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Dans cette article, nous décrivons un procédé appelé somme connexe, qui permet de construire des surfaces compliquées à partir de surfaces plus simples. En faisant la somme connexe de $g$ tores, on obtient une surface appelée surface de genre $g$.
Somme connexe de deux surfaces
Soit $\Sigma_1$ et $\Sigma_2$ deux surfaces connexes. Lorsqu’on découpe un petit disque de $\Sigma_1$ et qu’on le retire, on obtient une surface $\Sigma'_1$ dont le bord contient le cercle $c_1$ le long duquel on a découpé. Construisons de même une surface $\Sigma'_2$ en découpant un petit disque dans $\Sigma_2$ le long d’un cercle $c_2$.
La somme connexe des surfaces $\Sigma_1$ et $\Sigma_2$, notée $\Sigma_1 \sharp \Sigma_2$, est la surface obtenue à partir de $\Sigma'_1$ et $\Sigma'_2$ en recollant $c_1$ avec $c_2$.
On pourrait penser que la somme connexe de $\Sigma_1$ et $\Sigma_2$ dépend du choix des petits disques que nous avons retiré. En fait, deux choix différents donneront le même résultat à homéomorphisme près, et la somme connexe est donc une opération bien définie sur les surfaces.
Surface de genre $g$
On peut se convaincre que l’opération de somme connexe est associative et commutative, c’est-à-dire que, étant données trois surfaces connexes $\Sigma_1$, $\Sigma_2$ et $\Sigma_3$, on a
$$\Sigma_1 \sharp \Sigma_2 \simeq \Sigma_2 \sharp \Sigma_1$$
et
$$\left( \Sigma_1 \sharp \Sigma_2\right)\sharp \Sigma_3 \simeq \Sigma_1 \sharp \left( \Sigma_2 \sharp \Sigma_3\right)~,$$
où $\simeq$ signifie que les surfaces sont homéomorphes.
Pour tout $g\geq 1$, la surface de genre $g$ est la somme connexe de $g$ tores.
La surface de genre $g$ est une surface fermée orientable.
Une sphère avec $g$ anses.
On peut construire la surface de genre $g$ par une autre opération consistant à "ajouter des anses" à la sphère.
Soit $\Sigma$ une surface. On ajoute une anse à $\Sigma$ en découpant deux disques dans $\Sigma$, puis en collant les deux bords d’un cylindre le long des deux cercles créés par ces coupures.
Pour tout $g\geq 1$, la surface de genre $g$ est obtenue à partir de la sphère en ajoutant $g$ anses.
Voici deux représentations de la surface de genre $3$. Dans la première, on voit bien la structure de "chaîne de trois tores", tandis que la deuxième fait apparaître la structure de "sphère avec trois anses". En les regardant longtemps, on peut se convaincre que ces deux surfaces sont bien homéomorphes.
- Deux représentations de la surface de genre $3$.
Les opérations de somme connexe et d’ajout d’anse permettent donc de construire une infinité de surfaces fermées orientables. Mais sont elles vraiment toutes différentes ? Nous verrons dans la suite de l’introduction à l’Analysis Situs par les surfaces que c’est le cas : on dit que le genre est un invariant topologique. Nous démontrerons ensuite le théorème de classification des surfaces fermées, qui affirme que toute surface fermée orientable est homéomorphe à la sphère, au tore, ou à la surface de genre $g$ pour un certain $g \geq 2$.
Considérons par exemple la surface obtenue comme bord d’un épaississement de la réunion des arêtes d’un cube. Saurez-vous déterminer son genre ?
Qu’en est-il des surfaces non-orientables ?
On peut très bien réaliser l’opération de somme connexe avec des surfaces non-orientables. La vidéo suivante montre que la somme connexe de deux plans projectifs est une bouteille de Klein. Elle part d’une immersion du plan projectif appelée surface de Boy.
Si on fait la somme connexe d’un plan projectif et d’une bouteille de Klein on obtient une surface appelée surface de Dyck [1]. Si on itère la construction, on obtient des surfaces de plus en plus compliquées et on construit récursivement toutes les surfaces non-orientables. Le théorème de classification des surfaces affirme en effet que toute surface non-orientable est homéomorphe à la somme connexe de $g$ plans projectifs, pour un certain $g\geq 1$.
Remarquons pour finir que la notion de genre, initialement appliquée aux surfaces de Riemann, a une préhistoire dans l’étude des intégrales abéliennes et une histoire de généralisations a des espaces de dimensions supérieurs. Les personnes curieuses de découvrir certaines des métamorphoses de cette notion pourront consulter le livre What is the genus ? de l’un des membres de notre équipe [2].
[1] Baptisée ainsi en l’honneur du mathématicien allemand Walther von Dyck, qui fut élève de Felix Klein.