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Les groupes de bordisme d’une variété $X$ sont définis en étudiant des applications continues entre variétés. Pour mener cette étude, on a souvent besoin de perturber les applications considérées pour éviter des phénomènes de dégénérescence. La théorie de la transversalité fournit un cadre pour formaliser les arguments de type « position générale ». Les résultats centraux de cette théorie sont le théorème de Sard et le théorème de transversalité de Thom. L’objectif n’est pas ici de décrire en détail la théorie de la transversalité mais de présenter les résultats qui seront utilisés dans cette rubrique [1].
Le théorème de Sard
Si $f : M\to N$ est une application de classe $\mathcal C^\infty$ alors, pour $y\in N$, $f^{-1}(\{y\})$ n’est pas toujours une sous-variété de $M$ mais c’est souvent le cas.
Ce résultat est un corollaire fondamental du théorème de Sard. Avant d’énoncer ce théorème, précisons quelques définitions. Soient $M$ et $N$ deux variétés et $f : M\to N$ une fonction de classe $\mathcal C^1$. On dit que $x\in M$ est un point régulier de $f$ si l’application linéaire $D_x f$ est surjective. Dans le cas contraire, on dit que $x$ est un point critique et $f(x)$ est une valeur critique de $f$. Les valeurs non critiques sont appelées valeurs régulières de $f$. Il est classique que l’image réciproque d’une valeur régulière $y$ est une sous-variété de $M$ de codimension la dimension de $N$ (si $f^{-1}(\{y\})$ est non vide). Par exemple si $M=\mathbb R^n$ et $N=\mathbb R$ alors $f^{-1}(y)$ est une hypersurface. Enfin, une partie de $\mathbb R^n$ est dite négligeable si, pour tout $\epsilon>0$ on peut la recouvrir par un ensemble dénombrable de cubes dont la somme des volumes est inférieure à $\epsilon$, cette notion étant invariante par difféomorphisme, on en déduit une définition d’ensemble négligeable sur une variété.
- [Arthur Sard->https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Sard]
Soit $f : M\to N$ une application $\mathcal C^\infty$ entre variétés. Alors l’ensemble des valeurs critiques de $f$ est négligeable dans $N$.
Le théorème de transversalité
Soit $f : M\to N$ une application $\mathcal C^\infty$ entre variétés, et $P$ une sous-variété de $N$. On dit que $f$ est transverse à $P$ si, pour tout point $x\in M$ tel que $f(x)\in P$, on a
$$Df_x(T_x M) + T_{f(x)} P = T_{f(x)} N.$$
Si on note $i$ l’injection de $P$ dans $N$, on peut reformuler cette condition de manièdre plus symétrique : elle équivaut en effet à demander que l’application linéaire
$$Df_x+Di_{f(x)}:T_x M\oplus T_{f(x)}P\to T_{f(x)} N$$
soit surjective. En appliquant le théorème d’inversion locale, on montre que, si $f$ est transverse à $P$, alors $f^{-1}(P)$ est une sous-variété de $M$. La codimension de cette sous-variété dans $M$ est égale à la codimension de $P$ dans $N$.
Rappelons qu’une partie d’un espace topologique est dite générique (ou résiduelle) si elle contient une intersection dénombrable d’ouverts denses. Le théorème de Baire garantit qu’une partie générique d’un espace métrique complet est dense. Il faut cependant garder à l’esprit que la généricité est une propriété beaucoup plus forte que la simple densité. En particulier, une intersection dénombrable de parties génériques reste générique.
Il existe plusieurs formes du théorème de transversalité. Voici la plus simple :
Soient $M$ et $N$ deux variétés (lisses) et $P$ une sous-variété de $N$. Alors les applications $f:M\to N$ qui sont transverses de $P$ forment une partie générique de l’espace des applications lisses de $M$ dans $N$.
Ce résultat admet une version dans laquelle $M$, $N$ et $P$ ont un bord. Le théorème ci-dessus, appliqué aux bons espaces (notamment dans les espaces de jets) admet de très nombreuses conséquences. En voici quelques unes qui nous seront utiles :
- Une application $\mathcal C^\infty$ générique de $S^1$ dans $\mathbb R^2$ est une immersion.
- Plus généralement, une application $\mathcal C^\infty$ générique d’une variété de dimension $n$ dans ${\bf R}^{2n}$ est une immersion.
- Une fonction générique est de Morse.
- Deux courbes génériques du plan s’intersectent transversalement (leurs tangentes sont différentes). Deux courbes génériques de l’espace ne s’intersectent pas.
[1] Pour une présentation plus complète de cette théorie, et des démonstrations des théorèmes de Sard et de Thom, on renvoie par exemple à
A. Kosinski, Differential Manifolds, Academic Press, 1993.
http://www.maths.ed.ac.uk/~aar/papers/kosinski.pdf
ou à
M. Demazure, Catastrophes et bifurcations, Ellipse, 1998.