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Cet article présente une seconde version du théorème de van Kampen. Cette nouvelle mouture permet de calculer une présentation du groupe fondamental d’un espace obtenu comme quotient d’un espace plus simple. Nous expliquerons comment calculer, à l’aide de ce résultat, le groupe fondamental du cercle, ou même d’un graphe dénombrable quelconque.
L’énoncé du théorème
Les données. On part des objets suivants :
- un espace topologique connexe par arcs $\bar{X}$ ;
- deux fermés connexes par arcs $K_1$ et $K_2$ de $\bar{X}$ ;
- un homéomorphisme $f:K_2\overset{\sim}{\to} K_1$ entre ces deux fermés.
On veut décrire le groupe fondamental de l’espace quotient $X$ obtenu en identifiant les points de $K_2$ à ceux de $K_1$ via $f$ :
$$ X:=\bar{X}/(x\sim f(x), \ x\in K_2).$$
On note $P:\bar{X}\to X$ l’application quotient. On se donne un point $z_2\in K_2$, son image $z_1:=f(z_2)\in K_1$ par l’homéomorphisme $f$, et leur image commune $z:=P(z_1)=P(z_2)\in X$ dans l’espace quotient. Ce seront nos points base.
Pour se prémunir contre certaines pathologies, on s’octroie une zone de garde autour de chacun des deux fermés $K_1,K_2$. Plus précisément, on requiert l’existence :
- deux ouverts $U_1$ et $U_2$ de $X$, connexes par arcs, contenant respectivement $K_1$ et $K_2$, disjoints l’un de l’autre ;
- deux rétractions par déformation forte [1] $R_{1}:U_1\to K_1$ et $R_{2}:U_2\to K_2$.
Des éléments évidents du groupe fondamental de $X$. Certains éléments du groupe fondamental de $X$ sautent aux yeux.
- On observe tout d’abord tout d’abord qu’un lacet dans $\bar{X}$ se projette sur un lacet dans $X$. On dispose donc déjà d’un homomorphisme naturel
$$P_*:\pi_1(\bar{X},z_1)\to \pi_1(X,z)$$
induit par l’application quotient.
- Donnons maintenant un chemin $\bar{\gamma}:[0,1]\to \bar{X}$ joignant $z_1$ à $z_2$. Sa projection $\gamma:=P(\bar{\gamma})$ est un lacet de $X$, basé en $z$. Cela nous fournit un homomorphisme naturel entre le groupe cyclique infini $\mathbb{Z}$ engendré disons par une lettre $t$ et le sous-groupe engendré par (la classe homotopie de) $\gamma$
$$\left(\begin{array}{ccc}\langle t \rangle & \to & \pi_1(X,z) \\ t & \mapsto & [\gamma]\end{array}\right)$$
Tout ceci nous fournit un homomorphisme naturel
$$\varphi:\pi_1(\bar{X},z_1) * \langle t \rangle \to \pi_1(X,z).$$
Des relations « évidentes ». Prenons un lacet $h_2$ de $K_2$, basé en $z_2$. Son image $h_1=f(h_2)$ est un lacet dans $K_1$ basé en $z_1$.
- On peut concaténer le chemin $\bar{\gamma}$ (qui va de $z_1$ à $z_2$), puis le lacet $h_2$, puis le chemin $\bar{\gamma}^{-1}$ (qui va de $z_2$ à $z_1$). Cela fournit un lacet $\bar{\gamma}.h_2.\bar{\gamma}^{-1}$ de $\pi_1(\bar{X},z_1)$, et donc un élément $\varphi(\bar{\gamma}.h_2.\bar{\gamma}^{-1})$ de $\pi_1(X,z)$.
- La concaténation $\bar{\gamma} . h_1 . {\bar{\gamma}}^{-1}$ n’a pas de sens (le chemin $\bar{\gamma}$ arrive en $z_2$, tandis que le lacet $h_1$ part de $z_1$). En revanche, le produit $t.h_1.t^{-1}$ définit bien un élément du produit libre $\pi_1(\bar{X},z_1) * \langle t \rangle$ et son image $\varphi(t) \varphi(h_1) \varphi(t^{-1})$ définit un élément du groupe fondamental $\pi_1(X,z)$, qui correspond manifestement au même élément que $\varphi(\bar{\gamma}.h_2.\bar{\gamma}^{-1})$.
