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Les complexes cellulaires, aussi appelés CW-complexes, forment une classe d’espaces topologiques plus grande que celle des complexes simpliciaux mais présentant comme eux des propriétés combinatoires les prêtant bien aux calculs homologiques. Ils sont obtenus à partir de recollements de boules de dimension $n$ ou cellules. Le but de cet article est de définir précisément ces objets. On introduit ici une théorie homologique adaptée aux espaces cellulaires.
Cellules et applications caractéristiques
On appelle $i$-cellule (ou cellule de dimension $i>0$) un espace homéomorphe à $\mathbb{D}^i$ la boule unité fermée de dimension $i$, alors qu’un espace homéomorphe à $\mathbb{D}^i\setminus \mathbb{S}^{i-1}$ sera appelé $i$-cellule ouverte.
Une $0$-cellule est juste un espace homéomorphe à un point.
Si $e$ est une $n$-cellule (fermée), on note $\partial e$ son bord (en tant que variété topologique) et $\overset{\circ}{e} =e\setminus \partial e$ est une cellule ouverte.
Soit maintenant $f:\partial e \to X$ une application continue définie sur le bord d’une cellule. On appelle recollement de $e$ sur $X$ suivant $f$ l’espace topologique quotient
$$X\cup_{f} e:= \big(X\coprod e \big)/ \big(f(x)\sim x \mbox{ pour } x\in \partial e\big). $$
On a une application évidente, appelée application caractéristique, $\chi_e : e \to X\cup_{f} e$ dont la restriction à $\overset{\circ}{e}$ est un homéomorphisme sur son image.
Un espace topologique $X$ est un CW-complexe si il existe une suite $(X^{(n)})_{n\geq 0}$ d’espaces topologiques telle que
- $X^{(0)}$ est une réunion disjointe de $0$-cellules (c’est-à-dire un espace discret) ;
- $X^{(n)}$ est obtenu à partir de $X^{(n-1)}$ à partir de recollement de cellules de dimension $n$ sur $X^{(n-1)}$ ;
- $X= \bigcup_{n\geq 0} X^{(n)}$ en tant qu’espace topologique [1]. Ce dernier point signifie que la topologie de $X$ est déterminée par celle des $X^{(n)}$ de la manière suivante : un sous-ensemble $F\subset X$ est fermé si et seulement si $F\cap X^{(n)}$ est fermé pour tout $n$.
Un CW-complexe est fini si il est obtenu à partir d’un nombre fini de cellules.
On appelle $X^{(n)}$ le $n$-squelette de $X$. On appelle une suite $X^{(n)}$ vérifiant les propriétés ci-dessus une décomposition cellulaire de $X$.
La dimension d’un CW-complexe est le maximum (dans $\mathbb{N} \cup \{+\infty\}$) des dimensions des cellules ouvertes de $X$.
On notera qu’un CW-complexe $X$ admet plusieurs décompositions cellulaires (tout comme un polyèdre admet plusieurs triangulations).
Quelques exemples
Un complexe simplicial $K$ a une structure naturelle de CW-complexe donné par sa filtration $K^{(i)}$ par les $i$-simplexes.
En particulier un graphe est un complexe simplicial de dimension $1$.
La sphère $\mathbb{S}^n$ a une décomposition cellulaire donnée par une unique cellule de dimension $0$ et une cellule de dimension $n$.
Le tore, $\mathbb{R}P^2$ et de nombreux complexes simpliciaux ont des décompositions cellulaires avec moins de cellules que de simplexes à l’instar de la sphère.
Quelques propriétés topologiques des CW-complexes
Soit $X$ un CW-complexe. Par construction, $X^{(n)}\setminus X^{(n-1)}$ est une réunion disjointe de $n$-cellules ouvertes (en tant qu’espace topologique). On notera aussi que $X$ est la réunion
$$X=\bigcup_{n\geq 0} \big(X^{(n)}\setminus X^{(n-1)}\big)$$
disjointe de ses cellules ouvertes. [2] Par ailleurs, les images (par les applications caractéristiques) des cellules fermées sont fermées dans $X$ (cette propriété n’est en général pas vraie pour les cellules ouvertes).
