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- L’enlèvement topologique d’Europe
- Salvador Dali, L’Enlèvement topologique d’Europe. Hommage à René Thom, 1983, huile sur toile, Figueras, musée Dali.
Toutes les variétés sont lisses, compactes et orientables.
Pour toute classe d’homologie entière $z$ d’une variété $V$, il existe un entier non nul $N$ tel que la classe multiple $N \cdot z$ soit réalisable par une sous-variété.
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Les groupes d’homologie à coefficients réels ou rationnels d’une variété $V$ admettent pour bases des systèmes d’éléments représentés par des sous-variétés.
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Ce corollaire est faux si l’on considère l’homologie à coefficients dans $\mathbb{Z}$. Thom construit un contre-exemple en degré $7$ dans une variété de dimension $14$.
Petits degrés
On commence par démontrer le théorème suivant.
Soit $V$ une variété de dimension $d$. Alors toute classe d’homologie entière de degré $d-1$ ou $d-2$ est réalisable par une sous-variété.
Démonstration. Soit $z\in H_{d-1} (V ; \mathbb{Z}) \cong H^1 (V ; \mathbb{Z})$. On a $H^1 (V ; \mathbb{Z} ) \cong [V : \mathbb{S}^1]$. Il existe donc une application $f: V \to \mathbb{S}^1$ telle que $D_V (z) = f^* (u)$, où $u$ est un générateur de $H^1 (\mathbb{S}^1 ; \mathbb{Z})$ ; voir plus bas pour une preuve dans un contexte plus général.
On peut supposer que $f$ est lisse. Soit $x \in \mathbb{S}^1$ une valeur régulière. Alors $f^{-1} (x)$ est une sous-variété de dimension $d-1$ dans $V$ et sa classe d’homologie est celle $z$.
Le cas de la codimension $2$ se traite de la même manière en remarquant que
$$H^2 (V) \cong [V : \mathbb{CP}^k]$$
pour $k$ grand. Il s’agit alors de rendre $f$ transverse à $\mathbb{CP}^{k-1}$. La sous-variété $f^{-1}(\mathbb{CP}^{k-1})$ fait en effet l’affaire.
C.Q.F.D.
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Noter que dans les deux cas il s’agit d’interpréter $H^\bullet (V)$ comme espace d’applications à homotopie près vers une jolie variété. Il est plus généralement vrai que $H^n (V , \mathbb{Z})$ s’interprète comme espace des classes d’homotopie vers un $K(\mathbb{Z} , n)$, c’est-à-dire un complexe cellulaire dont tous les groupes d’homotopie sont triviaux sauf le $n$-ième qui est isomorphe à $\mathbb{Z}$.
Noter que l’on peut prendre $K(\mathbb{Z} , 1) = \mathbb{S}^1$. La première tentation est de remplacer $\mathbb{S}^1$ par la sphère $\mathbb{S}^n$. Ce n’est malheureusement pas un $K(\mathbb{Z} , n)$. Si $n>1$ un $K(\mathbb{Z} , n)$ n’est pas une variété : on ne peut donc pas directement mimer la démonstration donnée pour les classes de degré $n-1$. Reste que l’on peut fixer une cellulation de $V$ et de $K(\mathbb{Z},n)$ et remarquer que si $f : V \to K(\mathbb{Z} , n)$ est cellulaire alors
$$f(V) \subset K(\mathbb{Z} , n)^{(d)}, \quad \mbox{avec } d = \dim V.$$
Ainsi pour $n=2$ on peut remplacer $K(\mathbb{Z} , 2)=\mathbb{CP}^{\infty}$ par $\mathbb{CP}^k$ dès que $k$ est strictement supérieur à $d$. Mais dès que $n>2$ le problème devient beaucoup plus délicat. On va voir que l’on peut s’en sortir si l’on tue la torsion. Une explication heuristique à laquelle on tente de donner du sens ci-dessous est que « $K(\mathbb{Z}, n)$ est rationnellement homotopiquement proche d’être une variété ».
