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Cette page présente la transcription d’une section des Œuvres Complètes de Poincaré. Vous pouvez retrouver nos commentaires par ici.

§1. Rappel des principales définitions

Considérons une variété fermée à $p$ dimensions. Nous supposerons que cette variété a été subdivisée de manière à former un polyèdre $P$ à $p$ dimensions. Les éléments de ce polyèdre s’appelleront les $a_i^p$ ; ils seront séparés les uns des autres par des variétés à $p-1$ dimensions qui s’appelleront les $a_i^{p-1}$ ; celles-ci seront séparées les unes des autres par des variétés à $p-2$ dimensions qui s’appelleront les $a_i^{p-2}$ ; et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on arrive aux sommets du polyèdre qui s’appelleront les $a_i^0$.

Toutes ces variétés seront simplement connexes, c’est-à-dire homéomorphes à l’hypersphère.

Si une variété $a_i^q$ a pour frontière complète les $a_j^{q-1}$, j’écrirai la congruence

$$ \tag{1} a_i^q \equiv \sum \epsilon^q_{ij} a_j^{q-1}, $$

où les $\epsilon$ sont égaux à $0$, $+1$ ou $-1$ (c, § II, p. 295).

Nous écrirons, d’autre part, l’homologie

$$ \tag{2} \sum \epsilon^q_{ij} a_j^{q-1} \sim 0. $$

Nous combinerons les congruences (1) et les homologies (2) par addition, soustraction, multiplication, et quelquefois par division.

Parmi les congruences entre $a_i^q$ et $a_i^{q-1}$ obtenues par la combinaison des congruences (1), nous distinguerons celles qui ne contiennent que des $a_i^q$, et d’où les $a_i^{q-1}$ ont disparu.

Nous désignerons quelquefois les $a_i^0$ sous le nom de sommets, les $a_i^1$ sous celui d’arêtes, les $a_i^2$ sous celui de faces, les $a_i^3$ sous celui de cases, les $a_i^4$ sous celui d’hypercases.

Au polyèdre $P$ correspond un polyèdre réciproque $P'$ (c, § VII), dont j’appellerai les éléments $b_i^p$ au lieu de $a_i^p$, $b_i^{p-1}$ au lieu de $a_i^{p-1}$, $\dots$, et enfin $b_i^0$ au lieu de $a_i^0$.

Entre les deux polyèdres, il y a une correspondance telle que $b_i^{p-q}$ correspond à $a_i^q$. Les deux polyèdres proviennent de la subdivision d’une même variété $V$.

Entre les éléments de $P'$, nous avons les congruences

$$ \tag{1 bis} b_i^q = \sum \epsilon_{ji}^{p-q+1} b_j^{q-1} $$

analogues aux congruences (1) ; nous pouvons l’écrire également

$$b_i^q = \sum {\epsilon_{ij}'}\!\!^{\,q} b_j^{q-1},$$

en posant

$$ \epsilon_{ji}^{p-q+1} = {\epsilon'_{ij}}\!\!^{\,q}.$$

Entre les éléments de $P$ et ceux de $P'$, nous avons encore une autre relation.

Rappelons la notation $N(V,V')$ (§ 9, p. 222). Nous aurons alors,

$$N(a_k^q, b_i^{p-q})=0$$

si $i$ n’est pas égal à $k$, et

$$N(a_i^q, b_i^{p-q})=\pm 1.$$

Il reste à voir si l’on doit prendre le signe $+$ ou le signe $-$.

Pour nous en rendre compte, considérons deux éléments correspondants de $P$ et de $P'$ que j’appellerai $a_i^q$ et $b_i^{p-q}$ ; considérons, d’autre part, deux éléments correspondants $a_j^{q-1}$ et $b_j^{p-q+1}$ de telle façon que $a_j^{q-1}$ appartienne à $a_i^q$ et $b_i^{p-q}$ à $b_j^{p-q+1}$.

Je pourrai toujours choisir mes coordonnées de telle façon que les équations de $a_i^q$ soient

$$ \tag{3} F_1 = F_2 = \dots = F_{p-q}=0, $$

les $F$ étant des fonctions de coordonnées $y_1$, $y_2$ $\dots$, $y_p$ qui définiront la position d’un point sur la variété $V$.

Soient de même

$$ \tag{4} \Phi_1 = \Phi_2 = \dots = \Phi_{q-1}=0 $$

les équations de $b_j^{p-q+1}$ ; je pourrai alors supposer que les équations de $a_j^{q-1}$ s’obtiennent en adjoignant aux équations (1) l’équation $ \psi=0$, et que celles de $b_i^{p-q}$ s’obtiennent en adjoignant aux équations (2) l’équation $ \psi=1$. Je [1] pourrai m’arranger pour que la même fonction $\psi$ figure au premier membre de ces deux équations.

