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Isomorphisme entre l’homologie à la Poincaré et l’homologie singulière

Nous allons maintenant démontrer que l’homologie à la Poincaré est isomorphe à l’homologie singulière en petit degré :

Théorème 1

Pour toute variété paracompacte [1] $X$ de dimension $n$, et pour tout entier naturel $p<\min(7,n)$, le groupe d’homologie à la Poincaré $\overline{H}{}_p^\square(X)$ et le groupe d’homologie singulière $\overline{H}{}_p^{Sing}(X)\simeq H_p^{Sing}(X)$ sont isomorphes [2].

De plus, il ne s’agit pas d’un isomorphisme abstrait : on l’obtient comme composée de deux morphismes explicites et naturels, qui relient respectivement l’homologie à la Poincaré à l’homologie non-singulière, et cette dernière à l’homologie singulière. Nous avons déjà construit ces morphismes (ici et ici) ; il nous reste à montrer qu’ils sont bijectifs. La preuve, qui suit un schéma imaginé par J. Milnor, reposera sur la décomposition de la variété $V$ en ouverts difféomorphes à $\mathbb{R}^n$, la trivialité de l’homologie de $\mathbb{R}^n$ (pour l’homologie non-singulière, pour l’homologie à la Poincaré, et pour l’homologie singulière), et l’utilisation de suites de Mayer-Vietoris.

Homologie à la Poincaré, homologie non-singulière et homologie singulière

Pour démontrer le théorème 1, nous allons utiliser trois homologies différentes :

  • Tout d’abord, l’homologie à la Poincaré, notée $\overline{H}_*^\square(X)$, et définie ici. Rappelons que les éléments du complexe de chaîne associé sont des classes d’équivalences de combinaisons linéaires de sous-variétés polyédrales de $V$. La relation d’équivalence est engendrée par les subdivisions de ces sous-variétés.
  • L’homologie non-singulière, notée $\overline{H}_*^{NonSing}(V)$, et définie ici. Les éléments du complexe de chaînes associé sont des classes d’équivalences de combinaisons linéaires de plongements du $p$-simplexe géométrique standard $\Delta_p$ dans la variété $X$. La relation d’équivalence est engendrée par les bissections de ces plongements.
  • Enfin, l’homologie singulière définie ici. Cette fois-ci les éléments du complexe de chaînes associé sont des combinaisons linéaires d’application continues de $\Delta_p$ dans $X$. Comme démontré ici, on peut choisir de « quotienter par les bissections », ou de ne pas le faire ; ceci ne change rien au groupe d’homologie obtenu. Ici, nous considérons le groupe $H_*^{Sing}(V)$ défini sans quotient.

Comme nous l’avons expliqué à la fin de cet article, on a un morphisme naturel

$$(\overline{\Phi}_{X,p})_* : \overline{H}{}_p^{NonSing}(X) \longrightarrow \overline{H}{}_p^{Sing}(X)\simeq H_p^{Sing}(X).$$

L’existence de ce morphisme découle des définitions des groupes $\overline{H}{}_p^{NonSing}(X)$ et $\overline{H}{}_p^{Sing}(X)$, et de la simple remarque suivante : un $p$-simplexe non-singulier à valeurs dans est un plongement du simplexe géométrique standard $\Delta_p$ dans $X$, donc en particulier une application continue de $\Delta_p$ dans $X$, c’est-à-dire un $p$-simplexe singulier.

On a aussi un morphisme naturel

$$(\overline{\Psi}_{X,p})_* : \overline{H}{}_p^{NonSing}(X) \longrightarrow \overline{H}{}_p^\square(X).$$

Ce morphisme est défini par « oubli du paramétrage » : à un plongement de $\Delta_p$ dans $V$, on associe l’image de ce plongement, qui est une sous-variété polyédrale de dimension $p$ de $V$. À une bissection du plongement correspond à une subdivision de la sous-variété polyédrale image.

Nous allons prouver que les morphismes $(\overline{\Phi}_{X,p})_*$ et $(\overline{\Psi}_{X,p})_*$ sont bijectifs pour toute variété $X$ et pour tout entier $p<\min(7,n)$. Ceci impliquera bien entendu le théorème 1.