Dans un premier temps on revient plus simplement à notre première idée et on tente de réaliser les classes d’homologie de $V$ par des applications vers les sphères.
Classes d’homologie sphériques
Fixons une décomposition de $V$ en complexe cellulaire. Toute application $V \to \mathbb{S}^n$ est homotope à une application qui envoie $V^{(n-1)}$ sur un point. Selon un théorème de Hopf, étant donné une classe $z \in H^n (V; \mathbb{Z})$ il existe une application (et une seule à homotopie près) $f_n : V^{(n+1)} \to \mathbb{S}^n$ telle que $f_n^* (u) =z$. Ici on a identifié $H^n (V)$ à $H^n (V^{(n+1)})$ et noté $u$ la classe fondamentale de $H^n (\mathbb{S}^n ; \mathbb{Z})$.
Soit en effet $c\in C^n (V ; \mathbb{Z})$ un cocycle qui représente $z$. Le quotient $V^{(n)}/V^{(n-1)}$ est un bouquet de sphères $\wedge_\tau \mathbb{S}^n$ paramétrées par les $n$-cellules $\tau$ de $V$, on construit donc l’application $f_n$ en restriction à $V^{(n)}$ en composant l’application $V^{(n)} \to V^{(n)}/V^{(n-1)}$ par les applications vers $\mathbb{S}^n$ de degrés $c(\tau)$. Maintenant si $\sigma$ est une $(n+1)$-cellule de $V$ le degré de l’application $f_n$ restreinte à $\partial \sigma$ est égal à $c(\partial \sigma) = \partial c (\sigma) = 0$. On peut donc prolonger $f_n$ à tout le $(n+1)$-squelette.
On aimerait continuer ainsi et prolonger $f_n$ à $V$. Mais ce n’est pas toujours possible !
La classe
$$(1,1) \in H^n (\mathbb{S}^n \times \mathbb{S}^n) = H^n (\mathbb{S}^n) \oplus H^n (\mathbb{S}^n)$$
n’est pas toujours représentable par une classe d’homotopie d’application $\mathbb{S}^n \times \mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n$.
En effet, sinon il existerait une application $f: \mathbb{S}^n \times \mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n$ ; $(x,y) \to x\cdot y$ telle que l’application $y \to x \cdot y$ soit de degré $1$ pour tout $x$ et l’application $x \to x \cdot y$ soit de degré $1$ pour tout $y$. En composant l’application diagonale $\mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n \times \mathbb{S}^n$ par l’application $f$ on obtient une application de degré $2$ qui induit un morphisme $\varphi$ du groupe $\pi_i (\mathbb{S}^n)$ dans lui-même. D’un autre côté l’identification de $\pi_i (\mathbb{S}^n \times \mathbb{S}^n)$ avec $\pi_i (\mathbb{S}^n) \oplus \pi_i ( \mathbb{S}^n)$ décompose $\varphi$ en la somme $\mathrm{id} \oplus \mathrm{id}$. On en déduit qu’une application $\mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n$ de degré $2$ induit le morphisme de multiplication par $2$ sur chaque $\pi_i ( \mathbb{S}^n)$. De là on peut tirer une contradiction en considérant l’élément $\alpha \in \pi_8 (\mathbb{S}^4)$ obtenu en composant une application $\mathbb{S}^8 \to \mathbb{S}^7$ non triviale en homotopie (donc d’ordre 2) par la fibration de Hopf $\mathbb{S}^7 \to \mathbb{S}^4$.
On peut néanmoins s’en sortir dans certains cas :
Si $n$ est impair, la classe
$$(2, \ldots ,2) \in H^n (\mathbb{S}^n \times \ldots \times \mathbb{S}^n) = H^n (\mathbb{S}^n) \oplus \ldots \oplus H^n (\mathbb{S}^n)$$
est représentable par une classe d’homotopie d’application $\mathbb{S}^n \times \ldots \times \mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n$.
