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Le but de cet article est de montrer que de nombreuses sphères de Brieskorn sont des sphères d’homologie entière.
Soient $p$, $q$ et $r$ trois entiers supérieurs à $2$. On dénote par $\Sigma(p,q,r)$ la sphère de Brieskorn de paramètres $p$, $q$ et $r$, c’est-à-dire l’intersection dan $\mathbb{C}^3$ de la sphère $\mathbb{S}^5$ avec la surface complexe d’équation
$$z_1^p + z_2^q+z_3^r~.$$
Nous prouvons ici le résultat suivant :
$$\mathrm{H}_1\left(\Sigma(p,q,r), \mathbb{Z}\right) = 0$$
dès que $p$, $q$ et $r$ sont deux à deux premiers entre eux.
La preuve de Brieskorn [1] consiste à calculer la cohomologie du complémentaire de $\Sigma(p,q,r)$ dans $\mathbb{S}^5$ et à en déduire l’homologie de $\Sigma(p,q,r)$ grâce à la dualité d’Alexander. La cohomologie de $\mathbb{S}^5\backslash \Sigma(p,q,r)$ s’obtient en utilisant le fait que cette variété fibre au dessus du cercle (c’est un cas particulier de la fibration de Milnor).
Nous proposons ici une preuve plus "élémentaire".
Démonstration du théorème de Brieskorn. On suppose dorénavant que $p$, $q$ et $r$ sont deux à deux premiers entre eux.
Rappelons que le groupe $\mathbb{U}^1$ des nombres complexes de module $1$ agit sur $\Sigma(p,q,r)$ par
$$w\cdot (z_1,z_2,z_3) = (w^{qr}z_1, w^{pr}z_2, w^{pq} z_3)~,$$
munissant la sphère de Brieskorn d’une structure de fibré de Seifert.
Comme expliqué ici, ce fibré de Seifert possède trois fibres singulières qui sont les intersections de $\Sigma(p,q,r)$ avec les plans d’équation $z_1=0$, $z_2=0$ et $z_3=0$. En enlevant un voisinage saturé de chaque fibre singulière, on obtient un fibré en cercle au dessus d’une surface $S$ homéomorphe à une sphère privée de trois disques. Comme $S$ se rétracte sur un bouquet de cercles, ce fibré en cercles est trivial.
Notons $a_1$, $a_2$ et $a_3$ les composantes de bord de $S$. Il découle de ce que nous venons de dire que $\Sigma(p,q,r)$ est obtenue à partir de $S\times \mathbb{S}^1$ en recollant trois tores solides $T_1$, $T_2$ et $T_3$ le long de $a_1\times \mathbb{S}^1$, $a_2 \times \mathbb{S}^1$ et $a_3 \times \mathbb{S}^1$. La suite exacte de Mayer-Vietoris nous permet alors de prouver que $H_1(\Sigma(p,q,r), \mathbb{Z})$ est engendré par $[a_1], [a_2], [a_3]$ et $[t]$, où $[t]$ désigne la classe d’homologie d’une fibre régulière.
Considérons
$$P_1 = \{(z_1,z_2, z_3)\in \Sigma(p,q,r) \mid z_1 \in \mathbb{R}^+\}~.$$
En dehors de la fibre singulière $l_1$ d’équation $z_1= 0$, $P_1$ est une surface lisse transverse aux fibres de la fibration de Seifert. Comme l’application
$$(z_1,z_2,z_3) \mapsto z_1$$
restreinte à $\Sigma(p,q,r)$ est une submersion au voisinage de $l_1$, on a
$$\partial P_1 = l_1~.$$
La fibre singulière $l_1$ forme ainsi le bord d’une surface et sa classe d’homologie est donc triviale. Or, $[l_1]$ engendre l’homologie du tore solide $T_1$ qui contient $a_1$ et $t$. Par conséquent, $a_1$ et $t$ sont également triviaux en homologie.
On montre de la même façon que $a_2$ et $a_3$ sont triviaux en homologie. Comme $[a_1]$, $[a_2]$, $[a_3]$ et $[t]$ engendrent $H_1(\Sigma(p,q,r),\mathbb{Z})$, on obtient donc
$$H_1(\Sigma(p,q,r),\mathbb{Z}) = 0~.$$
C.Q.F.D.
Comme $\Sigma(p,q,r)$ est orientable on a par ailleurs $H_0(\Sigma(p,q,r),\mathbb{Z}) \simeq H_3(\Sigma(p,q,r),\mathbb{Z})\simeq \mathbb{Z}$, et la dualité de Poincaré implique que $H_2(\Sigma(p,q,r),\mathbb{Z})$ est également nul. La sphère de Brieskorn $\Sigma(p,q,r)$ est donc bien une sphère d’homologie entière. Nous prouvons ici que la sphère de Brieskorn $\Sigma(2,3,5)$ n’est autre que la variété dodécaédrique de Poincaré.
[1] BRIESKORN, Egbert. Beispiele zur differentialtopologie von singularitäten. Inventiones mathematicae, 1966, vol. 2, no 1, p. 1-14.