Suites de Mayer-Vietoris

Soient $U_1,U_2$ deux ouverts d’une variété $X$ de dimension $n$. Il est bien connu que l’on a une suite exacte longue de Mayer-Vietoris en homologie singulière

$$\scriptsize{ \cdots H_p^{Sing} (U_1) \oplus H_p^{Sing} (U_2) \to H_p^{Sing} (U_1\cup U_2) \to H_{p-1}^{Sing} (U_1 \cap U_2) \to H_{p-1}^{Sing} (U_1) \oplus H_{p-1}^{Sing} (U_2) \cdots} $$

Rappelons que cette suite exacte longue découle, d’une part de la suite exacte courte de complexes de chaînes

$$0\to C_*^{Sing}(U_1\cap U_2)\to C_*^{Sing}(U_1)\oplus C_*^{Sing}(U_2)\to C_*^{Sing}(\{U_1,U_2\}) \to 0$$

(où $C_*^{Sing}(\{U_1,U_2\})$ désigne le module engendré par les simplexes singuliers à valeurs dans $U_1$ et par les simplexes singuliers à valeurs dans $U_2$), et d’autre part par le théorème des petites chaînes qui garantit que $H_p^{Sing}(\{U_1,U_2\})=H_p^{Sing}(U_1\cup U_2)$ (autrement dit que toute $p$-chaîne singulière à valeurs dans $U_1\cup U_2$ est homologue à une $p$-chaîne constituée de simplexes qui sont à valeurs soit dans $U_1$, soit dans $U_2$).

Qu’en est-il si on remplace l’homologie singulière par l’homologie à la Poincaré ? Le fait d’avoir « quotienté par les subdivisions » va nous poser quelques problèmes techniques, mais aussi nous aider. On a bien sûr une suite exacte courte au niveaux des complexes de chaînes avant quotient

$$0\to C_*^{\square}(U_1\cap U_2)\to C_*^{\square}(U_1)\oplus C_*^{\square}(U_2)\to C_*^{\square}(\{U_1,U_2\})\to 0.$$

Les morphismes de cette suites exactes passent évidemment au quotient, par les relations d’équivalences engendrées par les subdivisions. Cependant, il n’est pas complètement évident que l’on ait encore une suite exacte au quotient. Par exemple, il n’est pas complètement évident que le morphisme naturel de $\overline{C}_*^{\square}(U_1\cap U_2)$ dans $\overline{C}_*^{\square}(U_1)\oplus \overline{C}_*^{\square}(U_2)$ (donné par les injections de $U_1\cap U_2$ dans $U_1$ et $U_2$) est injectif. Démontrons-le :

Lemme

Si $U$ et $U'$ sont deux ouverts d’une variété $X$, avec $U\subset U'$, alors le morphisme naturel de $\overline{C}{}_*^\square(U)$ dans $\overline{C}{}_*^\square(U')$ est injectif.

Démonstration.

Soit $\sigma=\sum_i \lambda_i V_i$ une combinaison linéaire de sous-variétés polyédrales de $U$. On verra $\sigma$ à la fois comme un élément de $C_p^\square(U)$ et de $C_p^\square(U')$ (autrement dit, on confondra $\sigma$ et son image par l’injection de $C_p^\square(U)$ dans $C_p^\square(U')$). On suppose que la classe de $\sigma$ dans $C_p^\square(U')$ est nulle, et on doit montrer que la classe de $\sigma$ dans $C_p^\square(U)$ est aussi nulle.

Puisque la classe de $\sigma$ dans $C_p^\square(U')$ est nulle, il existe une suite finie $\sigma^0,\dots,\sigma^k$ d’éléments de $C_p^\square(U')$ tels que :

  • $\sigma^0=\sigma$ et $\sigma^k=0$,
  • $\sigma^{j+1}$ est une subdivision de $\sigma^j$, ou $\sigma^{j}$ est une subdivision de $\sigma^{j+1}$, selon la parité de $j$. Pour $j=1,\dots,k$, on écrit $\sigma^j=\sum_i \lambda_i^j V_i^j$ où les $V_i^j$ sont des sous-variétés polyédrales de $U'$.