Démonstration. Considérons l’application de $\mathbb{S}^n$ dans $\mathrm{O} (n+1) \subset C^0 ( \mathbb{S}^n , \mathbb{S}^n)$, qui à un vecteur $x\in \mathbb{S}^n$ associe la symétrie $s_x$ dans le plan orthogonal à $x$. Il lui correspond une application $\mathbb{S}^n \times \mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n$, $(x,y) \to x \cdot y := s_x (-y)$, qui est de type $(1+(-1)^{n+1},1)$ ; autrement dit elle est de degré $1$ si l’on fixe $x$ et de degré $1+(-1)^{n+1}$ si l’on fixe $y$. Il en résulte immédiatement que si $n$ est impair, l’application
$$(x_1 , \ldots , x_q) \mapsto x_1 \cdot (x_2 \cdot ( \cdots x_q ) \cdots ))$$
de $\mathbb{S}^n \times \ldots \times \mathbb{S}^n$ dans $\mathbb{S}^n$ est de type $(2,2, \ldots , 2,1)$. En la composant avec une application $\mathbb{S}^n \times \ldots \times \mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n \times \ldots \times \mathbb{S}^n$ de degré $2$ sur la dernière sphère et de degré $1$ sur les autres, on obtient une application qui représente la classe $(2, \ldots ,2)$.
C.Q.F.D.
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Notons $\varphi_q$ l’endomorphisme de $\pi_i (\mathbb{S}^n)$ induit par une application $\mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n$ de degré $q$. En procédant comme dans l’exemple on obtient en particulier le corollaire suivant.
Si $n$ est impair, on a $\varphi_q \circ \varphi_2 = q \cdot \varphi_2$.
En utilisant le célèbre théorème suivant [3], on peut alors effectivement prolonger $f_n$ à $V$ lorsque $n$ est impair.
Les groupes d’homotopies $\pi_i (\mathbb{S}^n)$, $n$ impair, sont finis sauf si $i=n$.
Expliquons comment déduire de ce théorème le résultat suivant (également dû à Serre).
Soit $z \in H_{d-n} (V ; \mathbb{Z})$ une classe d’homologie entière d’une variété $V$ de dimension $d$. Supposons $n$ impair. Il existe alors un entier non nul $N$, ne dépendant que de $n$ et de $d$, tel que la classe multiple $N \cdot z$ soit réalisable par une sous-variété. [4]
Démonstration. On associe à $z$ une application $f_n : V^{(n+1)} \to \mathbb{S}^n$ comme ci-dessus. Sous les hypothèses du théorème il découle du théorème de Serre que pour tout $i>n$, le groupe $\pi_i (\mathbb{S}^n)$ est fini. Soit $r_i$ son ordre et soit $g_i : \mathbb{S}^n \to \mathbb{S}^n$ une application de degré $2r_i$. Il découle du corollaire ci-dessus que pour tout $\alpha \in \pi_i (\mathbb{S}^n)$, on a $g_i \circ \alpha = 0$.
Une récurrence sur $i\geq n$ permet donc de construire des applications $f_i : V^{(i+1)} \to \mathbb{S}^n$ telles que $f_n$ soit l’application construite ci-dessus et que, si $i>n$, la restriction de $f_i$ à $K_i$ coïncide avec $g_i \circ f_{i-1}$. En effet si l’on suppose $f_{i-1}$ construite et si $\sigma$ est une cellule de dimension $i+1$ de $V$ ; la restriction de $f_{i-1}$ au bord $\partial \sigma$ de cette cellule définit un élément $\alpha \in \pi_i (\mathbf{S}^n)$. La restriction de $g_i \circ f_{i-1}$ à $\partial \sigma$ définit donc un élément trivial en homotopie ; ce qui signifie que $g_i \circ f_{i-1}$ peut se prolonger à $V^{(i+1)}$.