On a donc une relation évidente
$$\varphi(\bar{\gamma}.h_2.\bar{\gamma}^{-1})\sim \varphi(t) \varphi(h_1) \varphi(t^{-1}).$$
L’énoncé (enfin !). Le théorème de van Kampen affirme que les « éléments évidents » suffisent à engendrer le groupe fondamental de $X$, et que les « relations évidentes » suffisent à engendrer toutes les relations dans ce groupe. Formellement :
- L’homomorphisme naturel ${\pi_1(\bar{X},z_1)}*\langle t \rangle \overset{\varphi}{\to} \pi_1(X,z)$ est surjectif.
- Le noyau de $\varphi$ est le sous-groupe $N$ normalement engendré [2] par les éléments
$$t\, \underbrace{(i\circ f)_{*}(h_2)}_{\in \pi_1(\bar{X},z_1)} \, t^{-1} \, (\bar{\gamma}.h_2.\bar{\gamma}^{-1})^{-1}$$
pour tous les $h_2\in \pi_1(K_2,z_2)$, où
$(i\circ f)_{*}$ est l’application induite en homotopie par les applications $K_2 \overset{f}{\to} K_1 \overset{i}{\hookrightarrow} \bar{X}$.
En d’autres termes, le groupe fondamental $\pi_1(X,z)$ est le quotient du produit libre ${\pi_1(\bar{X},z_1)}*\langle t \rangle$ par les relations qu’on a envie d’écrire en abrégé :
$$t \, h_2 \, t^{-1} =(\bar{\gamma}.h_2.\bar{\gamma}^{-1}), \ \ \ h_2\in \pi_1(K_2,z_2).$$
L’énoncé ci-dessus est parfois qualifié de « version HNN » du théorème de van Kampen. Il décrit en effet le groupe fondamental de l’espace $X$ comme une HNN-extension du groupe fondamental de $\bar X$.
Deux applications
Avant d’expliquer comment on peut démontrer l’énoncé ci-dessus, nous allons en donner deux applications.
Le groupe fondamental du cercle est isomorphe à $\mathbb{Z}$.
Démonstration. Le cercle est obtenu (à homéomorphisme près) en identifiant les deux extrémités du segment $[0,1]$. Pour calculer son groupe fondamental, on peut donc appliquer la version fermée du théorème de van Kampen à l’espace $\bar X=[0,1]$, aux fermés $K_1=\{0\}$ et $K_2=\{1\}$, à l’unique homéomorphisme de $K_1$ dans $K_2$, et à l’unique (à reparamétrisation près) arc joignant $0$ à $1$ dans $\bar X$. Comme le groupe fondamental de $\bar{X}$, $K_1$ et $K_2$ sont évidemment triviaux, on obtient
$$\pi_1(X,z_1)\simeq \mathbb{1} * \langle t \rangle \simeq \mathbb{Z}.$$
C.Q.F.D.
Soit $\mathcal{G}$ un graphe connexe dénombrable [3]. Son groupe fondamental est isomorphe à un groupe libre. Le rang de ce groupe libre est égal au nombre $r\in\mathbb{N}\cup\{+\infty\}$ d’arêtes contenues dans le complémentaire d’un arbre couvrant [4] de $\mathcal{G}$.
Ce corollaire implique au passage que le nombre $r$ d’arrêtes dans le complémentaire d’un arbre couvrant d’un graphe dénombrable $\mathcal{G}$ ne dépend pas du choix de cet arbre couvrant.
Démonstration. On part d’un arbre couvrant $\mathcal{T}$. On dispose de la collection (finie ou infinie) des arêtes $\{A_1, A_2, \cdots\}$ de $\mathcal{G}\setminus \mathcal{T}$. On attache toutes ces arêtes à $\mathcal{T}$, mais par une seule de leurs extrémités. Le graphe $\mathcal{G}_0$ ainsi obtenu est encore un arbre, il est donc contractile et de groupe fondamental trivial.