On considère alors un ouvert $W\subset U$, tel que :

  • $W$ contient $V_i=V_i^0$ pour tout $i$,
  • le bord de $W$ est une hypersurface de $X$ qui est transverse à tous les $V_i^j$ pour tout $i$ et tout $j$. Cette dernière propriété implique que $V_i^j\cap W$ est une sous-variété polyédrale de $U$ pour tout $i$ et tout $j$. Ainsi, si on note

    $$\sigma^j_{|W}:=\sum_i \lambda_i^j (V_i^j\cap W),$$

alors $\sigma^j_{|W}$ est un un élément de $C_p^\square(U)$ pour $j=0,\dots,k$. Clairement, $\sigma^{j+1}_{|W}$ est une subdivision de $\sigma^j_{|W}$, ou $\sigma^{j}_{|W}$ est une subdivision de $\sigma^{j+1}_{|W}$, selon la parité de $j$.
Par ailleurs, on a $\sigma^0_{|W}=\sigma^0=\sigma$, car $W$ contient $V_i^0$ pour tout $i$. Enfin, on a bien sûr $\sigma^{k}_{|W}=0$, puisque $\sigma^k=0$. Ceci prouve que $\sigma$ « est équivalent à $0$ à subdivision près dans $U$ », i.e. que la classe $\sigma$ dans $\overline{C}{}_p^\square(U)$ est nulle.

C.Q.F.D.

En appliquant ce lemme à $U=U_1\cap U_2$ et $U'=U_1$ ou $U_2$, on obtient l’injectivité du morphisme naturel de $\overline{C}{}_*^{\square}(U_1\cap U_2)$ dans $\overline{C}{}_*^{\square}(U_1)\oplus C{}_*^{\square}(U_2)$. Un raisonnement complètement similaire (dont nous laissons le soin au lecteur) permet de montrer que l’image de ce morphisme est égal au noyau du morphisme naturel de $\overline{C}{}_*^{\square}(U_1)\oplus \overline{C}{}_*^{\square}(U_2)$ dans $\overline{C}{}_*^{\square}(\{U_1,U_2\})$. Ce dernier est surjectif par définition de $\overline{C}{}_*^{\square}(\{U_1,U_2\})$. On obtient donc, comme souhaité une suite exacte courte de complexes de chaînes

$$0\to \overline{C}{}_*^{\square}(U_1\cap U_2)\to \overline{C}{}_*^{\square}(U_1)\oplus \overline{C}{}_*^{\square}(U_2)\to \overline{C}{}_*^{\square}(\{U_1,U_2\})\to 0.$$

Le fait d’avoir « quotienté par les subdivisions » va maintenant nous être utile. Le lemme ci-dessus implique que le morphisme naturel de $\overline{C}{}_*^\square(\{U_1,U_2\})$ dans $\overline{C}{}_*^\square(U_1\cup U_2)$ (induit par les injections de $U_1$ et $U_2$ dans $U_1\cup U_2$) est injectif. Par ailleurs, toute sous-variété polyédrale $W$ contenue dans $U_1\cup U_2$ admet une subdivision $W=W_1+\dots+W_k$ telle que chaque $W_i$ est contenu soit dans $U_1$, soit dans $U_2$. Dans $\overline{C}{}_p(U_1\cup U_2)$, on a identifié $W$ à la somme $W_1+\dots+W_k$, qui appartient à $\overline{C}{}_*^\square(\{U_1,U_2\})$. Par conséquent, le morphisme naturel de $\overline{C}{}_*^\square(\{U_1,U_2\})$ dans $\overline{C}{}_*^\square(U_1\cup U_2)$ est également surjectif. On peut donc remplacer $\overline{C}{}_*^\square(\{U_1,U_2\})$ par $\overline{C}{}_*^\square(U_1\cup U_2)$ dans la suite exacte courte de complexes de chaînes ci-dessus [3]. De la suite exacte courte modifiée, on déduit, par le même argument qu’en homologie singulière (voir ici), une suite exacte longue de Mayer-Vietoris en homologie à la Poincaré

$$ \scriptsize{\cdots \overline{H}{}_p^\square (U_1) \oplus \overline{H}{}_p^\square (U_2) \to \overline{H}{}_p^\square (U_1\cup U_2) \to \overline{H}{}_{p-1}^\square (U_1 \cap U_2) \to \overline{H}{}_{p-1}^\square (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p-1}^\square (U_2) \cdots} $$

