> Commentaires des textes originaux > Commentaires du deuxième complément > Commentaires sur le §4 du second complément (Application à quelques (...) Nous présentons sur cette page nos commentaires sur une section des Œuvres Originales de Poincaré : le paragraphe que nous commentons est accessible par ici. Commentaires sur le §4 du second complément (Application à quelques exemples) |
Dans ce paragraphe, Poincaré calcule l’homologie entière (y compris la partie de torsion) de plusieurs exemples de variétés de dimension $3$.
Il commence par remarquer que tous les calculs faits précédemment à partir des tableaux d’incidence de polyèdres s’appliquent et donnent des résultats analogues dans le cas plus général où les cellules restent simplement connexes (homéomorphes à des boules), mais peuvent être recollées sur elles-mêmes le long de leur bord : ce que Poincaré appelle des polyèdres de deuxième espèce. Pour que le théorème de dualité reste vrai il est néanmoins important que l’espace ambiant soit une variété. Toutes ces considérations tombent en défaut pour les polyèdres de troisième espèce, pour lesquels les cellules ne sont plus simplement connexes.
L’intérêt de cette remarque est de permettre de calculer simplement l’homologie des exemples 1 à 6 introduits dans les paragraphes 10 et 11 de l’Analysis Situs, obtenus en recollant de différentes manières les faces d’un cube ou d’un octaèdre.
Pour chacun de ces ces exemples, Poincaré calcule les invariants des tableaux $T_1$, $T_2$ et $T_3$, ce dont on peut déduire l’homologie entière grâce aux résultats du paragraphe précédent. Dans tous les cas, le $H_0$ et le $H_3$ sont isomorphes à $\mathbb Z$.
Dans l’exemple 1, le $H_1$ et le $H_2$ sont isomorphes à $\mathbb Z^3$. Dans l’exemple 3, le $H_1$ est isomorphe à $\mathbb{Z} / 2 \mathbb{Z} \oplus \mathbb{Z} / 2 \mathbb{Z} $ et le $H_2$ est trivial. Dans l’exemple 4 le calcul donne $H_1\simeq \mathbb{Z} \oplus \mathbb{Z} / 2 \mathbb{Z} $ et $H_2 \simeq \mathbb{Z}$. Enfin, dans l’exemple 5, on trouve $H_1\simeq \mathbb{Z}/2\mathbb{Z}$ et $H_2 \simeq 0$.
Poincaré ne mentionne pas ici l’exemple 2, qui n’est pas une variété. On peut cependant appliquer sa méthode et trouver $H_1 \simeq \mathbb{Z} / 2 \mathbb{Z}$ et $H_2 \simeq \mathbb{Z}^2$. Cet exemple montre donc que le théorème de dualité ne se généralise pas aux polyèdres qui ne sont pas des variétés.
Poincaré passe ensuite à l’étude des suspensions du tore, introduites dans le paragraphe 11 de l’Analysis Situs (exemple 6).
Rappelons que deux variétés $M_T$ et $M_{T'}$ ont le même groupe fondamental si et seulement si $T'$ est conjuguée dans $SL(2, \mathbb{Z})$ à $T$ ou à $T^{-1}$. On peut donc construire des variétés $M_T$ et $M_{T'}$ qui ont les mêmes groupes d’homologie entière mais ne sont pas homéomorphes. Les matrices
$T= \left (\begin{array}{ll} 0 & 1 \\ -1 & 0 \end{array} \right )$ et $T'= \left (\begin{array}{ll} 2 & 1 \\ 3 & 2 \end{array} \right )$ fournissent un tel exemple.
Pour finir, Poincaré revient sur le "contre-exemple" de Heegaard, présenté comme l’intersection de la quadrique complexe non dégénérée $z^2-xy=0$ avec la sphère unité dans $\mathbb{C}^3$. Cette variété est en fait difféomorphe au plan projectif de dimension $3$. [1] Poincaré calcule son homologie entière en l’identifiant à un recollement du cube et ne semble pas se rendre compte que cette variété est la même que l’exemple 5.
Notons que, dans tous ces exemples, la dualité de Poincaré est vérifiée. Il arrive cependant que le $H_1$ ait de la torsion, alors que le $H_2$ est toujours libre. Cette remarque n’est pas anodine : on verra dans les commentaires du paragraphe 6 que le deuxième groupe d’homologie entière d’une variété orientable de dimension 3 est toujours sans torsion.
[1] Plus généralement, le link à l’origine de l’hypersurface $Q(z_1, \ldots, z_n)=0$ — où $Q$ est une forme quadratique complexe non dégénérée — est une variété de dimension $2n-3$ difféomorphe au fibré unitaire tangent à la sphère de dimension $n-1$. En effet, à un changement de coordonnées linéaire près, on a $Q(z_1,\ldots, z_n) = z_1^2 + \ldots + z_n^2$ et, en écrivant $z_k=x_k + iy_k$, le link est donné par les couples de vecteurs $(x_1, \ldots, x_n)$ et $(y_1, \ldots, y_n)$ orthogonaux de norme $\frac{1}{\sqrt 2}$.