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Définition de la cohomologie de de Rham

Nous rappelons ici brièvement les définitions principales de la cohomologie de de Rham.

Soit $M$ une variété différentielle. Pour $0 \leq p \leq \dim M$, on note $\Omega^p(M)$ l’espace des $p$-formes différentielles et

$$\Omega^*(M) = \bigoplus_{p \geq 0} \Omega^p(M).$$

On rappelle que ces objets sont munis

  • d’une multiplication $\wedge : \Omega^p(M) \times \Omega^q(M) \to \Omega^{p+q}(M)$, le produit extérieur, qui est commutative au sens gradué, c’est-à-dire que

    $$\forall \alpha \in \Omega^p(M), \beta\in \Omega^q(M), \alpha \wedge \beta = (-1)^{pq} \beta \wedge \alpha~;$$

  • d’une dérivation $d : \Omega^p(M) \to \Omega^{p+1}(M)$, la différentielle extérieure, vérifiant $d \circ d = 0$ et la règle de Leibniz

    $$ \forall \alpha \in \Omega^p(M), \beta\in \Omega^q(M), d\left( \alpha \wedge \beta\right) = d \alpha \wedge \beta + (-1)^p \alpha \wedge d \beta.$$

  • d’une construction de rappel (ou tiré en arrière) : si $f : M \to N$ est une application lisse, toute forme différentielle $\alpha \in \Omega^p(N)$ donne naissance à une forme rappelée (ou tirée en arrière) $f^*\alpha \in \Omega^p(M)$. Cette construction est compatible avec les deux précédentes :

    $$\begin{array}{ll} \forall \alpha \in \Omega^p(N), \beta \in \Omega^q(N), &\quad f^*(\alpha \wedge \beta) = f^* \alpha \wedge f^* \beta~;\\ \forall \alpha \in \Omega^p(N), &\quad d(f^* \alpha) = f^*(d \alpha). \end{array}$$

On trouvera les constructions de tous ces objets (et même plus) et leurs propriétés dans de nombreuses références, par exemple au chapitre 2 du livre Geometry of Differential Forms de Morita [1].

$$ $$

La relation $d \circ d = 0$ entraîne que la suite d’espaces vectoriels

$$ 0 \to \Omega^0(M) \xrightarrow{d} \Omega^1(M) \to \cdots \to \Omega^{\dim M-1}(M) \to \Omega^{\dim M}(M) \to 0$$

est un complexe de cochaînes, que l’on appellera complexe de de Rham.

On appelle alors $p$-ième espace de cohomologie de de Rham le quotient

$$ \mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^p(M) = \frac{\ker\left(d : \Omega^p(M) \to \Omega^{p+1}(M)\right)}{\mathrm{im}\left(d : \Omega^{p-1}(M) \to \Omega^{p}(M)\right)}.$$

Pour ce complexe particulier, les éléments de $\mathrm{Z}_{\mathrm{dR}}^p = \ker\left(d : \Omega^p(M) \to \Omega^{p-1}(M)\right)$ sont plutôt appelés formes fermées que cocycles et les éléments de $\mathrm{B}_{\mathrm{dR}}^p = \mathrm{im}\left(d : \Omega^{p-1}(M) \to \Omega^{p}(M)\right)$, plutôt formes exactes que cobords.

Exemples.
  • Soit $M$ une variété connexe. Une $0$-forme sur $M$ n’est rien d’autre qu’une fonction. Celle-ci est fermée si et seulement si sa différentielle est nulle. Dans ce cas, la connexité de $M$ entraîne qu’elle est constante. On a donc

    $$ \mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^0(M) = \mathrm{Z}_{\mathrm{dR}}^0(M) \simeq \mathbb{R}.$$

  • L’exemple précédent entraîne que $\mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^0(\mathbb{R}) \simeq \mathbb{R}$. Par ailleurs, si $p>1$, $\Omega^p(\mathbb{R}) = \{0\}$ et, par la force des choses, $\mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^p(\mathbb{R}) = \{ 0 \}.$ Il reste à déterminer $\mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^1(\mathbb{R})$.
  • Une $1$-forme sur $\mathbb{R}$ s’écrit $\alpha_x = f(x) dx$, pour une certaine fonction lisse $f$. Une telle forme est automatiquement fermée. Or, $f$ est la dérivée de la fonction $g : x \mapsto \int_0^x f(t)\, dt$, donc $\alpha = dg$. Il s’ensuit que $\mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^1(\mathbb{R}) = 0$. En résumé,

    $$ \mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^p(\mathbb{R}) = \begin{cases} \mathbb{R} & \textrm{ si }p = 0\textrm{;}\\ 0 & \text{ sinon.} \end{cases}$$

