L’objectif, qui — nous semble-t-il — guide Poincaré dans sa définition de l’homologie, est de mesurer la complexité de la topologie d’une variété $V$ en comptant le nombre maximal de sous-variétés de dimension $p$ que l’on peut « faire entrer » dans $V$, sans que celles-ci ne soient « reliées » par une sous-variété de dimension $p+1$, c’est-à-dire sans que certaines d’entre elles ne constituent le bord d’une sous-variété de $V$ de dimension $p+1$.
Lorsqu’on cherche à formaliser cet objectif, on s’aperçoit bien vite qu’il ne suffit pas de considérer des sous-variétés sans bord de dimension $p$ et des sous-variétés à bords de dimension $p+1$ au sens usuel. En effet, on obtiendrait ainsi une « complexité » infinie quelle que soit — ou presque — la variété $V$. [1] L’homologie à la Poincaré devient rapidement difficile à formaliser.
Poincaré semble d’ailleurs avoir pris rapidement conscience du caractère peu pratique de sa définition initiale de l’homologie. Ceci l’amène à introduire, dès le Premier Complément à l’Analysis Situs, une autre définition de l’homologie, plus combinatoire (donc certainement mieux adaptée aux calculs), mais moins naturellement adaptée à l’étude des variétés. Pour calculer l’homologie d’une variété, il faut déjà choisir une décomposition de la variété en simplexes. Cela est rendu possible grâce au théorème de Whitehead selon lequel toute variété lisse possède une classe privilégiée de triangulations.
Définition
Partant plus généralement d’un complexe (linéaire) quelconque $K$, on définit dans l’article Homologies polyédrale et simpliciale : Définitions les groupes d’homologie de $K$. La définition est simple et combinatoire.
Formule d’Euler-Poincaré
L’article Formule d’Euler-Poincaré fait le lien entre l’homologie d’un complexe $K$ et sa caractéristique d’Euler. Nous consacrons plus généralement toute une rubrique à la caractéristique d’Euler-Poincaré (qui le mérite bien !).
Exemples de calculs
On ne saurait trop encourager le lecteur à calculer les groupes d’homologie d’un maximum d’espaces, comme présenté ici. Poincaré s’exerce sur une large famille d’espaces obtenus comme recollements de polyèdres. On retrouvera ces exemples dans la rubrique Exemples de dimension 3, les exemples que Poincaré étudie plus particulièrement sont les recollements du cube et la variété dodécaédrique de Poincaré, dans ces exemples le calcul de la caractéristique d’Euler-Poincaré permet directement de distinguer les variétés des espaces singuliers. On prendra garde au fait que ces recollements de polyèdres ne sont en général pas donnés comme réalisation géométrique d’un complexe (linéaire). L’article Quotients de polyèdres montre toutefois qu’on peut s’y ramener.
- Quelques calculs avec l’homologie polyédrale.
- Recollements du cube.
- Variété dodécaédrique de Poincaré.
Indépendance de la triangulation et naturalité
Un désavantage de cette définition est que ces groupes d’homologie semblent dépendre du complexe $K$ [2]. L’article Invariance par subdivision propose une démonstration élémentaire [3] du fait que les groupes d’homologie de $K$ ne dépendent en fait que du polyèdre $|K|$. Il découle en particulier du théorème de Whitehead que l’on peut définir les groupes d’homologie d’une variété lisse et que les groupes d’homologie de deux variétés lisses difféomorphes sont isomorphes. À ce stade, il n’est toutefois pas évident que cette théorie homologique soit « naturelle » : si $f:X \to Y$ est une application continue entre polyèdres, ou même une application lisse entre variétés lisses, il n’est pas immédiat que $f$ induise un morphisme $f_*$ au niveau des groupes d’homologie. Pour démontrer cela on peut soit avoir recours à l’approximation simpliciale soit, en procédant comme Poincaré, identifier l’homologie polyédrale à une théorie homologique plus abstraite, comme l’homologie singulière.
[2] et donc du choix de la triangulation si l’on est parti d’une variété
[3] inspirée des idées de Poincaré et de notes de Larry Siebenmann