Partant de $\mathcal{G}_0$, on construit par récurrence une suite (finie ou infinie selon que ) de graphes $\mathcal{G}_0,\mathcal{G}_1,\mathcal{G}_2,...$, qui possèdent de plus en plus de cycles. Cette suite est finie ou infinie ; plus précisément, elle possède $r+1$ termes, où $r$ est le nombre d’arrêtes dans $\mathcal{G}\setminus \mathcal{T}$. Le graphe $\mathcal{G}_{n+1}$ est obtenu à partir de $\mathcal{G}_n$ en identifiant l’autre extrémité l’arête $A_n$ avec le sommet de l’arbre $\mathcal{T}$ convenable.
On peut alors relier le groupe fondamental de $\mathcal{G}_{n+1}$ à celui de $\mathcal{G}_n$ en appliquant la version fermée du théorème de van Kampen . A chaque fois, on recolle simplement un point avec un autre. Autrement dit, les fermés $K_1$ et $K_2$ de l’énoncé du théorème sont ici réduits à un point ; en particulier, leur groupe fondamentaux sont triviaux. Par suite, le sous-groupe normal $N$ qui apparait à chaque application du théorème de van Kampen est trivial et par conséquent que le groupe fondamental de $\mathcal{G}_{n+1}$ est le produit libre du groupe fondamental de $\mathcal{G}_{n}$ avec un groupe libre monogène :
$$\pi_1(\mathcal{G}_{n+1})=\pi_1(\mathcal{G}_n)* \langle t_{n+1} \rangle.$$
Puisque le groupe fondamtenal de $\mathcal{G}_0$ est trivial, on en déduit que le groupe fondamental de $\mathcal{G}_{n}$ est un groupe libre de rang $n$ pour tout $n$.
Pour conclure dans le cas où $r$ est fini, il suffit de remarquer que l’on a alors $\mathcal{G}_r=\mathcal{G}$.
Dans le cas où $r$ est infini, on observe que tout lacet de $\mathcal{G}$ peut être vu dans on note $\mathcal{G}_n$ pour $n$ assez grand, de même que toute homotopie de lacet dans $\mathcal{G}$ peut être vue dans on note $\mathcal{G}_n$ pour $n$ assez grand. Il en résulte que le groupe fondamental de $\mathcal{G}$ est la limite inductive des groupes fondamentaux des $\mathcal{G}_n$ ; c’est donc un groupe libre de rang infini dénombrable.
C.Q.F.D.
Indications pour la preuve du théorème
La démonstration de la version fermée du théorème de van Kampen fait l’objet de la vidéo suivante.
Elle repose sur des arguments assez semblables à ceux pour la version ouverte. Dans cette dernière, l’espace $X$ donné a priori comme réunion de deux ouverts connexes par arcs $U$ et $V$. Pour démontrer la version fermée, nous allons également utiliser un recouvrement de l’espace $X$ par deux ouverts connexes par arcs $U$ et $V$ : le premier ouvert sera la réunion des projections des ouverts de garde $U_1$ et $U_2$ ; le second sera le complémentaire de la projection commune des fermés $K_1$ et $K_2$.
Pour démontrer la première assertion du théorème, on commence par prouver que tout lacet de $X$ est homotope à un produits de lacets de $U$ et de $V$, puis on insère des « allers-retours » $\gamma\gamma^{-1}$ pour obtenir un produit de lacets qui sont, soit des projections de lacets dans $\bar X$, soit des copies des lacets $\gamma$ et $\gamma^{-1}$. Nous détaillons ce processus dans le bloc déroulant ci-dessous.
On veut montrer que le morphisme ${\pi_1(\bar{X},z_1)}*\langle t \rangle \overset{\varphi}{\to} \pi_1(X,z)$ est surjectif. Pour ce faire, on considère un lacet $h:[0,1]\to X$ basé en $z$, et on essaie de déformer $h$ en un produit de lacets qui sont soit des images par $\varphi$ de lacets de $\bar X$, soit des puissances du lacet $\gamma=\varphi(t)$.