  • Un résultat classique et important sur les forme différentielles est le lemme de Poincaré [2]). Il affirme que dans un ouvert étoilé de $\mathbb{R}^n$, toute $p$-forme fermée est exacte ($p\geq 1$). Il s’ensuit que tout ouvert étoilé de $\mathbb{R}^n$ (y compris $\mathbb{R}^n$ a la même cohomologie que $\mathbb{R}$.
  • Pour le cercle $\mathbb{S}^{1}$, les mêmes raisons que plus haut entraînent que $\mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^0(\mathbb{S}^{1}) \simeq \mathbb{R}$ et que $\mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^p(\mathbb{S}^{1}) = \{0\}$ pour tout $p > 1$. De même que sur $\mathbb{R}$, toute $1$-forme (automatiquement fermée) sur $\mathbb{S}^{1} = \mathbb{R} / \mathbb Z$ s’écrit $f(x)\, dx$ pour une certaine fonction lisse $f \in C^\infty(\mathbb{S}^{1})$ et elle est exacte si et seulement si cette fonction est une dérivée.
  • Cependant, sur $\mathbb{S}^{1}$, une fonction $f$ est une dérivée si et seulement si $\int_{\mathbb{S}^{1}} f(t)\, dt = 0$. On en déduit que la forme linéaire $C^\infty(\mathbb{S}^{1}) \to \mathbb{R}$ donnée par l’intégration sur le cercle induit un isomorphisme

    $$ \begin{array}{ccc} \mathrm{H}_{\mathrm{dR}}^1(\mathbb{S}^{1}) & \to & \mathbb{R} \\{} [\alpha] & \mapsto & \int_{\mathbb{S}^{1}} \alpha. \end{array}$$

Remarque

Ici comme dans l’exemple mentionné dans l’introduction, la non-trivialité de la classe de cohomologie est détectée par l’intégration sur une (sous-)variété. On verra à propos de l’isomorphisme de de Rham que ce fait est général.

Exercice

Soit $U \subset \mathbb{R}^3$ un ouvert. On note $\mathcal E(U)$ et $\mathcal X(U)$, respectivement, les espaces vectoriels des fonctions lisses et des champs de vecteurs lisses sur $U$. Construire des isomorphismes $\phi_i$ faisant commuter le diagramme suivant.

$$\xymatrix{ \Omega^0(M)\ar[d]^{\phi_0} \ar[r]^{d} & \Omega^1(M)\ar[d]^{\phi_1} \ar[r]^{d} & \Omega^2(M)\ar[d]^{\phi_2} \ar[r]^{d} & \Omega^3(M)\ar[d]^{\phi_3}\\ \mathcal E(U) \ar[r]^{\mathrm{grad}} & \mathcal X(U) \ar[r]^{\mathrm{rot}} & \mathcal X(U) \ar[r]^{\mathrm{div}} & \mathcal E(U). }$$

Via ces isomorphismes, à quoi correspond $\wedge : \Omega^1(M) \times \Omega^1(M) \to \Omega^2(M)$ ?

Ces définitions étant rappelées, le lecteur peut continuer sa lecture avec quelques propriétés de cette cohomologie : fonctiorialité et existence d’un produit ou suite exacte de Mayer-Vietoris. Enfin, le théorème de de Rham, qui affirme l’isomorphisme entre cette cohomologie et la cohomologie simpliciale, est prouvé ici.


[1Shigeyuki Morita, Geometry of differential forms. Translated from the two-volume Japanese original (1997, 1998) by Teruko Nagase and Katsumi Nomizu. Translations of Mathematical Monographs, 201. Iwanami Series in Modern Mathematics. American Mathematical Society, Providence, RI, 2001.

[2voir par exemple la proposition 3.13 du livre de Morita suscité