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Le théorème d’écrasement affirme que (sous certaines hypothèses) l’homologie relative $H_\bullet(X,A)$ est en fait isomorphe à l’homologie réduite de l’espace quotient $X/A$. On en donne ici deux démonstrations.
Première démonstration du théorème d’écrasement
Homologie relative et homologie du cône
En fait, l’homologie réduite est toujours isomorphe à l’homologie réduite d’un autre espace : le cône $X \cup CA $ de l’inclusion $A\hookrightarrow X$. Rappelons que
$$CA= A\times [0,1]/A\times \{1\}$$
est le cône sur $A$ et que l’on identifie à $A\times\{0\}$ avec $A$ dans l’écriture $X \cup CA $. Comme le cône $CA$ est contractile, la longue suite exacte en homologie associée à la paire $(X\cup CA, CA)$ assure que l’application canonique
$$\tilde{H}_i(X\cup CA) \to\tilde{H}_i(X\cup CA, CA)$$
est un isomorphisme pour tout $i$. En outre, pour tout $i$, on a
$$\tilde{H}_i(X\cup CA)=H_i(X\cup CA, \{A\times \{ 1\}\}) $$
par définition de l’homologie réduite.
Le morphisme
$$H_i(X,A)\to H_i(X\cup CA, CA)$$
induit par l’inclusion de paires $(X,A) \hookrightarrow (X\cup CA, CA)$ est un isomorphisme pour tout $i\in \mathbb{N}$.
Démonstration du lemme. On applique le théorème des petites chaînes (dans le cas relatif) au recouvrement de $X \cup CA$ par les (deux) ouverts $U_1=CA \setminus A$ et $U_2=X \cup \{ A \times [0, 1/2[ \}$. On obtient que l’inclusion
$$C_*\left(U_1,U_1\cap CA\right) \oplus C_*\left(U_2, U_2\cap \left(CA\right)\right) \to C_*(X \cup CA , CA)$$
est un quasi-isomorphisme. Par nullité de $C_*(CA\setminus A, CA\setminus A)=C_*\left(U_1, U_1\cap \left(CA\right)\right) $ on obtient donc
$$H_i (X \cup CA , CA) \cong H_i\left (X \cup \left( A \times [0, 1/2[ \right), A \times [0, 1/2[ \right).$$
On conclut alors la démonstration du lemme en remarquant que l’inclusion canonique de la paire $(X,A)$ dans la paire $(X\cup \{ A \times [0, 1/2[ \} , \{ A \times [0, 1/2[ \})$ est une équivalence d’homotopie de paires.
C.Q.F.D.
$$ $$
Démonstration du théorème d’écrasement dans le cadre des espaces métrisables
On suppose désormais que $(X,A)$ est une paire qui vérifie les hypothèses du théorème d’écrasement, c’est-à-dire que $A$ est une fermé de $X$ qui est un rétracte par déformation (forte) d’un voisinage ouvert, dénoté $U$.
Par le lemme précédent, il nous suffit de relier l’homologie du cône $X\cup CA$ à celle du quotient $X/A$. Lorsque $X$ est un espace raisonnable, ces deux derniers espaces sont homotopes. Intuitivement, cela se voit en « étirant » jusqu’au sommet du cône $CA$ le voisinage $U$ de telle sorte que $A$ soit identifié avec le sommet du cône.
Toujours sous les hypothèses du théorème d’écrasement et si de plus $X$ est métrisable [1], l’application quotient
$$p:(X\cup CA,CA) \to \left((X\cup CA)/CA,\{CA\}\right) = (X/A,\{A\}) $$
est une équivalence d’homotopie.
Démonstration. La principale difficulté est de construire l’application « inverse » $q: X/A \to X\cup CA $. Un choix raisonnable est d’envoyer la classe $\{A\}$ sur le sommet du cône $CA$. Sans hypothèses supplémentaires, on ne peut guère choisir que de prendre l’identité sur le complémentaire $X\setminus U$ de $U$. Le problème est d’étendre cette construction...