On rappelle que $X$ est le quotient de $\bar X$ par une relation d’équivalence qui identifie les fermés $K_1$ et $K_2$. On note $K:=P(K_1)=P(K_2)$ la projection commune de ces fermés. On rappelle également que l’on a supposé l’existence d’« ouverts de garde » $U_1$ et $U_2$, et on remarque que $P(U_1)\cap P(U_2)=K$.
On considère le recouvrement ouvert de $X=U\cup V$ donné par $U:=P(U_1)\cup P(U_2)$ et $V:=X\setminus K$. Le compact $[0,1]$ est recouvert par un nombre fini d’intervalles dont les images par $h$ sont entièrement contenues dans l’un des deux ouverts $U$ ou $V$. On décompose alors $h$ selon ces intervalles en chemins
$$h=\sigma_1 *\tau_1 *\sigma_2*\tau_2*\cdots \sigma_n*\tau_n$$
où $\sigma_i\subset U$ et $\tau_i\subset V$.
On observe que $P$ est injective en restriction à $\bar{X}\setminus K_1$ et à $\bar{X}\setminus K_2$, donc en particulier, en restriction à $U_1$ et $U_2$. Chaque $\tau_i$ se relève dans $\bar{X}\setminus (K_1\cup K_2)$ en un chemin $\bar{\tau}_i$ qui commence dans un $U_{\alpha(i)}$ et termine dans un $U_{\beta(i)}$, où $\alpha(i)$ et $\beta(i)$ sont parfaitement déterminés. Quitte à choisir un chemin dans joignant le point $z_{\alpha(i)}$ à l’extrémité initiale de $\tau_i$ dans $P(U_{\alpha(i)})$ et un chemin joignant l’extrémité finale de $\tau_i$ à $z_\beta(i)$ dans $P(U_{\beta(i)})$, on peut déformer $h$ en un produit de lacets
$$h\sim \sigma_1' *\tau_1' *\sigma_2'*\tau_2'*\cdots \sigma_n'*\tau_n'.$$
Les $\tau_i'$ se relèvent maintenant en des chemins $\bar{\tau}_i'$ dans $\bar{X}$ qui commencent en $z_{\alpha(i)}$ et terminent en $z_{\beta(i)}$.
— Si $\alpha(i)=\beta(i)=1$, alors $\bar{\tau}_i'\in \pi_1(\bar{X},z_1)$, et $\tau_i'$ est donc dans l’image de $\pi_1(\bar{X},z_1)$ par le morphisme $\varphi$.
— Si $\alpha(i)=1$ et $\beta(i)=2$ (et symétriquement si $\alpha(i)=2$ et $\beta(i)=1$), alors on insère après $\bar{\tau}_i'$ un aller-retour $\bar{\gamma}^{-1}\bar{\gamma}$. autrement dit, on écrit :
$$\bar{\tau}_i'\sim \underbrace{\bar{\tau}_i'\bar{\gamma}^{-1}}_{\textrm{lacet de } \pi_1(\bar{X},z_1)}\bar{\gamma}$$
ce qui permet de considérer ${\tau}_i'$ comme l’image, par le morphisme $\varphi$, du produit de $\bar{\tau}_i'\bar{\gamma}^{-1}\in \pi_1(\bar{X},z_1)$ avec $t$.
— Enfin, si $\alpha(i)=2$ et $\beta(i)=2$, alors on insère un aller-retour avant et après $\bar{\tau}_i'$. Autrrement dit, on écrit :
$$\bar{\tau}_i'\sim \bar{\gamma}^{-1}\underbrace{\bar{\gamma}\,\,\,\, \bar{\tau}_i'\,\,\,\, \bar{\gamma}^{-1}}_{\textrm{lacet de } \pi_1(\bar{X},z_1)}\bar{\gamma},$$
ce qui permet de voir ${\tau}_i'$ comme image par le morphisme $\varphi$ du produit de $t^{-1}$, puis $\bar{\gamma}\ \bar{\tau}_i'\ \bar{\gamma}^{-1}\in \pi_1(\bar{X},z_1)$, puis $t$.