Finalement l’application $f=f_{d-1}$ est l’application recherchée, avec
$$N=2^{d-n-1} \prod_{i=n+1}^{d-1} r_i .$$
Il faut bien sûr encore lisser $f$ et prendre une valeur régulière pour obtenir le théorème recherché $\ldots$
C.Q.F.D.
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En degré pair les classes sphériques ne suffisent plus. Thom propose de remplacer la sphère par des variétés grassmanniennes (réelles ou complexes).
Variétés grassmanniennes
Fixons un drapeau complet dans $\mathbb{C}^m$, c’est-à-dire une suite de sous-espaces
$$\mathbb{C}^1 \subset \mathbb{C}^2 \subset \mathbb{C}^3 \subset \cdots \subset \mathbb{C}^m.$$
Il correspond alors à chaque point de la variété grassmannienne $G_n (\mathbb{C}^m)$, c’est-à-dire à un sous-espace $L$ de dimension $n$ dans $\mathbb{C}^m$, le $n$-uplet d’entiers naturels $>0$,
$$\sigma (L) = (\sigma_1 (L) , \sigma_2 (L) , \ldots , \sigma_n (L)),$$
où $\sigma_k (L)$ est le plus petit entier $i$ tel que le sous-espace $\mathbb{C}^i\cap L$ soit de dimension $k$. Le $n$-uplet $\sigma (L)$ est appelé symbole de Schubert de $L$.
Étant donné une suite strictement croissante d’entiers strictement positifs $\sigma_1 , \sigma_2 , \ldots , \sigma_n \leq m$, l’ensemble des sous-espaces de dimension $n$ dans $\mathbb{C}^m$ de symbole de Schubert $(\sigma_1 , \sigma_2 , \ldots , \sigma_n )$ est homéomorphe à une cellule, et toutes ces cellules forment une décomposition cellulaire de la variété $G_n (\mathbb{C}^m)$.
On appelle cellule de Schubert une telle cellule ; sa dimension complexe est
$$(\sigma_1 -1) + (\sigma_2 -2) + \ldots + (\sigma_n -n).$$
En effet si $L$ est un sous-espace de $\mathbb{C}^m$ de symbole de Schubert $(\sigma_1 , \sigma_2 , \ldots , \sigma_n )$ alors il existe un repère $(e_1 , \ldots , e_n)$ tel que $e_i \in \mathbb{C}^{\sigma_i} - \mathbb{C}^{\sigma_i -1}$. Le vecteur $e_1$ est uniquement déterminé par $L$ aux homothéties près, le vecteur $e_2$ est uniquement déterminé par $L$ aux homothéties près et à l’ajout d’un multiple de $e_1$ près, $\ldots$
$$\tag{1} H_k (G_n (\mathbb{C}^m) ; \mathbb{Z} ) = \left\{ \begin{array}{ll} 0 & \mbox{ pour } k \mbox{ impair}, \\ \mathbb{Z}^{d(n,k)} & \mbox{ pour } k \mbox{ pair}; \end{array} \right.$$
où $d(n,k)$ est le nombre de symboles de Schubert distincts tels que
$$(\sigma_1 -1) + (\sigma_2 -2) + \ldots + (\sigma_n -n) = k.$$
Noter que si $m>n+k$ alors $d(n,k)$ est égal au nombre de partitions de $k$ en au plus $n$ entiers.
La démonstration de (1) n’est pas difficile puisque l’on connait la décomposition cellulaire et que les cellules de Schubert sont des sous-ensembles algébriques de la variété algébrique complexe $G_n (\mathbb{C}^m)$ ; on peut aussi remarquer que $G_n (\mathbb{C}^m ) = \mathrm{U} (m)/ ( \mathrm{U}(n ) \times \mathrm{U}(m-n))$ et déduire de la théorie des invariants le théorème suivant (voir Milnor-Stasheff [5], ou Hatcher [6] pour des démonstrations géométriques).
