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Le théorème de van Kampen, version ouverte

Nous présentons ici l’énoncé le plus classique - et le plus simple - du théorème de van Kampen. Cet énoncé concerne en effet un espace qui s’écrit comme union de deux ouverts connexes par arcs dont l’intersection est elle-même connexe par arcs. C’est pourquoi on parlera de "version ouverte" du théorème.

On considère un espace qui est décomposé en deux morceaux connexes d’intersection connexe. Le théorème est constitué de deux affirmations. La première dit que les lacets qui vivent dans chacun des morceaux suffisent à reconstruire tous les lacets de l’espace. La seconde décrit précisément les redondances, et affirme qu’elles proviennent toutes des lacets qui vivent dans l’intersection des deux morceaux. Voici l’énoncé formel :

Théorème de van Kampen, version ouverte

Soit $X=U_1\cup U_2$ un espace topologique décrit comme réunion de deux ouverts connexes par arcs $U_1$ et $U_2$, dont l’intersection $U_1\cap U_2$ est elle-même (non vide et) connexe par arcs. Soit $z$ un point de l’intersection $U_1\cap U_2$.
Alors :

  1. l’homomorphisme naturel ${\pi_1(U_1,z)}*{\pi_1(U_2,z)}\overset{\varphi}{\to} \pi_1(X,z)$ est surjectif ;
  2. le noyau de cet homomorphisme $\varphi$ est le sous-groupe $N$ normalement engendré [1] par les éléments $g_1*g_2^{-1}$ du produit libre, où $g_1$ et $g_2$ sont les représentants respectifs dans $\pi_1(U_1,z)$ et $\pi_1(U_2,z)$ d’un même lacet de $U_1\cap U_2$.

En d’autres termes,

$$\pi_1(X,z)=\frac{ \pi_1(U_1,z)*\pi_1(U_2,z) } {N}.$$

Quelques explications

  1. Chaque inclusion $U_i\hookrightarrow X$ induit un homomorphisme de groupes $\pi_1(U_i,z)\to \pi_1(X,z)$. Tout lacet de $U_i$ fournit un lacet de $X$, et une homotopie dans $U_i$ fournit a fortiori une homotopie dans $X$. Ainsi les lacets à homotopie près dans $U_i$ fournissent des lacets à homotopie près dans $X$. On a bien un homomorphisme naturel $\varphi$ du produit libre des groupes fondamentaux des pièces dans celui de $X$. La première affirmation du théorème est que cet homorphisme est surjectif, c’est-à-dire que tout lacet de $X$ peut se décomposer, à homotopie près, comme un produit de lacets alternativement dans $U_1$ et dans $U_2$.
  1. Les inclusions $U_1\cap U_2\hookrightarrow U_i$ induisent des homomorphismes de groupes $\varphi_i: \pi_1(U_1\cap U_2,z)\to \pi_1(U_i,z)$. Un lacet $g$ dans l’intersection $U_1\cap U_2$ peut être considéré tantôt comme un lacet $g_1$ dans $U_1$, tantôt comme un lacet $g_2$ dans $U_2$. Les lacets $g_1$ et $g_2$ sont deux incarnations d’un même être. Ces redondances nous fournissent une "famille des relations évidentes" : pour tout lacet $g$, on a $g_1\sim g_2$ dans le groupe fondamental de $X$. La seconde affirmation du théorème est que ces relations évidentes sont les seules (ou plutôt engendrent toutes les autres).

En d’autres termes, notons $N$ le plus petit sous-groupe normal engendré par les éléments $h_1 * h_2^{-1}$ du produit libre $\pi_1(U_1,z)*\pi_1(U_2,z)$, où $h_1$ et $h_2$ sont les images d’un même lacet $h$ de $U_1\cap U_2$ respectivement dans $U_1$ et $U_2$ :

$$N:=\langle \langle \ \varphi_1(h)\varphi_2(h)^{-1}\ \vert \ h\in \pi_1(U_1\cap U_2,z)\ \rangle \rangle .$$

Alors $N$ est évidemment contenu dans le noyau de l’homomorphisme $\varphi$. Cet homomorphisme transite donc par le quotient, et définit un homomorphisme

$$\frac{ \pi_1(X_1,z)*\pi_1(U_2,z) } {N} \overset{\psi}{\longrightarrow} \pi_1(X,z).$$

Le point ii du théorème affirme que $\psi$ est injectif, c’est-à-dire que $\ker(\varphi)=N$, ou encore que

$$\pi_1(X,z)=\frac{ \pi_1(U_1,z)*\pi_1(U_2,z) } {N}.$$

Nous allons utiliser de petits films pour expliquer la preuve de ce résultats. Le premier film présente l’énoncé du théorème de van Kampen ainsi que deux applications : le calcul du groupe fondamental de la sphère $n\geq 2$, et le calcul de groupe fondamental de la « bouée à deux places ».

Un deuxième film, réalisé en images de synthèse, présente une preuve de la première assertion du théorème de van Kampen : les lacets des ouverts $U_1$ et $U_2$ engendrent le groupe fondamental de l’espace $X$.

Enfin, un troisième film, ci-dessous, présente une preuve de la seconde assertion du théorème de van Kampen : pour déduire le groupe fondamental de l’espace $X$ du produit libre des groupes fondamentaux des ouverts $U_1$ et $U_2$, « les relations évidentes suffisent ».

Le principe de la preuve est la suivante. On considère un mot $h$ du produit libre $G:={\pi_1(U_1,z)}*{\pi_1(U_2,z)}$. On suppose que son image dans le $\pi_1(X)$ est triviale. Une homotopie $P$ en témoigne. On va alors transformer peu à peu le mot $h$ jusqu’à aboutir à l’élément trivial du produit libre, en s’aidant de l’homotopie $P$ comme guide, et en n’utilisant que des relations élémentaires (ou des homotopies à l’intérieur des pièces, dans ${\pi_1(U_1,z)}$ ou ${\pi_1(U_2,z)}$).

Cela conclut la démonstration de la « version ouverte » du théorème de van Kampen.


[1Par définition, le sous-groupe normalement engendré par des éléments est le plus petit sous-groupe normal contenant ces éléments.