Les $\sigma_i'$, quant à eux, sont des lacets dans $U$ basés en $z$. Par une déformation utilisant les rétractions $R_1$ et $R_2$ composées avec $P$, on peut déformer/ramener les $\sigma_i'$ dans $K$. Ils apparaissent alors comme images par $\varphi$ de lacets dans $K_1$ basés en $z_1$, i.e. comme images d’éléments de $\pi_1(\bar{X},z_1)$.
On a ainsi exprimé le lacet $h$ (à homotopie près) comme produit d’éléments dans l’image de $\varphi$. Le morphisme $\varphi$ est donc surjectif.
Pour démontrer la seconde assertion du théorème, on considère un lacet $w$ de $X$ qui est trivial dans $\pi_1(X,z)$ et une homotopie $H:[0,1]^2\to X$ qui témoigne de cette trivialité. Comme dans la preuve de la version ouverte, on va tirer en arrière par $H$ le recouvrement de $X$ par les ouverts $U$ et $V$, considérer un quadrillage de $[0,1]^2$ assez fin pour que l’image de chaque carré soit entièrement contenue dans $U$ ou dans $V$, et utiliser ce quadrillage pour « détricoter petit à petit l’homotopie $H$ ». Plus formellement, on va déformer $H$ pour montrer que $w$ est homotope à un élément du sous-groupe normal engendré par les « relations évidentes ». Nous donnons un peu plus de détails sur ce processus de « détricotage » dans le bloc déroulant ci-dessous.
On veut montrer que le noyau de l’homomorphisme $\varphi$ est normalement engendré par les relations évidentes.
Pour ce faire, on considère le recouvrement ouvert de $X$ par $U:=P(U_1)\cup P(U_2)$ et $V:=X\setminus K$ où $K=P(K_1)=P(K_2)$. Pour parler de manière plus imagée, on attribue des couleurs aux ouverts $U$ et $V$ ; disons que $U= P(U_1)\cup P(U_2)$ est rouge, tandis que $V=X\setminus K$ est bleu.
Le point clef est que $U\setminus K=U\cap V$ est formé de deux composantes connexes :
$$U_{+}=P(U_1)\setminus K, \ \ \ U_{-}=P(U_2)\setminus K.$$
Les éléments de $U_+$ et $U_-$ seront dits de signe $+$ et $-$ respectivement.
Démontrer la seconde assertion du théorème, c’est (se) convaincre que
- si on part d’un mot $m=g_1 t^{\epsilon_1} g_2 t^{\epsilon_2} g_3\cdots t^{\epsilon_{n}} g_{n+1}$ du produit libre [5]
- et si on suppose que le lacet $w=g_1 {\gamma}^{\epsilon_1} g_2 {\gamma}^{\epsilon_2} g_3\cdots {\gamma}^{\epsilon_{n}} g_{n+1}$ image de $m$ dans $X$ est trivial dans $\pi_1(X,z)$,
- alors $m$ s’écrit comme un produit de conjugués des relations évidentes.
Ce qu’on appelle détricoter l’homotopie, c’est modifier peu à peu l’expression de $m$ à l’aide d’homotopies dans $\bar{X}$ ou à l’aide de conjugaisons issues de relations évidentes du type :
$$h_2 =t^{-1} \, (\bar{\gamma}.h_2.\bar{\gamma}^{-1})\, t \ \ \ h_2\in \pi_1(K_2,z_2),$$
dans le but d’arriver, à la fin du « détricotage », à une homotopie triviale.
Une liberté que nous avons au début, est celle de choisir
- les lacets qui représentent chacun des $g_j$
- l’homotopie $H(s,t)$ qui témoigne que l’image de $m$, le produit $w=g_1 {\gamma}^{\epsilon_1} g_2 {\gamma}^{\epsilon_2} g_3\cdots {\gamma}^{\epsilon_{n}} g_{n+1}$ de ces lacets est trivial.
