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Dans cet article, on introduit des outils importants pour étudier les surfaces algébriques complexes : les pinceaux et les fibrations de Lefschetz.
Vous pouvez commencer par regarder la video ci-desous, dont le contenu est formalisé dans le texte plus bas.
Fonctions méromorphes et pinceaux
Comme en théorie de Morse, les fonctions méromorphes sur les variétés complexes jouent un rôle important pour comprendre leur topologie. Il s’agit de fonctions à valeurs dans $\mathbb P^1(\mathbb C) = \mathbb C \cup \infty$ qui sont définies partout sauf éventuellement à l’extérieur d’un ensemble de codimension $2$, appelé l’ensemble d’indétermination. Elles s’expriment localement comme le quotient de deux fonctions holomorphes non identiquement nulles. Nous traitons dans ce bloc le cas des surfaces complexes lisses, mais la majorité des résultats s’étendent dans le cadre des variétés analytiques complexes en général. Plus formellement,
Étant donnée une surface complexe $X$, une fonction méromorphe sur $X$ est la donnée d’une fonction holomorphe $f : X \setminus I \rightarrow \mathbb P^1(\mathbb C)$ définie à l’extérieur d’un ensemble fini $I$, de sorte que pour tout point $p\in I$, il existe une paire $g, h $ de germes de fonctions holomorphes définies au voisinage de $p$ qui ne s’annulent simultanément qu’en $p$, et telles que $f = [g:h ]$. L’ensemble $I$ s’appelle l’ensemble d’indétermination de $f$.
On note en général $f : X \dashrightarrow \mathbb P^1(\mathbb C)$ une fonction méromorphe, les pointillés signifiant que la fonction $f$ n’est pas définie partout a priori, sans pour autant spécifier l’ensemble d’indétermination. Pourquoi ce concept un peu désagréable d’une fonction qui n’est pas définie partout ? Eh bien, c’est qu’en général, une surface complexe compacte, même algébrique, n’admet pas de fonction méromorphe sans point d’indétermination. C’est par exemple le cas pour la surface la plus simple possible : le plan projectif complexe, comme on le verra !
Par exemple, considérons la fonction sur le plan projectif complexe $\mathbb P^2(\mathbb C) $ privé du point $[0:0:1]$ définie par $[x_0 : x_1 : x_2] \mapsto [x_0 : x_1]$. Cette fonction prend toutes les valeurs de $\mathbb P^1 (\mathbb C)$ arbitrairement proche du point $[0:0:1]$, et ne peut donc s’étendre en ce point (même pas par continuité). Par contre, c’est bien une fonction méromorphe, car dans la carte affine $x_2\neq 0$ contenant le point $[0:0:1]$ elle s’exprime par $f(x_0, x_1) = x_0 / x_1$. De façon plus générale, on pourra définir des fonctions méromorphes sur une surface algébrique $ X \subset \mathbb P^N (\mathbb C)$ en considérant des fonctions du type $[P(z_0, \ldots, z_N) : Q(z_0, \ldots, z_N) ]$, où $P$ et $Q$ sont des polynômes homogènes non nuls de même degré. Pour que cette fonction définisse bien une fonction méromorphe sur $X$, il faut choisir les polynômes $P$ et $Q$ de façon à ce qu’ils ne s’annulent pas identiquement sur $X$. Ainsi, toute surface algébrique complexe admet une fonction méromorphe non constante. Par contre, certaines surfaces complexes compactes n’en admettent pas, comme par exemple certains tores complexes comme nous le verrons un peu plus loin.
Bien que les fonctions méromorphes ne soient pas définies partout, leurs niveaux sont des courbes analytiques (par forcément lisses) qui se prolongent analytiquement aux points d’indétermination de la fonction. En effet, si l’on considère une fonction méromorphe $f = [g:h ]$ sur une surface complexe $X$, et un point $[z_0 : z_1] \in \mathbb P^1(\mathbb C)$, alors la pré-image de ce point est définie par l’équation $z_1 g - z_0 h = 0 $ au voisinage d’un point d’indétermination $p \in I$ : il s’agit donc bien d’une courbe analytique de $X$. On en déduit par exemple qu’une fonction méromorphe sur le plan projectif complexe admet nécessairement des points d’indétermination. En effet, le théorème de Bezout, voir B-A-BA de topologie des variétés algébriques complexe, nous permet de déduire que deux niveaux de la fonction doivent nécessairement s’intersecter.
Exemples
L’exemple le plus simple de pinceau est celui formé par les droites passant par un point donné du plan projectif. Si le point est $[0:0:1]$ en coordonnées projectives, il s’agit des niveaux de la fonction méromorphe $[x_0: x_1]$ considérée plus haut.