Par hypothèse, on a une homotopie $H:U\times [0,1]\to U$ qui vérifie que $H(a,t)=a$ pour $a\in A$, et pour tout $u\in U$, $H(u,0)=u$ et $H(u,1)=r(u)$ où $r:U\to A$ est la rétraction. Intuitivement, si un point $u$ est proche de $X\setminus U$, on peut le tirer un peu (mais pas trop) vers $A$ en lui appliquant $H(\cdot,\varepsilon)$ pour $\varepsilon$ petit. De même, s’il est proche de $A$, on peut tirer son image dans $A$ (par la rétraction) « haut » dans le cône sur $CA$. C’est assez facile à réaliser si $U$ est un voisinage tubulaire de $A$. Dans le cas où nous sommes, on réalise cette notion d’être proche/loin de $X\setminus U$ par l’introduction d’une fonction $\psi: X\to [0,1]$ satisfaisant $\psi(x)=1$ sur un voisinage de $X\setminus U$ et $\psi^{-1}(\{0\})=A$ (qui existe car $X$ est métrisable donc normal).
Commençons par construire une rétraction [2] $Q: X\times [0,1] \to X\cup CA$ ; l’application cherchée $q$ sera alors essentiellement donnée par $Q(\cdot,1)$. Pour tout $x\in X\setminus U$, on pose $Q(x,t)= x$. Pour tout $u\in U$, on pose
$$ Q(u,t) = \left\{\begin{array}{ll} H(u, t/\phi(u)) &\mbox{ si } t<\phi(u)\\ \big(H(u,1), t-\psi(u)(1+t)\big) &\mbox{ si } t\geq \phi(u) \\ \end{array}\right. $$
où $\phi = \psi/(1-\psi)$ est à valeurs dans $[0,+\infty]$, s’annule sur $A$ et tend vers $+\infty$quand on rapproche de $X\setminus U$. Remarquons que $1/\phi(u)$ est bien défini dès que $u\notin A$ et que la seconde expression a bien un sens car $H(u,1)\in A$ pour tout $u\in U$. Ainsi, $Q(\cdot,0)$ est l’identité. Pour $t\in[0,1]$, $Q(\cdot,t)$ envoie $\{u, t\geq \phi(u)\}$ dans le cône. En particulier, pour $t=1$, $Q(\cdot,1)$ envoie $\{u,\psi(u)\leq 1/2\}$ dans le cône et $A$ sur le point conique.
Il suit donc de la définition du quotient que l’application $Q(\cdot,1)$ a une unique factorisation continue $Q(\cdot,1)= q\circ \pi$ où $q:X/A\to X\cup CA$ est continue et $\pi: X\to X/A$ est l’application quotient.
Il reste alors à montrer que $p$ et $q$ définissent une équivalence d’homotopie. On utilise alors $Q$ pour construire une homotopie entre $p\circ q$ et l’identité de $X/A$ et entre $q\circ p $ et l’identité de $X\cup CA$ (exercice).
C.Q.F.D.
$$ $$
Par les deux lemmes précédents, on obtient un diagramme commutatif
$$\xymatrix{ H_i(X \cup CA , CA) \ar[r]^{\cong} & H_i(X/A,\{A\}) \\ H_i(X,A) \ar[u]_{\cong} \ar[ru]& } $$
duquel on déduit que la projection canonique $(X,A)\to (X/A, \{A\})$ induit des isomorphismes
$$H_i (X, A) \cong H_i (X/A , \{A\})$$
ce qui termine la démonstration du théorème d’écrasement dans le cas des espaces métrisables.
