> Textes originaux > Premier complément à l’Analysis Situs > §VI. Retour sur les démonstrations du paragraphe III. Cette page présente la transcription d’une section des Œuvres Complètes de Poincaré. Vous pouvez retrouver nos commentaires par ici. §VI. Retour sur les démonstrations du paragraphe III. |
Nous avons à revenir ici sur un point essentiel du raisonnement qui précède. J’ai dit plus haut qu’il n’y avait d’autre homologie que les homologies (9,q), obtenues au paragraphe III. Cela n’est pas évident, cela ne serait pas même toujours vrai, si nous ne supposions pas les $a_i^q$ simplement connexes.
Démontrons-le d’abord pour un polyèdre $P$, dans l’espace à quatre dimensions.
Considérons un certain nombre de variétés $v_2$ ou $a_i^2$, appartenant à ce polyèdre : je les appellerai ses faces, de même que les $a_i^3$, les $a_i^1$ et les $a_i^0$ de ce polyèdre $P$ pourront s’appeler ses cases, ses arêtes et ses sommets.
Supposons que l’on ait entre ces faces $a_i^2$ une homologie
$$ \sum a_i^2 \sim 0. $$
Celle homologie signifie qu’il existe une variété à trois dimensions, $V$, faisant partie de $P$, et admettant $\sum a_i^2$ comme frontière complète.
Je dis que $V$ se compose d’un certain nombre de cases de $P$
Si, en effet, un point d’une case appartient à $V$ , il en sera de même de tout autre point de cette case, car on peut aller du premier point au second, sans rencontrer aucune face et, par conséquent, sans rencontrer la frontière de $V$ et sans sortir de $ V$.
Le théorème est donc évident en ce qui concerne les polyèdres de l’espace à quatre dimensions et les homologies entre les faces.
Soit maintenant une homologie entre les arêtes
$$ \sum b_1 \sim 0, $$
les $b_1$ étant un certain nombre d’arêtes $a_i^1$. Cela veut dire qu’il existe une variété à deux dimensions, $V$, dont $\sum b_1$ est la frontière complète.
Je désignerai par $V(a_i^k)$ l’ensemble des points communs à $V$ el à $a_i^k$.
Les $V(a_i^3)$seront des variétés à deux dimensions ; dont la frontière sera formée, soit par quelques-unes des arêtes $b_1$ soit par les $V(a_j^2)$, les $a_j^2$ étant les faces qui servent de frontière à la case $a_i^3$. On ne peut en effet, sortir de $V(a_i^3)$ qu’en sortant de $V$ par sa frontière, c’est-à-dire, en traversant une des $b_1$, ou qu’en sortant de $a_i^3$ par sa frontière, c’est-à-dire en traversant une face $a_j^2$, et, comme on reste sur $V$, en traversant une des lignes $V(a_j^2)$.
La variété totale $V$ est formée de l’ensemble des $V(a_i^3)$.
Considérons maintenant $V(a_i^2)$ ; nous devons distinguer deux cas :
- Ou bien aucune des arêtes $b_1$ n’appartient à $a_i^2$. Nous ne pourrons alors sortir de $V(a_i^2)$, qu’en sortant de $V(a_i^2)$, c’est-à-dire en traversant une des arêtes $a_j^2$ la frontière de $V(a_j^2)$ est donc formée par les $V(a_j^3)$.
- Ou bien une (ou plusieurs) arête $b_1$ fait partie de $a_i^2$ dans ce cas, elle fera également partie de $V(a_i^2$ ; mais il pourra se faire que $V(a_i^2)$ se compose, outre l’arête $b_1$d’autres lignes ; ces lignes auronl pour frontières des points $V(a_j^1)$. ou des points situés sur $b_1$. Ces points situés sur $b_1$, et où les autres lignes, dont se compose $V(a_i^2)$, viennent se terminer sur l’arête $b_1$, seront ce que j’appellerai des points nodaux.
Dans tous les cas $V(a_i^2)$ sera une ligne ou un ensemble de lignes ; si, en effet, $V(a_i^2)$ était une surface, c’est que $a_i^2$, ou une portion de cette face, ferait partie de $V$. Mais j’ai le droit de déformer $V$, pourvu que je ne change pas sa frontière $\sum b_1$ ; je puis toujours, par une déformation infiniment petite, éviter qu’une région de $a_i^2$ fasse partie de $V$.