L’exemple ci-dessus est très particulier car toutes les courbes du pinceau sont lisses. En général, certaines courbes pourront être singulières. C’est le cas du pinceau des coniques passant par quatre points du plan projectif complexe en position générale, que nous décrivons maintenant. Rappelons qu’une conique est l’ensemble des points $[z_0: z_1: z_2]$ du plan projectif vérifiant une équation du type
$$ \sum _{i, j} a_{i,j} z_i z_j = 0,$$
où $[a_{i,j}]_{i,j}$ est une matrice symétrique non nulle à coefficients complexes [1].
Prenons quatre points $p_1, p_2, p_3, p_4$ deux à deux distincts dans $\mathbb P^2 (\mathbb C)$ et supposons que trois d’entre eux ne sont pas alignés. Un exercice facile montre que, quitte à appliquer un automorphisme de $\text{PGL} (3,\mathbb C)$, on peut supposer que nos quatre points sont $[\pm 1 : \pm 1 : \pm 1]$. Alors une conique passant par ces quatre points sera définie par une équation de la forme
$$ a z_0 ^2 + b z_ 1 ^2 + c z_ 2 ^2 = 0 $$
où $a+b+c = 0$.
Observons qu’un point $[z_0 : z_1: z_2]$ appartient à une unique de ces coniques, s’il est distinct des $p_i$. En fait, on pourra prendre $a = z_2 ^2 - z_1 ^2 $, $b= z_0^2 - z_2^2$ et $c= z_1^2 - z_0^2$. On obtient donc un pinceau, défini par les niveaux de la fonction $[z_0 ^2 - z_2 ^2 : z_1 ^2 - z_2 ^2]$. On se rend compte qu’il possède trois courbes singulières, à savoir les coniques dégénérées (union de deux droites) définies par les équations $z_i^2 = z_j^2$ pour $i\neq j$. (sur la figure il y a deux points singuliers à l’infini)
Un autre très joli exemple est le pinceau de cubiques de Hesse auquel nous consacrons un article entier.
Intermède : les tores génériques n’admettent pas de pinceaux
Avant de continuer, montrons que certains tores complexes
$$X = \mathbb C^2 / \Lambda,$$
où $\Lambda = \oplus_{i= 1}^4 \mathbb Z e_i $ est un réseau de translations de $\mathbb C^2$, n’admettent aucun pinceau. En fait, certain tores complexes $X$ ne contiennent aucune courbe holomorphe compacte. C’est ce qui se passe si le réseau $\Lambda$ est choisi de façon générique. La démonstration est de nature essentiellement topologique, nous nous sommes dit que c’est un excellent endroit où elle doit figurer.
En effet, considérons des coordonnées affines $(z_1,z_2)$ de $\mathbb C^2$ de sorte que $e_1 = (1,0)$ et $e_2 = (0,1)$, et introduisons la forme volume holomorphe définie par $V= dz_1 \wedge d z_2$ sur le tore $X$, ainsi que sa classe de cohomologie $[V]$ dans $H^2 (X, \mathbb C)$. Par dualité, $[V]$ peut être vue comme une forme à valeurs complexe sur le $\mathbb Z$-module $H_2 (X, \mathbb Z)$, et pour un choix générique de $\Lambda$, cette dernière est injective. En effet, une $\mathbb Z$-base du groupe $ H_2 (X, \mathbb Z ) $ est formé par les produits extérieur $ e_i \wedge e_j$, avec $1\leq i < j \leq 4$, et en écrivant $e_i= (x_i, y_i)$ pour $i= 3,4$, on a les relations
$$ [V] \cdot [e_1\wedge e_2] = 1, \ [V] \cdot [e_1\wedge e_3] = y_3, \ [V] \cdot [e_1\wedge e_4] = y_4,$$
et
$$ [V] \cdot [e_2\wedge e_3] = -x_3, \ [V] \cdot [e_2\wedge e_4] = -x_4 , \ [V] \cdot [e_3\wedge e_4] = x_3 y_4 - y_3 x_4.$$
Or, tous ces nombres sont indépendants sur $\mathbb Q$ pour des choix génériques de $x_i, y_j$.
