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La caractéristique d’Euler-Poincaré comme somme alternée des nombres de $i$-faces

Nous sommes maintenant prêts à démontrer que notre définition axiomatique de la caractéristique d’Euler-Poincaré n’est pas vide.

La caractéristique d’Euler-Poincaré comme somme alternée des nombres de $i$-faces

La définition historique de la caractéristique d’Euler pour les polyèdres en dimension 2 suggère d’associer à tout complexe fini $K$ l’entier

$$\chi (K) := \sum_{i\geq 0} (-1)^i c_i,$$

où $c_i$ est le nombre de ses cellules de dimension $i$ de $K$.

Nous allons montrer que cet entier satisfait les propriétés exigées par notre Théorème-définition de la caractéristique d’Euler-Poincaré. Au préalable, il nous faut vérifier que $\chi(K)$ ne dépend que du polyèdre $|K|$, et pas de la manière dont il a été décomposé en cellules.

Proposition (Indépendance du choix de la cellulation)

Si $K_1$ et $K_2$ sont deux cellulations d’un même polyèdre $X=|K_1|=|K_2|$, alors $\chi(K_1)=\chi(K_2)$.

Démonstration. Cela résulte presque immédiatement du fait que deux cellulations quelconques du même polyèdre peuvent être bissectées un nombre fini de fois pour devenir identiques. Voir la preuve ici. Il reste donc à montrer qu’une bissection ne change pas $\chi(K)$. Lors d’une bissection, certaines faces $F$ (de dimension $i$) sont coupées en deux pour produire deux nouvelles faces $F_1,F_2$ de dimension $i$, ainsi qu’une nouvelle face $F_{1,2}$ de dimension $k-1$. Chaque augmentation du nombre de $i$-faces est donc compensée par une augmentation identique du nombre de $(i-1)$-faces, si bien que $\chi(K)$ ne change pas par bissection.

C.Q.F.D.

Nous pouvons donc associer un entier $\chi(X)$ à chaque polyèdre $X$ : on choisit une cellulation $K$ quelconque de $X$, et on pose

$$\chi(X)= \sum_{i\geq 0} (-1)^i c_i,$$

où $c_i$ est le nombre de ses cellules de dimension $i$ de $K$.

Proposition

L’entier $\chi(X)$ ainsi défini remplit les conditions de notre définition de la caractéristique d’Euler-Poincaré :

  1. Si $X$ est réduit à un point, alors $\chi (X)=1$.
  2. $\chi$ est un invariant d’homotopie : si $X$ et $X’$ ont le même type d’homotopie, $\chi(X)=\chi(X’)$,
  3. $\chi$ est additif : si $K_1,K_2$ sont deux sous-complexes d’un complexe cellulaire fini $K$, on a

    $$\chi (\vert K_1 \cup K_2 \vert) = \chi (\vert K_1 \vert ) + \chi (\vert K_2 \vert ) - \chi (\vert K_1 \cap K_2 \vert ).$$

Démonstration. La première propriété est évidente. L’additivité découle directement de la définition de $\chi$ : il suffit de remarquer que le nombre total de faces de dimension $i$ dans $K_1 \cup K_2$ est bien sûr égal à la somme du nombre de celles qui sont dans $K_1$, de celles qui sont dans $K_2$, moins celles qui sont dans l’intersection. Il reste à démontrer que l’entier $\chi(X)$ ne dépend que du type d’homotopie de $X$. C’est une conséquence de la formule d’Euler-Poincaré. D’après celle-ci, l’entier
$\chi(X)$ défini ci-dessus est égal à la somme alternées des nombres de Betti (pour l’homologie polyédrale) d’une cellulation de $X$. Or nous savons (voir ici et ici) que ces nombres de Betti ne dépendent que du type d’homotopie de $X$. En partuiculier, $\chi(X)$ ne dépend que du type d’homotopie de $X$.

C.Q.F.D.

Nous avons donc démontré le Théorème-définition, et prouvé que la caractéristique d’Euler-Poincaré d’un polyèdre fini $X$ est égale à

$$\chi(X)=\sum_{i\geq 0} (1)^i c_i$$

où $c_i$ est le nombre de faces de dimension $i$ d’une cellulation (arbitraire) de $X$.

Caractéristique d’Euler-Poincaré d’une variété de dimension impaire

La formule d’Euler-Poincaré a une autre conséquence immédiate :

Corollaire

La caractéristique d’Euler-Poincaré d’une variété fermée de dimension impaire est nulle.

Démonstration. D’après la formule d’Euler-Poincaré, la caractéristique d’une variété fermée $X$ de dimension $n$ est égale à

$$\chi(X)=\sum_{i=0}^n (-1)^i b_i(X)$$

où les $b_i(X)$ sont les nombres de Betti de $X$. Si la variété $X$ est orientable, la dualité de Poincaré affirme que $b_{n-i}(X)=b_i(X)$ pour tout $i$ ; la nullité de $\chi(X)$ en découle immédiatement. Si $X$ n’est pas orientable, on se ramène au cas précédent en considérant un revêtement double orientable $\overline{X}$ de $X$. Nous avons montré que la caractéristique d’Euler-Poincaré de $X$ est égale au double de celle de $X$. La caractéristique d’Euler-Poincaré de $X$ est donc égale à la moitié de $0$ !
C.Q.F.D.