> Commentaires des textes originaux > Commentaires du premier complément > Commentaires sur le §IX du premier complément Nous présentons sur cette page nos commentaires sur une section des Œuvres Originales de Poincaré : le paragraphe que nous commentons est accessible par ici. Commentaires sur le §IX du premier complément |
Dans ce complément, Poincaré utilise les techniques précédentes pour d’une part donner une démonstration correcte du théorème sur la non dégénérescence du produit d’intersection au niveau des chaînes puis de relier sa définition des nombres de Betti à celle de Betti et ainsi expliquer plus précisément les différences entres elles (levant ainsi les obstructions de Heegaard).
La démonstration de Poincaré du théorème utilise la triangulation duale et l’invariance de l’homologie par triangulation (ainsi que leur existence bien-sûr) [1]. Cette démonstration est infiniment plus facile que celle d’Analysis Situs (en plus d’être correcte), renvoyant essentiellement toute la difficulté dans l’invariance de l’homologie par triangulation.
On reprend les notations du commentaire sur le § IX d’Analysis Situs
Soit donc $M$ une variété de dimension $m$, compacte, sans bord, et orientée.
Le lemme clé que démontre Poincaré est en fait le suivant, qui n’est qu’une reformulation de la dualité au niveau des complexes de chaînes expliquée dans le cours moderne.
Soit $P$ un polyèdre obtenu par triangulation de $M$ et $P^*$ sa subdivision duale. Enfin soit $V_1=\sum \alpha_i^1 a_i^q $ une $q$-chaîne de $P$ et $V_2=\alpha^2_i b_i^{m-q}$ une $m-q$-chaîne de $P^*$ (ici $b_i^{m-q}$ est le dual de $a_i^q$).
Le nombre d’intersection $N(V_1,V_2)$ est donné par la formule
$$ N(V_1,V_2) = \sum \pm \alpha_i^1 \alpha_i^2.$$
De plus, on a que si $V_2$ est $\mathbb{Q}$-homologue à $0$ si et seulement si, pour tout $q$-cycle dans $P$, on a
$$N(V, V_2) =0. $$
La formule est essentiellement une conséquence de la définition du complexe dual et est essentiellement équivalente à celle de l’accouplement. En effet, par construction, une $i$-cellule de $P$ intersecte uniquement sa $m-i$-cellule duale dans $P^*$, et ceci, une et une seule fois ce qui donne que chaque coefficient $\alpha_i^1\times \alpha_i^2$. Les signes dépendant uniquement de l’orientation globale des cellules.
Le reste en est une conséquence, ainsi que de l’isomorphisme de complexes entre le complexe associé à $P$ et $C_{m-i}(P^*)$.
En fait, on a l’identité [2]
$$N(V_1, \partial(V_2)) = \pm N(\partial (V_1), V_2)$$
d’où on déduit l’équivalence.
C.Q.F.D.
Étant donné un $m-q$-cycle de $M$, si on admet l’existence d’une triangulation dans laquelle les $b_i^{m-q}$ sont des faces, alors le lemme a alors pour conséquence le théorème, c’est à dire l’énoncé suivant :
$$N(V, V_2) =0. $$
En effet, par invariance par subdivision, toute chaîne $V$ doit être $\mathbb{Q}$-homologue à une chaîne de la subdivision duale. Le lemme fournit alors, si $V_2$ est non-nulle en homologie, un $q$-cycle dont l’intersection avec $V_2$ est non-triviale.
A la fin de ce chapitre, Poincaré précise la relation entre sa définition des nombres de Betti et ceux définis par Betti. Rappelons que la différence entre les nombres de Betti définis par Poincaré et ceux de Betti est que Poincaré travaille "rationnellement" pour les définir. En d’autres termes, ses $i$-nombres de Betti dans sont $1$ plus le rang de l’homologie en degré $i$, c’est à dire la dimension de sa partie libre.
En revanche les nombres définis par Betti s’interprètent comme $1$ plus le nombre minimal de générateurs de l’homologie, c’est à dire le rang plus le nombre minimal de générateur de la partie de torsion.
En utilisant les résultats du chapitre VIII, et plus précisément son algorithme pour calculer l’homologie par des opérations arithmétiques seulement, il obtient alors
En utilisant la forme normale, on peut améliorer ce résultat :
Preuve : C’est une conséquence du calcul de l’homologie que la partie de torsion donnent précisément autant de générateurs que de $d_i\neq \pm 1$.
C.Q.F.D.
Comme le pgcd est le plus grand des $d_i$, la proposition précédente implique immédiatement le résultat de Poincaré. La preuve de Poincaré consiste d’ailleurs à remarquer qu’il ne faut pas qu’il y ait de torsion dans l’homologie pour que son résultat soit vrai.
Faisons une dernière remarque. Les $d_i$ sont aussi donnés par les groupes d’homologie eux-mêmes. Comme ces groupes sont invariants par subdivision, on obtient que la proposition précédente est vraie pour la variété elle-même indépendamment du polyèdre. Poincaré ne parle pas de ce point, mais même s’il ne semble pas savoir que les facteurs $d_i$ sont invariants par subdivision (en tout cas il utilisera des arguments topologiques pour relier la torsion de $P$ et celle de $P^*$ dans le chapitre 5 du second complément), il est sans doute clair pour lui que ses nombres et ceux définis par Betti doivent être des invariants topologiques.
[1] pour tout cela, on pourra aussi aller voir le cours moderne
[2] Il s’agit juste, encore une fois d’interpréter $\partial (V_1) = \sum_{i} \alpha_i^1 \varepsilon^{q}_{ij}(P) a_j^{q-1} \cong \sum_{i} \alpha_i^1 \varepsilon^{m-q+1}_{ji}(P^*) b_j^{m-q+1}$ le long de l’isomorphisme entre $P$ et $P^*$
[3] en d’autres termes la matrice de l’opérateur de bord exprimé dans les bases canoniques