D’un autre coté, supposons que $X$ contienne une courbe holomorphe compacte $C$, et considérons sa classe d’homologie $[C] \in H_2(X,\mathbb Z)$. La forme $V$ s’annule sur $C$ car $C$ est une courbe holomorphe et $V$ une $2$-forme holomorphe. On a donc a fortiori $[V] \cdot [C] = 0$. Par ailleurs, la classe de $C$ est non nulle car
$$[i (dz_1 \wedge d\overline{z_1} + dz_2 \wedge d\overline{z_2} ) ] \cdot [C] = i \int _C dz_1 \wedge d\overline{z_1} + dz_2 \wedge d\overline{z_2} >0 .$$
Cette classe $[C]$ fournit donc une relation non triviale à coefficients dans $\mathbb Z$ entre les nombres $ [V] \cdot [e_i \wedge e_j]$, ce qui est impossible pour un choix générique de réseau $\Lambda$. Ainsi, pour un tel choix, le tore $X$ n’a aucune courbe holomorphe.
Pinceaux de Lefschetz
Un pinceau sur une surface complexe est dit de Lefschetz s’il peut être défini par une fonction méromorphe $f$ telle que
1- en tout point d’indétermination $p$ de $f$, il existe des coordonnées $(x_1, x_2)$ de $X$ centrées en $p$, telles que la fonction $f$ est définie par la formule
$$f = x_1/ x_2$$
à post-composition près par une homographie.
2- étant donné un point $q$ en dehors de l’ensemble d’indétermination, ou bien $f$ est une submersion en ce point, ou bien il existe des coordonnées $(x_1, x_2)$ centrées en $q$, telles que la fonction s’exprime par $f = x_1 ^2 + x_2 ^2 $ à post-composition près par une homographie.
3- une fibre singulière du pinceau ne possède qu’un point singulier.
Les pinceaux de Lefschetz ressemblent donc localement au pinceau des coniques passant par quatre points en position générale. En particulier, les courbes singulières d’un tel pinceau n’ont que des points doubles ordinaires comme singularités. Voici un critère simple qui permet d’assurer cette condition :
Soit $f: (\mathbb C^2, 0) \rightarrow (\mathbb C, 0)$ un germe de fonction analytique qui admet un point critique non dégénéré en $0$, c’est à dire que sa hessienne en $0$ est une forme quadratique de déterminant non nul. Alors il existe un système de coordonnées $(x_1,x_2)$ centrées tel que $f=x_1^2 + x_2^2$.
Le lecteur peut trouver une démonstration de ce fait dans Le lemme de Morse valable dans le domaine réel, mais qui se généralise aisément au domaine complexe. Nous proposons ici une démonstration alternative spécifique au cas complexe.
$$ f = x^2 + y^2 + \ldots$$
Pensons la courbe d’équation $f=0$ comme le graphe d’une fonction $x \mapsto y(x)$. La fonction $y \mapsto f (0,y)$ admet un zéro double en l’origine, donc pour tout $x$ proche de zéro, il existe deux racines $y_1(x)$, $y_2(x)$ de $y\mapsto f(x,y)$ qui sont proches de zéro (théorème de Rouché). Elles sont distinctes si $x\neq 0$ est suffisament proche de l’origine.
En effet, $y_1(x) = y_2(x)$ implique que $\frac{\partial f}{\partial y} (x,y_k(x)) = 0$. Or $\frac{\partial^2 f} {\partial y^2 }(0) = 2 $ ce qui montre que le lieu d’annulation de $\frac{\partial f}{\partial y}$ est une courbe lisse tangente à l’axe des abcisses en l’origine. Dans un certain voisinage de l’origine les fonctions $f$ et $\frac{\partial f}{\partial y}$ ne s’annulent simultanément qu’à l’origine.
Autrement dit, dans un certain bidisque autour de l’origine, la courbe $C = \{ f= 0\}$ est lisse sauf en l’origine, et la projection $(x,y) \mapsto x$ induit un revêtement double non ramifié de $C \setminus 0$ sur le disque épointé. Comme le groupe fondamental du disque épointé est cyclique infini, il n’existe que deux revêtements doubles du disque épointé : la copie disjointe de deux exemplaires du disque épointé, ou bien le revêtement double associé à la fonction $\sqrt{x}$. Ceci montre que les fonctions $y_i(x)$ sont des fonctions de l’une des variables : $x$ ou $\sqrt{x}$. Le premier cas est celui où elles sont univaluées, alors que le second est celui où elles sont échangées lorsque $x$ tourne autour de l’origine. On est en fait dans le premier cas.
Pourquoi ?