D’autres propriétés topologiques utiles sont résumées dans la proposition suivante :
Soit $X$ un CW-complexe et $X=\bigcup X^{(n)}$ une décomposition cellulaire.
- L’espace topologique $X$ est séparé et tout point de $X$ admet une base de voisinages contractibles.
- Si $K$ est un sous-ensemble compact de $X$, alors il rencontre un nombre fini de cellules ouvertes de $X$. En particulier $X$ est compact si et seulement si il est fini.
- Pour tout $n$, le quotient $X^{(n)}/X^{(n-1)}$ est homéomorphe à un bouquet $\bigvee_{\alpha \in I_{X^{(n)}}} \mathbb{S}^n$ de sphères, où $I_{X^{(n)}}$ est l’ensemble des cellules de dimension $n$ de la décomposition cellulaire de $X$.
- Pour tout $n$, le sous-espace $X^{(n)}$ est fermé dans $X$ et est un rétracte par déformation d’un voisinage ouvert.
La catégorie des espaces cellulaires
Soit $Y$ un sous-espace d’un complexe cellulaire $X=\bigcup X^{(n)}$. On dit que $Y$ est un sous-complexe cellulaire de $X$ si, la suite $(Y^{(n)}:= Y\cap X^{(n)})_{n\in \mathbb{N}}$ est une décomposition cellulaire de $Y$ (en particulier $Y$ est donc un CW-complexe).
Alternativement, on peut donc définir les CW-complexes de la manière suivante.
Soit $X$ un espace topologique séparé. L’espace $X$ est un CW-complexe s’il existe une collection d’applications continues, les applications caractéristiques,
$$\chi_\alpha : D_\alpha \to X \quad (\alpha \in J),$$
où $D_\alpha$ est un disque unité, $\chi_\alpha$ est un plongement en restriction à l’intérieur de $D_\alpha$ d’image $\overset{\circ}{e}_\alpha$ appelée cellule de dimension $k:= \mathrm{dim} (D_\alpha )$ et $\{ \overset{\circ}{e}_\alpha \; | \; \alpha \in J \}$ est une partition de $X$. On demande en outre que les deux conditions suivantes sont vérifiées.
(C) Chaque $\chi_\alpha (\partial D_\alpha )$ ne rencontre qu’un nombre fini de cellules $\overset{\circ}{e}_\beta$, toutes de dimension $\mathrm{dim} \overset{\circ}{e}_\beta < \mathrm{dim} \overset{\circ}{e}_\alpha$.
(W) Un sous-ensemble $A \subset X$ est fermé si pour tout $\alpha \in J$, l’intersection $\chi_\alpha (D_\alpha ) \cap A$ est fermée.
Les cellules (compactes) $e_\alpha := \chi_{\alpha} (D_\alpha)$ sont alors les cellules de notre première définition des CW-complexes.
Pour définir la catégorie des CW-complexes, il nous reste à définir les morphismes.
Soient $X=\bigcup X^{(n)}$ et $Y=\bigcup Y^{(n)}$ deux complexes cellulaires. Une application continue $f:X\to Y$ est dite cellulaire si, pour tout $n$, on a $f(X^{(n)})\subset Y^{(n)}$.
En particulier, l’inclusion d’un sous-complexe est cellulaire.
Si on ne souhaite pas fixer les décompositions cellulaires, on peut étendre les définitions précédentes en supposant qu’il existe des décompositions cellulaires telles que $f(X^{(n)})\subset Y^{(n)}$.
Les CW-complexes sont les « bons » espaces topologiques. Kirby et Siebenmann démontrent que toute variété topologique compacte de dimension $n\neq 4$ possède une structure de CW-complexe. Et en général, Milnor montre que toute variété topologique (séparable) a le type d’homologie d’un CW-complexe dénombrable. [3]
[1] Le point qui suit est automatique pour les CW-complexes finis
[2] Attention, la topologie n’est cependant pas celle de la réunion disjointe.
[3] John Milnor, « On spaces having the homotopy type of a CW-complex », Trans. Amer. Math. Soc., vol. 90, 1959, p. 272-280 (lire en ligne).