C.Q.F.D.
$$ $$
Un contre-exemple au lemme précédent est donné par le sous-espace $A=\{0\}\cup \{1/n, n\in \mathbb{N}^*\}$ fermé dans $[0,1]$. Cette inclusion n’admet pas de rétraction par déformation forte d’un voisinage. L’espace $[0,1]\cup CA$ n’est pas homotope à $X/A$. En effet ce dernier est homéomorphe aux cercles hawaïens, c’est à dire une suite de cercles tangents de diamètre tendant vers $0$. En revanche, $[0,1]\cup CA$ est constitué du segment et d’une famille de « cercles » prenant appui sur ce segment (et deux points quelconques de $A$) ; cercles dont les diamètres restent minorés par un nombre $>0$ (i.e. ne tendent pas vers un point). Si l’application $p :X\cup CA \to X/A$ était une équivalence d’homotopie, il existerait une application continue $q$ de $X/A$ vers $[0,1]\cup CA$ qui devrait envoyer, pour tout petit voisinage de l’image de $\{0\}$, presque tous les petits cercles de $X/A$ dans ce voisinage. Une telle application ne saurait vérifier $p\circ q$ homotope à l’identité.
Excision et deuxième démonstration du théorème d’écrasement
Si $U$ est un fermé dans l’intérieur d’un fermé $A$, il est clair que les espaces quotients $(X\setminus U)/(A\setminus U)$ et $X/A$ sont homéomorphes. Au vu du théorème d’écrasement, cela suggère que les homologies relatives des paires $(X\setminus U, A\setminus U)$ et $(X,A)$ sont isomorphes, au moins dans de bons cas. Ce résultat est en fait vrai de manière générale grâce au théorème des petites chaînes.
Soient $U\subset A\subset X$ et notons $j:(X\setminus U, A\setminus U) \hookrightarrow (X,A)$ l’inclusion de paires. On suppose de plus que $\overline{U}\subset \overset{\circ}{A}$. Alors le morphisme
$$j_*:C_\bullet(X\setminus U, A\setminus U)\longrightarrow C_\bullet(X,A) $$
est un quasi-isomorphisme. En particulier, pour tout $i\in \mathbb{N}$, on a un isomorphisme $j_*: H_i( X\setminus U, A\setminus U)\cong H_i(X,A)$.
Démonstration. On applique le théorème des petites chaînes au recouvrement $\mathcal{U}=(X\setminus U, A)$. Le résultat découle de l’identification de $C_\bullet(X^{\mathcal{U}}, A^{A\cap \mathcal{U}})$ avec $C_\bullet(X\setminus U, A\setminus U)$.
C.Q.F.D.
$$ $$
On peut appliquer la formule d’excision pour prouver le théorème d’écrasement comme suit. Soit $(X,A)$ une paire telle que $A$ est une fermé de $X$ qui est un rétracte par déformation (forte) d’un voisinage ouvert, dénoté $V$. Le triplet $A\subset V\subset X$ vérifie les hypothèses de la formule d’excision. De plus, l’inclusion de la paire $(X,A)$ dans $(X,V)$ est une équivalence d’homotopie et induit (car la rétraction par déformation est forte) une équivalence d’homotopie $A/A \to V/A$. On en déduit un diagramme commutatif dont les flèches horizontales sont des quasi-isomorphismes :
$$\xymatrix{C_\bullet(X,A) \ar[r]^{\sim} \ar[d]_{\alpha} & C_\bullet(X,V) \ar[d]_{\beta} & C_\bullet(X\setminus A, V\setminus A) \ar[l]_{\sim} \ar[d]^{\gamma} \\ C_\bullet(X/A, A/A) \ar[r]^{\sim} & C_\bullet(X/A, V/A) & C_\bullet(X/A \setminus A/A, V/A\setminus A/A) \ar[l]_{ \sim \qquad} } . $$
Les flèches verticales sont les flèches naturelles induites par les projections sur les espaces quotients. Le théorème d’écrasement est équivalent au fait que $\alpha$ est un quasi-isomorphisme. Par la commutatitvité du diagramme, il suffit pour cela que $\gamma$ soit un quasi-isomorphisme. Mais par construction, l’application $X\setminus A \to (X/A \setminus A/A)$ est un homéomorphisme, et donc induit un quasi-isomorphisme au niveau des complexes de chaînes.
C.Q.F.D.
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En comparant les deux preuves données du théorème d’écrasement, on peut estimer que le « type d’homologie » d’un quotient est plus facile à déterminer que son type d’homotopie.
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