En degré petit par rapport à $m$, la cohomologie de $G_n (\mathbb{C}^m)$, à coefficients réels, est une algèbre de polynômes, dont les générateurs sont les classes de Chern $c_i \in H^{2i} (G_n (\mathbb{C}^m))$, $i=1, \ldots , n$.
On peut aussi préférer travailler avec $G_n (\mathbb{C}^\infty )$ dont l’anneau de cohomologie est exactement $\mathbb{R} [c_1 , \ldots , c_n]$.
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La finitude des groupes d’homotopie des sphères (en dimension impair) a joué un rôle crucial dans la démonstration du théorème 4. Revenons sur ce point. Notons $\mathcal{C}$ la classe de tous les groupes abéliens finis. Un morphisme $h:A \to B$ entre groupes abéliens est un $\mathcal{C}$-isomorphisme si son noyau $h^{-1} (0)$ et son conoyau $B / h(A)$ appartiennent tous les deux à $\mathcal{C}$. Dans ce contexte Serre a étendu le théorème d’Hurewicz (et celui de Whitehead, cas relatif du théorème d’Hurewicz) en le résultat suivant.
Soient $X$ et $Y$ deux complexes cellulaires finis, connexes et simplement connexes, $f:X \to Y$ une application cellulaire surjective au niveau du $\pi_2$. Alors les propriétés suivantes sont équivalentes :
- $f_* : H_i (X) \to H_i (Y)$ est un $\mathcal{C}$-isomorphisme surjectif pour tout $i$.
- $f_* : \pi_i (X) \to \pi_i (Y)$ est un $\mathcal{C}$-isomorphisme surjectif pour tout $i$.
Remarquons maintenant qu’il correspond à la classe fondamentale de $\mathbb{S}^n$ une classe d’homotopie d’application de $\mathbb{S}^n$ vers un $K(\mathbb{Z} , n )$. En admettant (voir par exemple [7]) que, lorsque $n$ est impair, la cohomologie rationnelle d’un $K(\mathbb{Z} , n)$ est précisément isomorphe à la cohomologie rationnelle de $\mathbb{S}^n$, on retrouve le théorème 3. [8]
Maintenant si $n$ est pair la cohomologie rationnelle de $K(\mathbb{Z} , n )$ est une algèbre de polynômes en une variable de degré $n$. La théorie de Serre (le théorème 6) et le théorème 5 impliquent donc que les groupes d’homotopie de la variété $G_n (\mathbb{C}^m)$ sont $\mathcal{C}$-isomorphes aux groupes d’homotopie du produit
$$K(\mathbb{Z},2) \times K(\mathbb{Z},4) \times \ldots \times K(\mathbb{Z},2n),$$
lorsque le degré est petit par rapport à $m$.
Soit $\alpha \in \pi_{2n} (G_n (\mathbb{C}^m))$ (avec $m$ grand) correspondant au générateur de la composante associée au générateur de dimension $2n$ lié à la classe $c_n$. On peut maintenant procéder comme dans la démonstration du théorème 4. Soit $z \in H^{2n} (V; \mathbb{Z})$. On sait associer à $z$ une application $f_{2n} : V^{(2n+1)} \to \mathbb{S}^{2n}$. En la composant par l’application $\mathbb{S}^{2n} \to G_{n} (\mathbb{C}^m)$ définie par l’élément $\alpha$. Cette fois les groupes d’homotopie $\pi_i (G_n (\mathbb{C}^m))$, pour $d>i>n$, sont finis. En procédant par récurrence comme pour la démonstration du théorème 4, on obtient finalement le théorème suivant.
Soit $z \in H_{d-2n} (V ; \mathbb{Z})$ une classe d’homologie entière d’une variété $V$ de dimension $d$. Il existe alors un entier non nul $N$, ne dépendant que de $n$ et de $d$, tel que la classe multiple $N \cdot z$ soit réalisable par une sous-variété préimage d’une valeur régulière d’une application de $V \to G_n (\mathbb{C}^m)$ (pour $m$ suffisamment grand).