Les mêmes arguments que ci-dessus (pour l’homologie à la Poincaré) permettent d’obtenir une suite exacte longue de Mayer-Vietoris en homologie non-singulière

$$ \scriptsize{\cdots\overline{H}{}_p^{NonSing} (U_1) \oplus \overline{H}{}_p^{NonSing} (U_2) \to \overline{H{}}_p^{NonSing} (U_1\cup U_2) \to \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_1 \cap V_2) \to \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_2) \cdots} $$


Souvenons-nous maintenant qu’on a, pour tout $q$, des morphismes $(\overline{\Phi}_{U_1,q})_*$, $(\overline{\Phi}_{U_2,q})_*$, $(\overline{\Phi}_{U_1\cap U_2,q})_*$ et $(\overline{\Phi}_{U_1\cup U_2,q})_*$ qui envoient la suite de Mayer-Vietoris en homologie non-singulière sur la suite de Mayer-Vietoris en homologie singulière. Comme les définitions de ces morphismes sont très naturelles, on vérifie facilement que le diagramme qui en résulte est commutatif.

$$\scriptsize{\xymatrix{ \dots \ar[r]& \overline{H}{}_{p}^{NonSing} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p}^{NonSing} (U_2) \ar[d]^{(\overline{\Phi}_{U_1,{p}})_*\oplus(\overline{\Phi}_{U_2,{p}})_*} \ar[r] & \overline{H}{}_{p}^{NonSing} (U_1 \cup U_2) \ar[d]^{(\overline{\Phi}_{U_1 \cup U_2,{p}})_*} \ar@{-}[r] & \\ \dots \ar[r] & \overline{H}{}_{p}^{Sing} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p}^{Sing} (U_2)\ar[r]& \overline{H}{}_{p}^{Sing} (U_1\cup U_2)\ar@{-}[r] & }}$$

$$\scriptsize{\xymatrix{ \ar[r]& \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_1\cap U_2) \ar[r] \ar[d]^{(\overline{\Phi}_{U_1\cap U_2,{p-1}})_*} & \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_2) \ar[d]^{(\overline{\Phi}_{U_1,{p-1}})_*\oplus(\overline{\Phi}_{U_2,{p-1}})_*} \ar[r] & \dots\\ \ar[r]& \overline{H}{}_{p-1}^{Sing} (U_1\cap U_2) \ar[r] & \overline{H}{}_{p-1}^{Sing} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p-1}^{Sing} (U_2)\ar[r] & \dots}}$$

De même, on a des morphismes $(\overline{\Psi}_{U_1,q})_*$, $(\overline{\Psi}_{U_2,q})_*$, $(\overline{\Psi}_{U_1\cap U_2,q})_*$ et $(\overline{\Psi}_{U_1\cup U_2,q})_*$ qui envoient la suite de Mayer-Vietoris en homologie non-singulière sur la suite de Mayer-Vietoris en homologie à la Poincaré, et le diagramme qui en résulte est commutatif.

