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Homologie relative

De nombreux espaces topologiques sont obtenus en recollant selon des sous-espaces des espaces topologiques « plus simples ». Il est alors naturel de considérer l’homologie d’un espace relativement à un sous-espace. Les cycles (qui généralisent les « sous-variétés fermées ») sont remplacés par les chaînes dont le bord est contenu dans le sous-espace. On peut ici se placer au choix dans la catégorie des complexes simpliciaux/polyèdraux ou des espaces topologiques. Selon les cas la théorie homologique considérée est donc l’homologie polyédrale/simpliciale ou l’homologie singulière. L’homologie relative est utilisée ici pour faire de premiers calculs non triviaux en homologie singulière.

Chaînes relatives et leurs homologies

Définition (Paire d’espaces)

Une paire est un couple $(X,A)$ où $A$ est un sous-espace de $X$. On a alors des inclusions $C_i (A) \subset C_i (X)$ et on pose :

$$C_i (X,A) = C_i (X) / C_i (A).$$

Les $C_i (X,A)$ forment encore un complexe de chaîne, appelé complexe de chaînes relatives de $(X,A)$. En effet, pour définir l’application bord on remarque que si $\alpha \in C_i (X)$ alors l’image de $\partial \alpha$ dans le quotient $C_{i-1} (X ) / C_{i-1} (A)$ ne dépend que de la classe de $\alpha$ modulo $C_i (A)$.

Définition (Groupes d’homologie relative)

Les groupes d’homologie relative d’une paire $(X,A)$ sont les groupes d’homologie du complexe de chaînes relatives $C_{\bullet} (X,A)$ ; on les note $H_i (X,A)$.

Voici deux représentants d’une même chaîne dans $C_1(X,A)$

et un cycle de $C_1(X,A)$.
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Dans le cas de l’homologie relative singulière, il n’est pas dur de vérifier qu’une application continue $f:(X,A)\to (Y,B)$ entre paires induit aussi un morphisme de complexe de chaînes $f_*:C_\bullet(X,A)\to C_{\bullet}(Y,B)$ (par simple passage au quotient) et donc un morphisme --- encore et toujours noté $f_*$ --- entre les groupes d’homologie relative.

On obtient trois complexes :

$$\begin{CD} @>>> C_i (A) @>>> C_{i-1} (A) @>>> \\ @. @VVV @VVV \\ @>>> C_i (X) @>>> C_{i-1} (X) @>>> \\ @. @VVV @VVV \\ @>>> C_i (X,A) @>>> C_{i-1} (X,A) @>>> \end{CD} $$

où l’application $C_i (A) \to C_i (X)$ est induite par l’inclusion et l’application $ C_i (X) \to C_i (X,A)$ est induite par la projection. Chaque suite verticale

$$C_i (A) \to C_i (X) \to C_i (X,A)$$

forme alors une suite exacte courte, c’est-à-dire qu’elle s’étend en une suite exacte

$$0 \to C_i (A) \to C_i (X) \to C_i (X,A) \to 0.$$

Théorème (Suite exacte longue d’homologie relative)

Pour toute paire $(X,A)$, il existe pour tout $i$ dans $\mathbb{Z}$ un morphisme

$$\delta : H_i (X,A) \to H_{i-1} (A)$$

tels que la suite infinie

$$ \ldots \to H_i (A) \to H_i (X) \to H_i (X,A) \stackrel{\delta}{\to} H_{i-1} (A) \to \ldots \to H_0 (X) \to H_0 (X,A) \to 0 $$

soit exacte.

Les applications $H_i (A) \to H_i (X)$ et $H_i (X) \to H_i (X,A)$ sont les applications naturelles, induites par les morphismes de complexes $C_i (A) \to C_i (X)$ et $C_i (X) \to C_i (X,A)$ [1].

