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Comparaison des homologies simpliciale et singulière

Lorsque $X$ est un polyèdre on dispose de deux théories homologiques : l’homologie polyédrale ou simpliciale et l’homologie singulière. Dans cet article, on montre que les groupes obtenus sont isomorphes. C’est essentiellement ce que cherche à faire Poincaré dans les paragraphes III et VI du premier complément.

Le théorème de comparaison

Soit $X$ un polyèdre et $T : |K | \to X$ une triangulation. Rappelons que ceci signifie que $K$ et $T$ est un homéomorphisme de $|K|$ dans $X$. L’application $T$ induit un morphisme de complexes $C_{\bullet} (K) \to C_{\bullet , \mathrm{sing}} (X)$.

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Théorème

Le morphisme de complexes $C_{\bullet} (K) \to C_{\bullet , \mathrm{sing}} (X)$ induit par $T$ est un quasi-isomorphisme, c’est-à-dire qu’il induit un isomorphisme au niveau des groupes d’homologie.

Ce théorème ci-dessus a plusieurs conséquences intéressantes :

  • L’homologie singulière est fonctorielle quasiment par définition (mais difficile à calculer a priori). Le théorème ci-dessus implique donc qu’il en est de même pour l’homologie simpliciale (plus facile à calculer).
  • Nous avons vu que toute variété $X$ admet une triangulation lisse $T:|K|\to X$. Le théorème ci-dessus montre que, pour déterminer l’homologie singulière de $X$, on peut calculer l’homologie simpliciale du complexe $K$. Ceci permet de remplacer le complexe de chaîne $C_{*,\mathrm{sing}(X)}$ (qui est de dimension infinie) par le complexe de chaîne de dimension finie $C_{*}(K)$.

Démonstration du théorème. Soit $K$ un complexe simplicial. On veut comparer l’homologie simpliciale de $K$ et l’homologie singulière de $|K|$. On a un morphisme de complexes $C_{\bullet} (K) \to C_{\bullet , \mathrm{sing}} (|K|)$ ; on doit montrer que ce morphisme induit un isomorphisme en homologie.

On note $K_n$ le $n$-squelette de $K$ constitué de tous les simplexes de dimension $\leq n$. Pour tout $i$ et tout $n$, on a alors un diagramme commutatif de suites exactes :

$$ \minCDarrowwidth7pt \begin{CD} H_{i+1} (K_n , K_{n-1}) @>>> H_i (K_{n-1}) @>>> H_i (K_n ) @>>> H_i (K_n , K_{n-1}) \\ @VVV @VVV @VVV @VVV \\ H_{i+1 , \mathrm{sing}} (|K_n| , |K_{n-1}|) @>>> H_{i , \mathrm{sing}} (|K_{n-1}|) @>>> H_{i , \mathrm{sing}} (|K_n| ) @>>> H_{i , \mathrm{sing}} (|K_n| , |K_{n-1}|) \end{CD} $$

Montrons tout d’abord que la première et la quatrième applications verticales sont des isomorphismes. Commençons par déterminer les groupes d’homologie simpliciales. Le module $C_i (K_n , K_{n-1})$ est trivial si $i\neq n$, et est libre de base les $n$-simplexes de $K$ si $i=n$. Il en résulte que l’on a $H_i (K_n , K_{n-1})$ est lui aussi trivial si $i\neq n$, et libre de base les $n$-simplexes de $K$ si $i=n$. Déterminons maintenant les groupes d’homologie singulière. Par le théorème d’écrasement,

$$H_{i , \mathrm{sing}} (|K_n| , |K_{n-1}|) = H_{i , \mathrm{sing}} (|K_n| / |K_{n-1}|).$$

On note $(\Delta_{\alpha})_{\alpha}$ la famille des $n$-simplexes de $K$. Les inclusions naturelles $\Delta_{\alpha} \rightarrow |K|$ induisent un homéomorphisme

$$\sqcup_{\alpha} \Delta_{\alpha} / \sqcup_{\alpha} \partial \Delta_{\alpha} \to |K_n| / |K_{n-1}|.$$

Un argument similaire à celui du calcul de l’homologie des sphères ainsi que la fonctorialité de l’homologie singulière donnent que le groupe $H_{i , \mathrm{sing}} (|K_n| , |K_{n-1}|)$ est trivial si $i \neq n$, alors qu’il est abélien libre de base les cycles relatifs représentés par les $n$-simplexes $\Delta_{\alpha}$ si $i=n$. Dans tous les cas on obtient que la première application verticale est un isomorphisme.

On montre maintenant, par récurrence sur $n$ à $i$ fixé, que toute les flèches verticales dans le diagramme ci-dessus sont des isomorphismes. C’est clair pour $n=0$ (voir par l’exemple ici). Supposons la propriété démontrée pour un certain $n$, et considérons le diagramme de rang $n+1$. La deuxième flèche verticale de ce dernier n’est autre que la troisième flèche verticale du diagramme de rang $n$. Par hypothèse de récurrence, c’est donc un isomorphisme. Ainsi trois des quatre flèches verticales du diagramme de rang $n+1$ sont des isomorphismes. Le lemme des cinq implique alors que la quatrième flèche verticale est aussi un isomorphisme, ce qui permet d’effectuer la récurrence.

C.Q.F.D.

Remarque

On peut démontrer directement le théorème ci-dessus en utilisant les complexes de chaînes.