En effet, on peut déformer notre courbe algébrique $C$ en un famille de courbes algébriques $C_\varepsilon$, avec $\varepsilon \in [0,1]$ définies par les équations $f_\varepsilon = \frac{f(\varepsilon x, \varepsilon y) } {\varepsilon ^2}$. A priori ces équations sont définies seulement pour $\varepsilon$ non nul, mais on vérifie immédiatement que $f_\varepsilon$ converge uniformément dans un voisinage de l’origine vers la fonction $f_0 = x^2 + y^2$. Observons même que cette famille est analytique en $\varepsilon$. Il est clair que $C_\varepsilon$ est l’image de $C$ par la transformation $T_\varepsilon: (x,y) \mapsto (\frac{x}{\varepsilon}, \frac{y}{\varepsilon})$, donc toutes les courbes $C_\varepsilon$ ont la même monodromie. De plus, la monodromie de la limite est aussi celle des courbes $C_\varepsilon$ pour $\varepsilon>0$ suffisamment petit. Ceci conclut que la monodromie de $C$ est bien triviale.
Notre germe de courbe $C$ en l’origine est donc l’union de deux graphes de fonctions holomorphes $x\mapsto y_i(x)$, pour $i= 1,2$. Les courbes $C_\varepsilon$ sont donc les graphes des fonctions $y_i^\varepsilon (x) = \frac{y_i(\varepsilon x)}{\varepsilon}$. Lorsque $\varepsilon$ tend vers zéro, ces fonctions tendent uniformément vers la fonction affine $y_i^0 (x) = y_i '(0) x$, ce qui montre que (quitte à permuter) $y_1'(0) = i$ et $y_2 '(0) = -i$, et donc que les graphes des fonctions $y_i(x)$ sont transverses. La transformation $(X,Y)= (x, a(x) y + b(x))$ avec $a(x)= \frac{2ix}{y_1-y_2}$ et $b(x)= \frac{2ix(y_1+y_2)}{y_2-y_1}$ envoit $C$ sur l’union des deux droites $y = \pm i x$, et sa différentielle en l’identité est l’identité. On constate alors que l’on a $f = (X^2 + Y^2 ) g$, où $g(0,0)\neq 0$. La fonction $g$ admet alors une racine carrée au voisinage de l’origine, on peut donc poser $(x_1,x_2)= \sqrt{g} \cdot (X, Y)$.
C.Q.F.D.
Toute surface algébrique $X \subset \mathbb P^n(\mathbb C)$ admet un pinceau de Lefschetz.
Démsontration dans le cas lisse. Indiquons la démonstration du théorème dans le cas où $X$ est une hypersurface lisse de $\mathbb P^3 (\mathbb C)$. Considérons dans ce cas une droite $\Delta \subset \mathbb P^3 (\mathbb C)$, qui ne soit pas contenue dans $X$. Le pinceau des plans projectifs complexes de $\mathbb P^3(\mathbb C)$ contenant $\Delta$ définit par restriction un pinceau sur $X$. Nous allons montrer que pour un choix générique de $\Delta$, ce pinceau est de Lefschetz. Générique ici veut dire en dehors d’un ensemble algébrique strict de la variété $Y$ formée des droites de $\mathbb P^3 (\mathbb C)$, qui est une variété complexe de dimension $4$.
La condition (1) dans la définition d’un pinceau de Lefschetz s’exprime par le fait que $\Delta$ est transverse à $X$. Pour montrer que c’est le cas génériquement, remarquons que l’ensemble des droites $\Delta$ qui ne sont pas transverses à $X$ est l’image de l’application naturelle $\mathbb P (TX) \rightarrow Y$. Comme $\mathbb P (TX)$ est de dimension $3$, son image par cette application est une sous-variété algébrique de $Y$ de dimension inférieure à $3$, ce qui montre le résultat souhaité. [2]
Pour vérifier la condition (2), considérons l’application $ H : X \rightarrow \mathbb P^3 (\mathbb C) ^* $ qui à un point $p\in X$ associe l’hyperplan $H(p)= T_p X$, et montrons que les valeurs non critiques de $H$ sont exactement les hyperplans qui intersectent $X$ soit le long d’une courbe lisse soit le long d’une courbe avec des points doubles ordinaires. Au voisinage de tout point $p_0\in X$, on pourra trouver un ouvert affine $U$ et des coordonnées affines $(x_1,x_2,x_3)$ de $U$ centrées en $p_0$ telles que $X$ est localement définie au voisinage de $p_0$ par une équation du type $x_3= u(x_1,x_2)$ avec $u(0,0) = \frac{\partial u}{\partial x_1}(0,0)= \frac{\partial u}{\partial x_2}(0,0)=0$. Observons que dans ces coordonnées affines, tout hyperplan de $\mathbb P^3 (\mathbb C)$ suffisamment proche de $T_{p_0} X$ s’exprime par une équation du type $x_3 = a x_1 + bx_2 + c$ où $a,b,c$ sont des nombres complexes. Dans ces coordonnées, l’application $H$ s’écrit