Appendice
Pour tout $n\geq 1$, on peut construire un $K(\mathbb{Z} , n)$.
Démonstration. Le théorème d’approximation cellulaire implique que $\pi_i (\mathbb{S}^n) = \{1 \}$ si $i \leq n-1$ et la théorie du degré implique que $\pi_n (\mathbb{S}^n) \cong \mathbf{Z}$. Considérons maintenant des applications $\varphi_{\alpha} : \mathbb{S}^{n+1} \to \mathbb{S}^n$ qui engendrent $\pi_{n+1} (\mathbb{S}^n)$. On se sert des $\varphi_{\alpha}$ pour attacher des $(n+1)$-cellules à $\mathbb{S}^n$ et on continue avec les groupes d’homotopie supérieurs $\ldots$ jusqu’à obtenir un $K(\mathbb{Z} , n)$.
C.Q.F.D.
Le type d’homotopie de $K(\mathbb{Z},n)$ est uniquement déterminé par l’entier $n$ (et le groupe $\mathbb{Z}$).
Le théorème d’Hurewicz implique que le groupe $\mathbb{Z} = \pi_n (K(\mathbb{Z} , n))$ est isomorphe au groupe $H_n (K(\mathbb{Z} , n))$. On associe alors au groupe
$$H^n (K(\mathbb{Z} , n)) \cong \mathrm{Hom} (H_n (K(\mathbb{Z} , n)) , \pi_n (K(\mathbb{Z} , n))) (\cong \mathbb{Z}).$$
Notons $\alpha$ le générateur correspondant de $H^n (K(\mathbb{Z} , n))$ qui à la $n$-cellule de $K(\mathbb{Z} , n)$ associe l’élément de $\pi_n (K(\mathbb{Z} , n))$ défini par cette $n$-cellule.
L’application $T : [V , K(\mathbb{Z} , n)] \to H^n (V)$, qui à la classe d’homotopie d’une application $f: V \to K(\mathbb{Z} , n)$ associe la classe $f^* (\alpha) \in H^n (V)$, est une bijection.
Démonstration. On peut procéder comme dans la démonstration du théorème 4. Cette fois il n’y a plus de problème avec les groupes d’homotopie puisqu’on a forcé $\pi_i (K(\mathbb{Z} , n)) = 0$ pour $i >n$. Hatcher [9] en donne une démonstration plus élaborée en vérifiant que $h^n =[V , K(\mathbb{Z} , n)]$ définit une théorie cohomologique.
C.Q.F.D.
[1] René Thom, Quelques propriétés globales des variétés différentiables, Comment. Math. Helv. 28 (1954) pp. 17—86 ; voir en particulier le Théorème 2.29.
[2] Même référence, voir Corollaire 2.30.
[3] Théorème dont la démonstration va bien au-delà de ces notes, voir Serre, J.-P. Groupes d’homotopie et classes de groupes abéliens, Ann. of Math., 58, 2, (1953), pp. 258-294.
[4] Et même une sous-variété au sens de la première définition de Poincaré !
[5] Milnor, John W. ; Stasheff, James D. Characteristic classes. Annals of Mathematics Studies, No. 76. Princeton University Press, Princeton, N. J. ; University of Tokyo Press, Tokyo, 1974. vii+331 pp.
[6] Hatcher, Allen Algebraic topology. Cambridge University Press, Cambridge, 2002. xii+544 pp.
[7] Bott, Raoul ; Tu, Loring W. Differential forms in algebraic topology. Graduate Texts in Mathematics, 82. Springer-Verlag, New York-Berlin, 1982. xiv+331 pp. En particulier les Exercices 18.9 et 18.12.
[8] On retrouve même que si $i\neq n$, une application de degré suffisamment grand induit l’endomorphisme nul de $\pi_i (\mathbb{S}^n)$.
[9] Voir le théorème 4.57