Pour la même raison, je puis toujours supposer que $V(a_i^1)$ réduit à un ou plusieurs points, sauf si $a_i^1$ est l’une des arêtes $b_1$, auquel cas $V(a_i^1)$ sera cette arête elle-même.
Cela posé, je puis déformer $V$ :
1. De manière que tous les $V(a_i^1)$ [autres que $V(b_1)$] soient des sommets. Soit $a_j^0$ un sommet de $a_i^1$. Soit $M$ l’un des points dont se compose $V(a_i^1)$ ; autour du point $M$ et sur $V$ décrivons une petite courbe fermée $C$. Soit $K$ l’aire infiniment petite découpée sur $V$ par cette courbe $C$. Construisons une sorte de manchon, infiniment délié, entourant l’arête $a_i^1$ et passant par $C$. Par le sommet $a_j^0$ je mène une surface quelconque $S$ ; elle viendra découper sur le manchon une courbe fermée très petite $C'$. Soit $K'$ la portion de la surface $S$ limitée par $C$ ; soit $H$ la surface du manchon comprise entre $C$ et $C'$. On figurera ainsi une sorte de tambour, dont $H$ sera la surface latérale, $K$ et $K'$ les deux bases.
Considérons alors la variété
$$ V'=V-K+H+K'. $$
Cette variété aura même frontière que $V$ ; mais elle ne coupera plus $a_i^1$ en $M$, puisqu’on a supprimé la portion $K$ de $V$ où se trouvait ce point $M$. En revanche, $H$ ne coupera pas l’arête $a_i^1$ et $K'$ coupera cette arête en $a_j^0$.
En opérant de même sur tous les points d’intersection de $V$ et de $a_i^1$ on amènerait tous ces points à coïncider avec $a_j^0$.
2. De manière que tous les points nodaux soient des sommets.
$$ $$
Soit, en effet, $a_i^2$ ne face passant par l’arête $b_1$ ; l’intersection de $V$ et $a_i^2$ comprendra, outre $b_1$, d’autres lignes ; soit $c$ l’une de ces lignes, venant se terminer sur $b_1$, en un point nodal $D$. Soient $a_J^0$ et $a_k^0$ les deux sommets de $b_1$. Par $b_1$ je fais passer une surface $S$, faisant partie de $P$ et ne coupant pas $a_i^2$. Comme $a_j^0$ et $a_k^0$ sont sur la frontière de $V$, je joins ces deux points par une ligne $L$, située sur $V$ et s’écartant peu de $b_1$. Cette ligne s’écartant peu de $b_1$, je puis mener par $L$ une autre surface $S'$, qui ne passera pas par $b_1$, mais qui coupera $S$ suivant une ligne $L'$, très peu différente de $b_1$. Ces trois lignes $L$, $b_1$ et $L'$ auront mêmes extrémités $a_j^0$ et $a_k^0$.
Soit $v_1$ la portion de $V$, comprise entre $L$ et $b_1$ ; soit $S_1$ la portion de $S$ comprise entre $L'$ et $b_1$, et $S_1'$ le portion de $S'$ comrpise entre $L$ et $L'$.
Je remplace $V$ par
$$V'=V-V_1+S_1+S_1'.$$
$V'$ a mêmes frontières que $V$, mais $V'(a_i^2)$ ne présente plus de points nodaux en dehors $a_j^0$ et $a_k^0$ ; car si une ligne analogue à $c$ venait aboutir à un point nodal, situé entre $a_i^0$ et $a_k^0$, la portion de cette ligne $c$, voisine de ce point nodal, devrait se trouver sur $S_1$, ce qui est impossible, puisque $S$ ne coupe pas $a_i^2$.
$$ $$
En résumé : nous pouvons toujours supposer que les $V(a_i^2)$ sont des lignes dont les extrémités sont des sommets de $a_i^2$.