$$\scriptsize{\xymatrix{ \dots \ar[r]& \overline{H}{}_{p}^{NonSing} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p}^{NonSing} (U_2) \ar[d]^{(\overline{\Psi}_{U_1,{p}})_*\oplus(\overline{\Psi}_{U_2,{p}})_*} \ar[r] & \overline{H}{}_{p}^{NonSing} (U_1 \cup U_2) \ar[d]^{(\overline{\Psi}_{U_1 \cup U_2,{p}})_*} \ar@{-}[r] & \\ \dots \ar[r] & \overline{H}{}_{p}^{\square} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p}^{\square} (U_2)\ar[r]& \overline{H}{}_{p}^{\square} (U_1\cup U_2)\ar@{-}[r] & }}$$

$$\scriptsize{\xymatrix{ \ar[r]& \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_1\cap U_2) \ar[r] \ar[d]^{(\overline{\Psi}_{U_1\cap U_2,{p-1}})_*} & \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p-1}^{NonSing} (U_2) \ar[d]^{(\overline{\Psi}_{U_1,{p-1}})_*\oplus(\overline{\Psi}_{U_2,{p-1}})_*} \ar[r] & \dots\\ \ar[r]& \overline{H}{}_{p-1}^{\square} (U_1\cap U_2) \ar[r] & \overline{H}{}_{p-1}^{\square} (U_1) \oplus \overline{H}{}_{p-1}^{\square} (U_2)\ar[r] & \dots}}$$

Fin de la preuve du théorème

Afin de démontrer le théorème 1, nous considérons la classe $\mathcal{X}^n$ des les variétés $V$ de dimension $n$ pour lesquelles les morphismes $(\overline{\Phi}_{X,p})_*$ et $(\overline{\Psi}_{X,p})_*$ sont bijectifs pour tout $p\in\{0,\cdots,\min(6,n-1)\}$. Nous devons montrer que les variétés de dimension $n$ appartiennent toutes dans la classe $\mathcal{X}^n$. Pour ce faire, nous allons utiliserons les propriétés suivantes de $\mathcal{X}^n$ :

Lemme
  1. L’espace $\mathbb{R}^n$ appartient à $\mathcal{X}^n$.
  2. La classe $\mathcal{X}^n$ est stable par difféomorphisme. Plus précisément, si $V$ appartient à $\mathcal{X}^n$, alors toute variété difféomorphe à $V$ appartient également à $\mathcal{X}^n$.
  3. Si $U_1,U_2$ sont deux ouverts d’une même variété $V$ de dimension $n$, et si $U_1$, $U_2$ et $U_1\cap U_2$ appartiennent à $\mathcal{X}^n$, alors $U_1\cup U_2$ appartient également à $\mathcal{X}^n$.
  4. La classe $\mathcal{X}^n$ est stable par union croissante. Si $(U_k)_{k\geq 0}$ est une famille croissante d’ouverts d’une variété $V$ de dimension $n$, et si ces ouverts appartiennent tous à $\mathcal{X}^n$, alors l’ouvert $\bigcup_{k\geq 0} U_k$ appartient aussi à $\mathcal{X}^n$.

Démonstration.

La première assertion est une conséquence immédiate de la trivialité des groupes d’homologie $\overline{H}{}_p^{Sing}(\mathbb{R}^n)$ (voir ici), $\overline{H}{}_p^{NonSing}(\mathbb{R}^n)$ (voir ici) et $\overline{H}{}_p^\square(\mathbb{R}^n)$ (voir ici). Notons que c’est ici qu’on a besoin de l’hypothèse $p< \min(7,n)$.

La deuxième assertion est essentiellement évidente. En effet, un difféomorphisme $f$ entre deux variétés $V,V'$ de dimension $n$, induit des isomorphismes

$$f_*^{Sing}:\overline{H}{}_p^{Sing}(V)\to \overline{H}{}_p^{Sing}(V')\quad\mbox{et}\quad f_*^{NonSing}:\overline{H}{}_p^{NonSing}(V)\to \overline{H}{}_p^{NonSing}(V')$$

et, par naturalité des morphismes $\Phi_{V,p}$ et $ \Phi_{V',p}$, on a

$$(\overline{\Phi}_{V',p})_*=f_*^{Sing}\circ (\overline{\Phi}_{V,p})_* \circ \left(f_*^{NonSing}\right)^{-1}.$$

En particulier, $(\overline{\Phi}_{V',p})_*$ est bijectif dès lors que $(\overline{\Phi}_{V,p})_*$ l’est. On montre de la même manière que $(\overline{\Psi}_{V',p})_*$ est bijectif dès lors que $(\overline{\Psi}_{V,p})_*$ l’est.

