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Pour tout espace $(B,b)$ « joli », il existe un unique revêtement connexe $(\tilde{B}, \tilde{b}) \to B$ (à isomorphismes près) qui est universel dans le sens qu’il est au dessus de tous les revêtements de $B$.
Nous n’avons toujours pas défini ce qu’est un espace « joli », mais on a maintenant les outils pour le faire.
Par définition des revêtements, nous savons que pour tout revêtement de $B$ se trivialise au voisinage d’un point quelconque de $B$. Ce voisinage dépend a priori du revêtement et il n’est pas clair qu’un même voisinage dans $B$ puisse trivialiser tous les revêtements de la famille considérée. C’est exactement la condition dont nous avons besoin pour construire un revêtement universel :
Un espace $B$ est « joli » si tout point possède un voisinage ouvert qui est trivialisant pour tout revêtement de $B$.
C’est bien entendu le cas d’un espace dont tout point possède un voisinage ouvert simplement connexe (on dit alors que cet espace est localement simplement connexe), car alors tous les revêtements de ce voisinage, qu’il soient restrictions d’un revêtement de $B$ tout entier ou pas, sont triviaux.
C’est donc le cas des variétés, puisqu’elles sont localement homéomorphes à une boule et donc localement simplement connexes.
Montrer qu’un complexe simplicial est localement simplement connexe.
Démonstration du théorème. Pour démontrer l’existence d’un revêtement universel $(\tilde{B}, \tilde{b}) \to B$, il suffit de reprendre la démonstration de la proposition affirmant que l’ensemble ordonné $Rev(B,b)$ est un treillis, en l’appliquant maintenant à la famille infinie de tous les revêtements connexes de $(B,b)$. Le fait qu’il existe des ouverts de $B$ qui sont trivialisants pour tous les revêtements montre que l’espace ainsi construit est en effet un revêtement qui est au dessus de tous les revêtements de $(B,b)$.
A strictement parler la collection de tous les revêtements de $B$ n’est pas un ensemble mais les classes d’isomorphismes de revêtements forment un ensemble. Il ne s’agit pas ici de s’embarquer dans des subtilités de théorie des ensembles qui nous éloigneraient de notre propos (et que Poincaré auraient balayées d’une ligne, comme nous nous permettons de le faire ici).
On a donc établi l’existence d’un revêtement universel d’un espace « joli ». L’unicité est évidente : si un ensemble ordonné contient un élément qui est supérieur à tous les autres, cet élément est unique. Le théorème est démontré.
C.Q.F.D.
Le revêtement universel de $(B,b)$ est l’unique revêtement connexe dont l’espace total est simplement connexe.
Démonstration. La simple connexité de $(\tilde{B}, \tilde{b})$ est claire. Par définition, le revêtement universel est au dessus de tous les revêtements de $(B,b)$ si bien qu’en particulier aucun revêtement n’est au dessus de $(\tilde{B}, \tilde{b})$, c’est-à-dire que $(\tilde{B}, \tilde{b})$ est simplement connexe.
La réciproque n’est pas difficile mais elle va nous permettre d’introduire un nouveau concept. Soit $p : (X,x) \to (B,b)$ un revêtement et $f: (B_1,b_1) \to (B,b)$ une application continue (pas nécessairement un revêtement). Considérons l’espace
$$X_1 = \{u,v) \in B_1 \times X \vert f(u) = p(v) \}$$
qui contient le point $x_1=(b_1,x)$. La première projection définit une application $p_1 : (X_1,x_1) \to (B_1,b_1)$ dont on s’assure facilement qu’il s’agit d’un revêtement. On dit que ce revêtement est l’image réciproque de $p$ par $f$.
Notons en passant que ceci montre la fonctorialité de $Rev(B,b)$. Toute application continue $f: (B_1,b_1) \to (B,b)$ induit une application
$$Rev(f) : Rev(B,b) \to Rev(B_1,b_1)$$
qui préserve la relation d’ordre que nous avons introduite.
Revenant au théorème, supposons qu’on dispose d’un revêtement $\tilde{p} : (\tilde{B}, \tilde{b}) \to B$ dont l’espace total est simplement connexe et démontrons qu’il est universel, c’est-à-dire au dessus de tous les revêtements connexes de $(B,b)$. Soit $p: (X,x) \to (B,b)$ un tel revêtement connexe. L’image réciproque de $p$ par $\tilde{p}$ est un revêtement d’un espace simplement connexe $(\tilde{B}, \tilde{b})$, donc trivial. Cela signifie précisément qu’il existe une application $q : (\tilde{B}, \tilde{b}) \to (X,x)$ telle que $\tilde{p} = p \circ q$, autrement dit que $\tilde{p}$ est au dessus de $p$. Le théorème est établi.
C.Q.F.D.
Nous en venons, enfin, à la définition du groupe fondamental d’un espace $(B,b)$.
Soit $\tilde{p} : (\tilde{B}, \tilde{b}) \to (B,b)$ le revêtement universel de $(B,b)$. Le groupe fondamental de $(B,b)$, noté $\pi_1(B,b)$, est le groupe des homéomorphismes $\gamma$ de $\tilde{B}$ tels que $p = p \circ \gamma$,
Autrement dit, il s’agit du groupe des automorphismes non pointés de $p$.
Le théorème principal est le suivant :
Le groupe $\pi_1(B,b)$ opère librement sur $\tilde{B}$ et l’espace quotient est homéomorphe à $B$.
Démonstration. Elle est facile puisque nous avons développé tous les outils nécessaires.
Si un élément $\gamma$ de $\pi_1(B,b)$ fixe le point base $\tilde{b}$ de $\tilde{B}$ il s’agit d’un automorphisme pointé d’un revêtement et nous avons vu que cela entraîne qu’il s’agit de l’identité. L’argument se généralise à tout point $z$ de $\tilde{B}$ car on peut toujours le considérer comme le point base du revêtement pointé en d’autres points $\tilde{p} : (\tilde{B},z) \to (B, \tilde{p}(z))$. Comme la simple connexité d’un espace connexe ne dépend pas du point base considéré, le même argument montre que seul l’élément identique de $\pi_1(B,b)$ fixe $z$. L’action est donc bien libre.
Soient $z_1$ et $z_2$ deux éléments ayant la même image par $\tilde{p}$. Si on les considère comme deux points base, on obtient deux revêtements universels $(\tilde{B},z_1)$ et $(\tilde{B},z_2)$ de $(B,\tilde{p} (z_1)) = (B,\tilde{p} (z_2))$, donc isomorphes. Il existe donc un homéomorphisme $\gamma$ de $\tilde{B}$ tel que $\tilde{p} = \tilde{p} \circ \gamma$, c’est-à-dire un élément du groupe fondamental de $(B,b)$ qui envoie $z_1$ sur $z_2$. Autrement dit, les fibres de $\tilde{p}$ sont les orbites du groupe fondamental, c’est-à-dire que le quotient de $\tilde{B}$ par l’action de $\pi_1(B,b)$ est bien homéomorphe à $B$.
C.Q.F.D.
Soit $f : (B_1,b_1) \to (B,b)$ une application continue. Nous avons vu que cela permet de définir une application $Rev(f) : Rev(B,b) \to Rev(B_1,b_1)$. Montrer que cela permet également de définir un homomorphisme de $\pi_1(B_1,b_1)$ dans $\pi_1(B,b)$.
Le cours filmé ci-dessous en dit un peu plus sur ces questions et pourra servir d’introduction à la suite de ce cours qui fait le lien entre revêtements et sous-groupes du groupe fondamental.