Soit $x$ un point de $X$. La suite exacte longue précédente permet de prouver que les groupes $H_i (X, \{x \})$ et $H_i (X)$ sont isomorphes pour tout $i>0$. En degré $0$, si $(X_\alpha)$ est la famille des composantes connexes par arcs de $X$, on a

$$H_0 (X) = \bigoplus_{\alpha}\mathbb{Z} \text{ et } H_0 (X , \{x\}) = \bigoplus_{\alpha\neq\alpha_0}\mathbb{Z}$$

où $x\in X_{\alpha_0}$. En effet, pour $i>2$, on obtient

$$0\to H_i(X)\to H_i(X,\{x\})\to 0$$

et le résultat est immédiat. En outre, l’application $H_0(\{x\})\to H_0(X)$ est injective, il vient donc

$$0\to H_1(X)\to H_1(X,\{x\})\stackrel{0}{\to} \mathbb Z \to H_0(X) \to H_0(X,\{x\}) \to 0$$

ce qui permet de conclure.

Définition (Homologie réduite)

Les groupes $H_i (X , \{x\})$ sont appelés groupes d’homologie réduite ; on les note $\widetilde{H}_i (X)$.

Décrivons comment construire le morphisme « de bord » $\delta$ dans la suite exacte longue d’homologie relative. Un cycle dans $C_i (X,A)$ peut être représenté par une chaîne $\alpha \in C_i (X)$ dont le bord $\partial \alpha$ est contenu dans $C_{i-1} (A)$. La classe de $\partial \alpha$ dans $H_{i-1} (A)$ ne dépend que de la classe de $\alpha$ modulo $C_i (A)$. On définit donc $\delta$ comme étant le morphisme qui associe à chaque cycle dans $C_i (X,A)$ la classe d’homologie de son bord dans $C_{i-i} (A)$.

La démonstration du théorème est en fait purement algébrique ; elle résulte de la proposition suivante qui signe l’acte de naissance de l’algèbre homologique et qui est démontrée ici.

Proposition

Si $C \to C' \to C''$ est une suite exacte courte de complexes, il existe une suite exacte longue

$$ \ldots \to H_i (C) \to H_i (C') \to H_i (C'') \to H_{i-1} (C) \to \ldots \to H_0 (C' )\to H_0(C'') \to 0. $$

des groupes d’homologie de ces complexes.

En outre, si $(X,A)$ et $(Y,B)$ sont deux paires telles qu’il existe un diagramme commutatif

$$ \xymatrix{ C(A) \ar@{^{(}->}[r] \ar[d]^{\alpha} & C(X) \ar@{->>}[r] \ar[d]^{\beta} & C(X,A) \ar[d]^{\gamma} \\ C(B) \ar@{^{(}->}[r] & C(Y) \ar@{->>}[r] & C(Y,B)} $$

induit, par exemple, par une application $f : (X,A)\to(Y,B)$ alors le diagramme de la suite exacte longue induit en homologie est lui aussi commutatif.

$$ \begin{CD} \dots H_{i} (A) @>>> H_i (X) @>>> H_i (X,A) @>>> H_{i-1} (A) \ldots \\ @VVV @VVV @VVV @VVV \\ \dots H_{i} (B) @>>> H_i (Y) @>>> H_i (Y,B ) @>>> H_{i-1} (B) \ldots \end{CD} $$

Là encore, le résultat découle d’une propriété purement algébrique.

Proposition

Soit

$$ \xymatrix{ C \ar@{^{(}->}[r] \ar[d]^{\alpha} & C' \ar@{->>}[r] \ar[d]^{\beta} & C'' \ar[d]^{\gamma} \\ D \ar@{^{(}->}[r] & D' \ar@{->>}[r] & D''} $$

un diagramme commutatif de complexes de chaînes dont les lignes sont des suites exactes (courtes). Alors, le diagramme de suites exactes longues induit en homologie

$$ \begin{CD} \dots H_{i} (C) @>>> H_i (C') @>>> H_i (C'') @>>> H_{i-1} (C) \ldots \\ @VVV @VVV @VVV @VVV \\ \dots H_{i} (D) @>>> H_i (D') @>>> H_i (D'' ) @>>> H_{i-1} (D) \ldots \end{CD} $$

est commutatif.


[1On prendra toutefois garde au fait qu’une inclusion de complexes n’induit pas nécessairement une application injective en homologie : l’image d’un cycle non homologue à $0$ dans le petit complexe peut être homologue à $0$ dans le grand.