Soit alors $L$ une des lignes dont se compose $V(a_i^2)$, ayant pour extrémités des sommets $a_j^0$ et $a_k^0$ de $a_i^2$. On peut aller de $a_j^0$ à $a_k^0$ en suivant le périmètre de $a_i^2$ ; soit $\sum a_m^1$ l’ensemble des arêtes de $a_i^2$, comprises entre $a_j^0$ et $a_k^0$. Comme la face $a_i^2$ est supposée simplement connexe, la ligne $L$ la divisera en deux parties. Soit $Q$ l’une de ces parties, comprise entre $L$ et $\sum a_m^1$.
Soient $a_p^3$ et $a_q^3$ les deux cases séparées par $a_i^2$. Par les arêtes $\sum a_m^1$ je fais passer une surface $S$, peu différente de la face $a_i^2$ et située toute entière dans la case $a_p^3$ ; par les mêmes arêtes, je fais passer une seconde surface $S'$, peu différente de $a_i^2$ et dans la case $a_q^3$ ; ces deux surfaces $S$ et $S4$ couperont $V$, suivant deux lignes $L_1$ et $L_1'$, peu différentes de $L$, et ayant pour extrémités $a_j^0$ et $a_k^0$. Soit $S_1$ la portion de $S$ comprise entre $\sum a_m^1$ et $L_1$ ; soit $S_1'$ la portion de $S'$ comprise entre $\sum a_m^1$ et $L_1'$ ; soit $V_1$ la portion de $V$ comprise entre $L_1$ et $L_1'$ ; c’est sur $V_1$ que se trouvera $L$.
Soit maintenant
$$V'=V-V_1+S_1+S_1'.$$
$V'$ a mêmes frontières que $V$ ; $V'$ ne passe plus par $L$, mais en revanche passe par les arêtes $\sum a_m^1$.
En opérant de la même manière pour toutes les lignes telles que $L$, on voit qu’on peut toujours supposer que tous les $V(a_i^2)$ se réduisent à des combinaison d’arêtes.
Comme les frontières de $V(a_i^3)$ sont ou des $b_1$ ou des $V(a_j^2)$, on voit que les frontières des $V(a_i^3)$ sont des combinaisons d’arêtes de $P$, et, bien entendu, toutes ses arêtes doivent appartenir à $a_i^3$. ainsi donc $V(a_i^3)$ est une surface simplement ou multiplement connexe, limitée par une ou plusieurs lignes fermées qui, elles-mêmes, sont des combinaisions d’arêtes de $a_i^3$.
Comme la case $a_i^3$ est simplement connexe, ces lignes fermées subdiviseront la surface de cette case en un certain nombre de régions, et comme ces lignes fermées sont des combinaisons d’arêtes de $a_i^3$, ces régions seront des combinaisons des faces de $a_i^3$.
On pourra toujours trouver une combinaison de ces régions, qui aura mêmes frontières que $V(a_i^3)$. Supposons, par exemple, que la frontière de $V(a_i^3)$ se compose de trois lignes $L$, $L_1$, $L_2$ ; la ligne $L$ divisera la surface de $a_i^3$ en deux régions $R$ et $R'$ ; les lignes $L_1$ et $L_2$ diviseront de même cette surface en deux $R_1$ et $R_1'$, ou $R_2$ et $R_2'$. Je suppose qu’en parcourant $L$ dans un certain sens, on ait à sa gauche $V(a_i^3)$ et $R$ et $R'$ à sa droite ; je suppose, de même, qu’en parcourant $L_1$ et $L_2$ dans un sens convenable, on ait à sa gauche $V(a_i^3)$ et $R_1$, ou $V(a_i^3)$ et $R_2$.
Alors la variété $R+R_1+R_2$ aura même frontière que $V(a_i^3)$, on pourra donc remplacer $V(a_i^3)$ par $R+R_1+R_2$.
En opérant de la même manière sur tous les $V(a_i^3)$, on aura remplacé $V$ par une autre variété, qui aura même frontière que $\sum b_1$, et qui sera une combinaison de faces de $P$.
Le théorème est donc démontré en ce qui concerne les polyèdres de l’espace à quatre dimensions et les homologies entre les arêtes.
On le démontrerait, de même, pour un polyèdre quelconque.