Sous prétexte de répondre à une objection de Poul Heegaard, Poincaré introduit dans un moyen concret de calculer les nombres de Betti d’une variété : l’homologie polyédrale. L’idée consiste à fixer une décomposition polyédrale de la variété et ne "compter" que les sous-variétés que l’on peut former à partir des faces de cette décomposition. Le calcul des nombres de Betti se réduit alors à de l’algèbre linéaire.
Nombres de Betti réduits
Dans le premier paragraphe, Poincaré commence par expliquer le malentendu à l’origine de l’objection de Heegaard. Il soutient que son théorème de dualité si on définit les nombres de Betti comme la dimension de l’homologie rationnelle.
Poincaré concède cependant que la preuve tu théorème de dualité donnée dans l’Analysis Situs est incorrecte et se propose d’en donner une nouvelle. Pour cela, il introduit les nombres de Betti réduits, qui se calculent à partir d’une décomposition polyédrale de la variété.
Dans le paragraphe 2, Poincaré commence par revenir sur sa définition de "polyèdre". Cette définition un peu vague autorise les faces à se coller avec elles-mêmes.
Il peut alors définir le nombre de Betti réduit $b'_k$ comme le "nombre" de variétés fermées de dimension $k$ que l’on peut construire avec les $k$-faces du polyèdre (modulo homologie).
Le point crucial de cette définition est que la notion de "variété fermée" se transcrit maintenant de façon purement algébrique. Une variété de dimension $q$ est une combinaison linéaire de $q$-faces. Elle est fermée si elle est dans le noyau d’une matrice $T_q$ qui envoie une combinaison linéaire de $q$-faces sur une combinaison linéaire de $(q-1)$-faces.
Invariance des nombres de Betti réduits
Poincaré s’attache ensuite à montrer que les nombres de Betti réduits sont égaux aux nombres de Betti définis dans l’Analysis Situs. Le point le plus important est que ces nombres ne dépendent pas du choix de la décomposition polyédrale de la variété et constituent donc bien des invariants topologiques.
Dans le paragraphe 4, Poincaré commence par introduire la notion de subdivision d’un polyèdre.
Il montre ensuite que les nombres de Betti réduits sont invariants par passage à une subdivision, puis conclut un peu rapidement que les nombres de Betti ne dépendent pas de la décomposition polyédrale puisque deux décompositions ont toujours une subdivision commune. Sa preuve est toutefois problématique : en effet, elle pré-suppose que les nombres de Betti réduits d’une variété homéomorphe à une boule sont nuls. Nous expliquons dans les commentaires comment "réparer" cette preuve.
Pour finir, Poincaré veut montrer que ces nombres de Betti réduits sont les mêmes que les nombres de Betti définis dans l’Analysis Situs. La preuve, approximative et uniquement en dimension $3$, ne convaincra pas beaucoup Jean Dieudonné.
Le théorème de dualité
Dans les paragraphes 7 à 10, Poincaré re-démontre son théorème de dualité. Dans le paragraphe 7, il commence par construire le polyèdre $P'$ dual d’un polyèdre $P$. Aux $q$-faces de $P$ correspondent des $(n-q)$-faces de $P'$ (où $n$ est la dimension de la variété), et les "tableaux" de $P'$ sont les transposés des tableaux de $P$. En termes modernes, le complexe de chaînes de $P'$ est dual du complexe de chaînes de $P$.
Par des arguments d’algèbre linéaire, Poincaré démontre ensuite que le $k$-ième nombre de Betti de $P$ est égal au $(n-k)$-ième nombre de Betti de $P'$. Comme, par ailleurs, $P$ et $P'$ ont les mêmes nombres de Betti, on peut conclure que "les nombres de Betti équidistants des extrêmes sont égaux". Il s’agit essentiellement de montrer que le rang d’une matrice est égal au rang de sa transposée. Poincaré ne semble pas connaître les résultats antérieurs de Smith, qu’il re-démontrera dans le deuxième complément.
Mais Poincaré va plus loin. Son polyèdre dual lui permet de définir plus rigoureusement son produit d’intersection en homologie et de montrer que ce produit d’intersection est non-dégénéré.
Enfin, dans le paragraphe 10, Poincaré donne une nouvelle démonstration algébrique du fait que les nombres de Betti des polyèdres $P$ et $P'$ sont égaux.
Triangulation des variétés
Tous les résultats précédents reposent sur l’existence d’une décomposition polyédrale de la variété étudiée. Poincaré conclut donc son premier complément en démontrant maladroitement que toute variété admet une triangulation. Ce théorème est moins évident qu’il n’y paraît. Il est d’ailleurs faux si la variété est seulement une variété topologique. La première preuve vraiment convaincante de ce théorème est attribuée à Whitehead.