La troisième assertion découle de l’exactitude des suites de Mayer-Vietoris en homologie à la Poincaré, singulière, et non-singulière, et des propriétés de commutativité des diagrammes reliant ces suites (voir ci-dessus).

Enfin, la quatrième assertion est une conséquence de la simple observation suivante. Si $(U_k)_{k\geq 1}$ est une famille croissante, alors toute chaîne (singulière, non-singulière, ou au sens de l’homologie de Poincaré) à valeurs dans $\bigcup_{k\geq 1} U_k$ est en fait à valeurs dans $U_{k_0}$ pour un certain $k_0$.

C.Q.F.D.

Nous pouvons maintenant terminer la preuve du théorème 1.

Des deux premières assertions du Lemme, on déduit que les pavés ouverts de $\mathbb{R}^n$ sont dans $\mathcal{X}^n$.

Ceci fait, on montre par récurrence que les unions finies de pavés ouverts de $\mathbb{R}^n$ sont dans $\mathcal{X}^n$. Supposons que ce soit vrai pour toute union d’au plus $k$ pavés, et considérons une famille de $k+1$ pavés $U_1,\dots,U_{k+1}$. On pose $U:=U_1\cup\dots\cup U_k$ et $V:=U_{k+1}$. Alors chacun des trois ouverts $U$, $U_{k+1}$ et $U\cap U_{k+1}$ est une union d’au plus $k$ pavés (pour $U\cap U_{k+1}$, on utilise le fait qu’une intersection de deux pavés est encore un pavé), et sont donc dans $\mathcal{V}^n$ d’après notre hypothèse de récurrence. En utilisant la troisième assertion du Lemme 1, on en déduit que $U\cup U_{k+1}=U_1\cup U_2\cup\dots\cup U_{k+1}$ est dans $\mathcal{X}^n$. Ainsi, toute union finie de pavés ouverts de $\mathbb{R}^n$ est dans $\mathcal{X}^n$.

En utilisant la quatrième assertion du Lemme et le fait que tout ouvert de $\mathbb{R}^n$ est une union croissante d’unions finies de pavés, on en déduit que les ouverts de $\mathbb{R}^n$ appartiennent tous à $\mathcal{X}^n$.

D’après la deuxième assertion du Lemme, il en résulte que la classe $\mathcal{X}^n$ contient tous les ouverts de variétés difféomorphes à des ouverts de $\mathbb{R}^n$.

En utilisant la troisième assertion du Lemme, et en reprenant le même type de raisonnement ci-dessus et en, on montre alors par récurrence sur l’entier $k$ que toute variété qui est réunion d’au plus $k$ ouverts difféomorphes à des ouverts de $\mathbb{R}^n$ appartient à $\mathcal{X}^n$.

Enfin, en utilisant à nouveau la quatrième assertion du Lemme et le fait que toute variété (paracompacte) de dimension $n$ est une union croissante d’unions finies d’ouverts difféomorphes à des ouverts de $\mathbb{R}^n$, on conclut que toute les variétés de dimension $n$ appartiennent à $\mathcal{X}^n$. Ceci termine la preuve du théorème 1.

C.Q.F.D.

Théories homologiques des variétés

L’isomorphisme entre l’homologie à la Poincaré et l’homologie singulière n’est qu’un cas particulier d’un résultat beaucoup plus général, qui garantit l’unicité, à isomorphisme près, d’une théorie homologique des variétés satisfaisant des propriétés « raisonnables ». Ce résultat fait l’objet d’une partie indépendante de notre cours.


[1Dans la suite, les variétés considérées seront toujours supposées paracompactes.

[2Le groupe d’homologie à la Poincaré $\overline{H}{}_p^\square(X)$ est défini dans cet article, et le groupe d’homologie singulière $\overline{H}{}_p^{Sing}(X)\simeq H_p^{Sing}(X)$ dans celui-là.

[3On n’aura donc pas besoin d’un analogue du théorème des petites chaînes.