Pour détricoter, on considère l’’image inverse par $H$ du recouvrement ouvert par $U$ et $V$. C’est un recouvrement ouvert du carré $T\times S=[0,1]\times [0,1]$. Par le lemme de Lebesgue, on peut trouver un quadrillage parallèle aux bords de $T\times S$ où chaque carré élémentaire est envoyé entièrement dans l’un des ouverts. Chaque carré hérite donc d’une couleur [6]. Un côté qui sépare deux carrés de couleurs distinctes sera dit mauve [7]. Un tel côté est également équipé d’un signe $+$ ou $-$ selon que $H$ l’envoie dans la composante connexe $U_{+}=P(U_1)\setminus K$ ou $U_{-}=P(U_2)\setminus K$. Pour raison de connexité, chaque composante connexe de bord d’une zone rouge porte un signe bien défini. Puisque les bords gauche, haut et droite du domaine de $H$ sont envoyés sur le point base $z\in U$, ils héritent de la couleur rouge. Le bord inférieur $T_0:=[0,1]\times\{0\}$ est décomposé en un certain nombre d’intervalles monochromes.
Chaque zone monochrome va nous fournir une étape du « détricotage ».
Une zone de couleur bleue est envoyée dans $V$, sur lequel la projection $P$ est un homéomorphisme. Elle se relève dans $\bar{X}$, et nous « parle » donc d’homotopies dans $\bar{X}$. La restriction de $H$ au bord d’une zone simplement connexe de couleur bleue est un lacet trivial [8] dans $\pi_1(\bar{X})$.
Une zone rouge avec deux composantes connexes de bord (disons un anneau) sera traitée différemment selon que ses composantes de bord sont de même signe ou non.
Lorsque les composantes de bord sont de même signe, alors, à l’aide des retracts $R_1$ et $R_2$, on peut ramener cette zone dans $K$ et finalement la relever dans l’un des $K_i$ (où $i$ dépend du signe du bord de la zone). Cela nous fournit une homotopie dans $\pi_1(\bar{X})$.
Lorsque les composantes de bord sont de signe distincts, on ne peut pas relever. On a affaire à une déformation qui rentre dans l’un des $U_i$ (disons $U_1$) et ressort par l’autre ($U_2$). Cet anneau nous fournit une homotopie entre un lacet dans $U_1$ (qu’on peut imaginer rétracter dans $K_1$) avec un lacet dans $U_2$ (qu’on peut imaginer rétracter dans $K_2$). C’est là qu’on va devoir utiliser les relations élémentaires pour détricoter notre homotopie. Certes, ce sont des lieux qui bloquent le relèvement de l’homotopie dans $\bar{X}$, mais (modulo peut-être déformation de l’homotopie) les bords intérieur et extérieur de l’anneau sont conjugués l’un de l’autre à l’aide d’une conjugaison issue des relations évidentes. On peut donc détricoter localement cette situation.
[1] C’est-à-dire qu’on a une application continue $R_{i}:U_{i}\times [0,1] \to U_{i}$ tel que
- on part de l’identité : $R_{i}(u,0)=u$ pour tout $u\in U_{i}$ ;
- on arrive dans $K_{i}$ pour $t=1$, on a : $R_{i}(u,1)\in K_i$ pour tout $u\in U_i$ ;
- en restriction à $K_{i}$, l’application est constante $R_{i}(k,t)=k$ pour tout $k\in K_{i}$ et $t\in [0,1]$.
[2] Sous-groupe normalement engendré par : le plus petit sous-groupe normal contenant ces éléments.
[3] En fait, l’énoncé s’étend aux graphes non dénombrables.
[4] Un arbre couvrant de $\mathcal{G}$ est un sous-graphe de $\mathcal{G}$, connexe, sans cycle (c’est donc un arbre), contenant tous les sommets de $\mathcal{G}$.
[5] où les $g_i$ sont dans $\pi_{1}(\bar{X}, z_1)$, possiblement triviaux, et les $\epsilon_j=\pm1$
[6] Si on a le choix, eh bien, on fait un choix.
[7] Eh oui : rouge + bleu !
[8] On glisse sous le tapis les difficultés liées au point base.