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Le(s) théorème(s) de van Kampen

Le « théorème de van Kampen » est l’outil le plus classique et le plus utile pour calculer des groupes fondamentaux. Les origines de ce théorème sont assez difficiles à démêler. Certains cas particuliers ont manifestement été démontrés et employées avant la publication de l’article de van Kampen [1] en 1933. Poincaré lui-même en utilise implicitement certaines versions, sans évidemment avoir jamais énoncé (ni a fortiori démontré) un résultat dans cet esprit. Dans l’introduction de son article, van Kampen ne cherche d’ailleurs nullement à minimiser ces antécédents :

Dans cet article, nous traitons le théorème général [...] D’autres applications de ce théorème général se trouvent dans la littérature, par exemple dans un article de K. Brauner [2], mais d’un autre côté, l’opportunité de simplifier le traitement du groupe fondamental à l’aide de ce théorème a été négligé plusieurs fois, par exemple dans le même article de Brauner et dans un article de W. Burau [3]. Pour cette raison, nous n’avons pas trouvé superflu d’y consacrer un article séparé.

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Egbert R. van Kampen (à un âge proche de celui où il publie "son" théorème)

Egbert R. van Kampen est un mathématicien belge, né en 1908, qui a travaillé en Allemagne puis aux Etats-Unis, principalement sur des questions liées au groupe fondamental, mais aussi sur problèmes concernant les fonctions presque-périodiques. Il est décédé fort jeune, en 1942, d’un cancer cérébral. Une biographie plus détaillée se trouve ici.

Deux versions du théorème de Van Kampen

Ce qu’on appelle aujourd’hui communément le « théorème de van Kampen » et parfois aussi théorème de Seifert-van Kampen [4] concerne le calcul du groupe fondamental d’un espace $X$ à partir des groupes fondamentaux de deux ouverts $U,V$ de $X$ qui en forment un recouvrement, sous une hypothèse (plus ou moins forte) de connexité de l’intersection $U\cap V$. Certains auteurs commentent (et même, raillent) en regrettant que cet énoncé ne permette « même pas » de calculer le groupe fondamental du cercle.

Or, à la lecture de l’article original de van Kampen [1], on constate que c’est seulement parce qu’on ne retient là qu’une version simplifiée (le corollaire 2 de [1]) d’un énoncé plus général (les théorèmes 1 et 2 de l’article original [1]). Cet énoncé général se spécialise en un autre corollaire (le corollaire 1 de [1]) qui considère un espace connexe par arcs, dont on identifie deux parties entre elles, conduisant à un calcul de groupe fondamental sous forme de HNN-extension (et le cercle entre bien dans ce cadre).

Nous allons présenter les deux « versions » du théorème de van Kampen.

La version classique permet de calculer le groupe fondamental de espace $X$ obtenu comme réunion de deux ouverts connexes $U,V$ d’intersection connexe, que nous appellerons « version ouverte » :

Nous expliquerons aussi la version permettant de calculer le groupe fondamental d’un espace $X$ obtenu par recollement de deux fermés $K_1,K_2$ d’un espace $\bar X$, que nous appellerons « version fermée » :

Quelques applications

Les applications du théorème de van Kampen sont innombrables.

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Egbert R. van Kampen, un peu plus agé

Des applications simples sont présentées immédiatement à la suite des énoncés des versions ouvertes et fermées du théorème :

  • dans cette vidéo, nous montrons que la version ouverte du théorème de van Kampen implique immédiatement que le groupe fondamental de la sphère de dimension $n\geq 2$ est trivial. Nous expliquons aussi comment cet énoncé conduit à une présentation du groupe fondamental de la surface fermée de genre 2 ;
  • ici, nous expliquons comment calculer le groupe fondamental du cercle, et — bien plus généralement — de tout graphe dénombrable à l’aide de la version fermée du théorème de van Kampen.

Des applications plus sophistiquées sont présentées dans des articles séparés.

Nous nous intéressons tout d’abord aux groupes fondamentaux des CW-complexes, de manière générale. Nous montrons que le groupe fondamental d’un CW-complexe coïncide avec celui de son 2-squelette, et expliquons comment calculer ce dernier. Réciproquement, nous construisons un CW-complexe de groupe fondamental (de présentation finie) prescrit. En s’inspirant de cette construction, on peut démontrer un résultat assez impressionnant concernant les variétés de dimension 4 : tout groupe de présentation finie est le groupe fondamental d’une variété fermées de dimension 4.

Dans la droite ligne des mémoires de Poincaré, nous accordons ensuite une attention particulière aux variétés de dimension 3.

La version fermée du théorème de van Kampen fournit (presque immédiatement) une présentation du groupe fondamental de toute variété obtenue par suspension. Dans un cours filmé, nous étudions plus particulièrement des exemples de telle variétés en dimension 3, en particulier les espaces lenticulaires.

La version ouverte du théorème de van Kampen permet quant à elle de trouver une présentation du groupe fondamental d’une 3-variété à partir d’un scindement de Heegaard. Cela joue notamment un rôle crucial dans la construction de sphères d’homologie.

Notons que ces applications ne sont pas les seuls endroits où nous utiliserons le théorème de van Kampen. Nous l’appliquerons par exemple dans cet article pour calculer le groupe fondamental d’une 3-variété obtenue par recollement des faces opposées d’un cube, ou à la fin de cet article pour calculer le groupe fondamental d’une surface algébrique complexe.

Signalons pour finir un exemple qui doit servir de garde-fou. Comme tout énoncé mathématique, le théorème de van Kampen repose sur des hypothèse précises. Pour souligner l’importance de celles-ci, nous terminons cette rubrique par la description d’un exemple « pathologique » (et néanmoins classique), pour lequel le théorème de van Kampen ne s’applique pas :

Nos lecteurs intéressés par l’évolution de la compréhension de ce théorème pourront consulter l’article :


[1Egbert R. van Kampen. On the connection between the fundamental groups of some related spaces. American Journal of Mathematics, Vol. 55, No. 1/4 (1933), pp. 261-267.

[2K. Brauner. Zur geometrie der Funktionen zweier komplexen Variablen, IV. Hamburger Abhandlungen, Vol. 6 (1928), pp. 34-55.

[3W. Burau. Kennzeichnung der Schlauchknoten, Hamnburger Abhandlungen,Vol. 9 (1932). pp. 125-133

[4En référence à l’article : H. Seifert. Konstruktion dreidimensionaler geschlossener Räume, Ber. Sächs. Akad. Wiss. 83 (1931), 26-66.