamma=0;\end{matrix}$$
chacune des faces parallèles à l’axe des $z$ sera encore conjuguée de la face opposée ; mais pour les faces $z=0$, $z=1$ perpendiculaires à l’axe des $z$, cela sera plus compliqué.
Supposons que les points $ABCD$, $A'B'C'D'$ aient mêmes coordonnées que dans nos quatre premiers exemples. Chacune des faces $ABCD$, $A'B'C'D'$ devra être partagée en deux triangles, à savoir : $ABC$ et $BCD$ d’une part, $A'D'C'$ et $A'B'D'$ d’autre part, et la loi de conjugaison des faces sera exprimée par les relations [4]
$$\begin{matrix} ACC'A'&=&BDD'A',\\ CDD'C' &=& ABB'A',\\ ABC&=&AD'C',\\ BCD&=&B'A'D'. \end{matrix}$$
Plus généralement, les faces parallèles à l’axe des $z$ resteront conjuguées deux à deux, mais les faces perpendiculaires à l’axe des $z$ devront être décomposées en polygones plus petits, d’autant plus nombreux que les nombres $\alpha$, $\beta$, $\gamma$, $\delta$ seront plus grands et qui seront conjugués deux à deux suivant une loi plus ou moins compliquée.
Un cas simple est celui-ci :
$$\begin{matrix} \alpha=\delta=0, & \beta=1,& \gamma=-1.\end{matrix}$$
Dans ce cas, le mode de conjugaison est le même que dans notre quatrième exemple.
[1] C’est-à-dire qu’elles commutent.
[2] Ici il y a une erreur dans le texte des Œuvres (à la place de $c+1$ est écrit $c_1+1$), mais cette erreur ne figure pas dans l’article original.
[3] Ici il y a une erreur dans le texte des Œuvres (le dernier signe $+$ manque), mais cette erreur ne figure pas dans l’article original.
[4] Le dernier « $A'$ » de la première ligne devrait être un $B'$.