Alors parmi les inégalités, qui avec les égalités (1) complètent la définition de $a_i^p$, devra figurer l’inégalité

$$\psi >0.$$

De même, parmi les inégalités qui avec les égalités (2) complètent la définition de $b_j^{p-q+1}$, devra figurer l’inégalité

$$\psi <1.$$

Si nous voulons que $\epsilon_{ij}^q$ soit égal à $+1$, il faut d’après nos conventions que les équations de $a_j^{q-1}$ se mettent dans l’ordre suivant :

$$F_1=F_2=\dots=F_{p-q}=\psi=0$$

et si nous voulons que $\epsilon_{ji}\!\!^{p-q+1}=+1$ [2], il faut que les équations de $b_i^{p-q}$ se mettent dans l’ordre suivant :

$$\Phi_1=\Phi_2=\dots=\Phi_{q-1}=1-\psi =0.$$

Le nombre $N(a_i^q, b_i^{p-q})$ dépend du signe du déterminant fonctionnel de

$$ F_1, \quad F_2, \quad \dots, \quad F_{p-q}, \quad \Phi_1, \quad \Phi_2, \quad \dots, \quad \Phi_{q-1}, \quad 1-\psi.$$

De même, le nombre $N(a_j^{q-1}, b_j^{p-q+1})$ dépend du signe du déterminant fonctionnel de

$$ F_1, \quad F_2, \quad \dots, \quad F_{p-q}, \quad \psi, \quad \Phi_1, \quad \Phi_2, \quad \dots, \quad \Phi_{q-1}.$$

Nous pouvons toujours supposer que les fonctions $F$, $\Phi$ et $\psi$ aient été choisies de telle sorte que ces déterminants ne s’annulent pas dans le domaine considéré.

Nous voyons alors que les deux déterminants sont de même signe si $q$ est pair, et de signe contraire si $q$ est impair.

Nous aurons dans le premier cas

$$ N\left(a_i^q, b_i^{p-q}\right) =N\left(a_j^{q-1}, b_j^{p-q+1}\right),$$

et dans le second cas

$$ N\left(a_i^q, b_i^{p-q}\right) =-N\left(a_j^{q-1}, b_j^{p-q+1}\right).$$

Comme nous pourrons toujours supposer

$$ N\left(a_i^0, b_i^p\right) = +1,$$

nous trouverons successivement [3]

$$N\left(a_i^1, b_i^{p-1}\right) = -1, \quad N\left( a_i^2, b_i^{p-2}\right) = -1, \quad N\left(a_i^3, b_i^{p-3}\right)=+1,$$

$$ N\left(a_i^4, b_i^{p-4}\right)=+1, \quad \dots.$$

La seule chose à retenir, c’est que le nombre $N\left(a_i^q, b_i^{p-q}\right)$ ne dépend que de $q$.

Cela posé, on peut former avec les nombres $\epsilon_{ij}^q$ un tableau que j’appellerai $T_q$, et où le nombre $\epsilon_{ij}^q$ occupera la $i^{\rm ième}$ ligne et la $j^{\rm ième}$ colonne. Dans ce tableau $T_q$, il y aura donc autant de lignes que de $a_i^q$ et de colonnes que de $a_j^{q-1}$.

J’ai appelé $\alpha_q$ le nombre des $a_i^q$ de sorte que le tableau $T_q$ aura $\alpha_q$ lignes et $\alpha_{q-1}$ colonnes. En particulier, le tableau $T_1$ nous donnera la relation entre les arêtes et les sommets, le tableau $T_2$ entre les faces et les arêtes, etc.

J’appellerai $T'_q$ le tableau qui est formé avec $P'$, comme $T_q$ avec $P$. Nous voyons que le tableau $T'_q$ s’obtient en partant du tableau $T_{p-q+1}$, permutant les lignes avec les colonnes, et réciproquement.

$$ $$

Nous avons désigné (c, § III, p. 301) par $\alpha_q -\alpha_q'$ le nombre des homologies distinctes entre les $a_i^q$, et par $\alpha_q-\alpha_q''$ le nombre des congruences distinctes entre les $a_i^q$ (les $a_j^{q-1}$ étant éliminés) ; par

$$P_q=\alpha_q'-\alpha_q'' +1$$

le nombre de Betti correspondant aux $a_i^q$.

Nous avons appelé $\beta_q$, $\beta'_q$ et $\beta_q''$ les nombres analogues à $\alpha_q$, $\alpha'_q$ et $\alpha''$, [4] et se rapportant au polyèdre $P'$, de telle sorte que

$$\beta_q =\alpha_{p-q}.$$


[1Coquille dans les Œuvres.

[2Coquille dans les Œuvres, corrigée ici.

[3Coquille dans les Œuvres (dernière ligne de la prochaine formule).

[4Sic. Le dernier devrait être $\alpha''_q$.