$$H(x_1,x_2) = (a= \frac{\partial u}{\partial x_1}, b =\frac{\partial u}{\partial x_2} , c= u(x_1,x_2)).$$
En particulier, la différentielle de $H$ en un point $p_0$ est donnée par
$$ DH \big(\frac{\partial}{\partial x_i}\big) = \big(\frac{\partial^2 u}{\partial x_i \partial x_1}(0,0), \frac{\partial^2 u}{\partial x_i \partial x_2}(0,0), 0 \big) $$
et donc c’est une immersion ssi au voisinage de $p_0$
$$ \frac{\partial^2 u}{\partial x_1 ^2} \frac{\partial^2 u}{\partial x_2 ^2} -\big( \frac{\partial^2 u}{\partial x_1 \partial x_2}\big) ^2 \neq 0. $$
La section $H(p_0) \cap X$ est définie dans les coordonnées $(x_1,x_2)$ de $X$ par $u(x_1,x_2)= 0$. Le lemme de Morse holomorphe nous dit alors que $H(p_0) \cap X$ admet une singularité double ordinaire en $p_0$ ssi $H$ est une immersion en $p_0$. Nous avons donc bien montré que les valeurs non critiques de $H$ sont les plans qui intersectent $X$ sur une courbe lisse ou une courbe ayant comme singularités des points doubles ordinaires.
Par conséquent, on recherche une droite dans l’ensemble des hyperplans qui n’intersecte pas l’ensemble des valeurs critiques de $H$. Mais l’image des points critiques de $H$ est un ensemble analytique de dimension $1$. L’ensemble des droites de $\mathbb P^3(\mathbb C)$ qui sont contenues dans une valeurs critique de $H$ est donc une sous-variété de $Y$ de dimension inférieure à $3$. Comme $Y$ est de dimension $4$, une droite générique n’est contenue dans aucune valeur critique de $H$, et le pinceau sur $X$ associé à cette droite est donc de Lefschetz, à ceci près qu’il se pourrait a priori qu’une fibre singulière admette plusieurs singularités. Nous laissons au lecteur le soin de vérifier que pour un choix générique de droite ceci n’arrive pas [3].
C.Q.F.D.
Fibrations de Lefschetz
Une fibration de Lefschetz est un pinceau de Lefschetz dont l’ensemble de base est vide. Une telle fibration est donc définie par une application méromorphe qui n’a pas de point d’indétermination.
Attention : une fibration de Lefschetz dernière n’est pas une fibration au sens classique, puisque certaines de ses fibres sont des variétés singulières !
Partant d’un pinceau de Lefschetz $\{ F_z \}_{z \in \mathbb P^1(\mathbb C)}$, on peut toujours construire une fibration de Lefschetz par éclatement (voir Eclatements). Pour cela, introduisons l’ensemble $\hat{X} := \{ (x, z) \in X\times \mathbb P^1(\mathbb C) \ |\ x \in F_z \}$. Il s’agit d’une sous-variété lisse de $ X\times \mathbb P^1(\mathbb C)$ ; en effet, elle est définie par le graphe de $f$ en dehors de l’ensemble d’indétermination de cette dernière, et par l’équation $x_1 z_1 - x_2 z_0 = 0$ dans les coordonnées locales données par (1), avec comme plus haut la convention $z = [z_0:z_1]$. Introduisons alors l’application $pr_1 : \hat{X} \rightarrow X $. Les fibres au dessus des points bases sont des droites projectives complexes, alors qu’au dessus des autres points ce sont des points. Autrement dit, on a éclaté $X$ le long de l’ensemble de base du pinceau.
[1] La théorie des formes quadratiques sur les complexes nous dit que toutes les coniques sont les mêmes modulo le groupe $\text{PGL}(3,\mathbb C)$ agissant linéairement sur les coordonnées, sauf si elles sont singulières ce qui arrive lorsque le déterminant $|a_{i,j} |$ s’annule. Dans ce cas, une conique est l’union de deux droites, qui peuvent être éventuellement confondues.
[2] Ceci exige la connaissance de la théorie de l’élimination, qui permet de montrer que l’image d’une sous-variété algébrique par un morphisme algébrique est contenue dans une sous-variété algébrique de dimension inférieure.
[3] Le lecteur intéressé par le cas général pourra lire les chapitres 13 et 14 du livre "Théorie de Hodge et géométrie algébrique complexe, Cours spécialisé" de Claire Voisin.