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Fibrés en cercles.
Soit $M$ une variété différentiable de dimension $3$ et $S$ une variété différentiable de dimension $2$.
Une fibration en cercles \[\pi : M \to S \] est une submersion surjective qui est localement isomorphe à la projection de $\mathbb{S}^1 \times \mathbb{R}^2$ sur $\mathbb{R}^2$.
Un fibré en cercle au dessus d’une surface $S$ est une variété $M$ de dimension $3$ munie d’une fibration en cercle $\pi: M \to S$.
D’après un théorème d’Ehresmann, une submersion surjective $\pi: M \to S$ est une fibration dès que ses fibres sont compactes. En particulier, si $M$ et $S$ sont compactes, toute submersion de $M$ sur $S$ fournit une structure de fibré en cercles.
Soit $(M,\pi)$ un fibré en cercles au dessus d’une surface $S$. Quitte à passer à un revêtement d’ordre $2$, on peut supposer que les fibres de $M$ sont orientables, c’est-à-dire qu’il existe un champ de vecteur $X$ globalement défini sur $M$, qui ne s’annule jamais, et qui est tangent aux fibres. Les fibres sont alors les orbites du champ de vecteur $X$. Dans toute la suite on considérera uniquement des fibrés en cercles orientables.
Quitte à renormaliser le champ de vecteur $X$, on peut supposer que son flot est $2\pi$-périodique.
Notons $\Phi_t$ le flot du champ de vecteur $X$. Puisque les orbites de $\Phi_t$ sont périodiques, posons
$$ T(x) = \mathrm{inf} \{t >0 \mid \Phi_t(x) = x \}~. $$
Comme la fibration $\pi$ est, par définition, localement triviale, la fonction $T$ est continue. On peut alors remplacer $X$ par le champ de vecteur
$$ Y = \frac{T}{2\pi} X $$
dont le flot $\Psi_t$ vérifie
$$ \Psi_{t+2\pi} = \Psi_t~. $$
Le flot de $X$ induit alors une action libre du groupe $\mathbb{U}^1$ des nombre complexes de module $1$ sur $M$, dont les orbites sont exactement les fibres de $\pi$.
A priori, l’action de $\mathbb{U}^1$ dépend du choix du champ de vecteur $X$. Cependant, on peut montrer que si deux actions de $\mathbb{U}^1$ sur $M$ ont les mêmes orbites et la même orientation, alors elles sont conjuguées par un homéomorphisme.
Réciproquement, si $M$ est munie d’une action libre de $\mathbb{U}^1$, alors le quotient de $M$ par cette action est une surface $S$, et la projection de $M$ sur $S$ est une fibration en cercles.
On peut donc voir tout fibré en cercles orientable comme une variété de dimension $3$ munie d’une action libre de $\mathbb{U}^1$.
Nous donnons ici des exemples de fibrés en cercles et nous expliquons là comment les classifier à partir de leur groupe fondamental.
Fibrés de Seifert
Si l’action de $\mathbb{U}^1$ sur $M$ n’est plus supposée libre, on obtient un fibré de Seifert.
Un fibré de Seifert est une variété $M$ de dimension $3$ munie d’une action fidèle de $\mathbb{U}^1$ telle que le stabilisateur de tout point est fini.
Une variété de Seifert est une variété compacte qui possède une structure de fibré de Seifert.
Cette définition n’est pas la plus générale et correspond plutôt à celle de fibré de Seifert orientable. Nous nous contenterons ici de ce cas.
Structure locale
On suppose dorénavant la variété $M$ connexe. On peut alors montrer que ensemble des points dont le stabilisateur sous l’action de $\mathbb{U}^1$ n’est pas trivial forme un ensemble discret d’orbites. Ces orbites sont appelées singulières. Les autres orbites sont appelées régulières.
Soit $x$ un point dont le stabilisateur est trivial. Alors l’orbite $\mathbb{U}^1 \cdot x$ admet un voisinage tubulaire invariant par $\mathbb{U}^1$ et sur lequel l’action est conjuguée à l’action de $\mathbb{U}^1$ sur $\mathbb{U}^1 \times \mathbb{D}$ définie par
$$e^{i\theta} \cdot (w,z) = (e^{i\theta} w, z)~.$$
Autrement dit, le feuilletage des orbites est localement trivial au voisinage d’une fibre régulière.
Soit maintenant $x$ un point dont le stabilisateur est d’ordre $p \geq 2$. Alors l’orbite $\mathbb{U}^1 \cdot x$ admet un voisinage tubulaire invariant par $\mathbb{U}^1$ et sur lequel l’action est conjuguée à l’action de $\mathbb{U}^1$ sur $\mathbb{U}^1 \times \mathbb{D}$ définie par
$$e^{i\theta} \cdot (w,z) = (e^{ip \theta} w, e^{iq \theta}z)~,$$
où $q$ est un entier premier avec $p$. Notons $r_{p,q}$ cette action.
Les actions $r_{p,q}$ et $r_{p',q'}$ sont conjuguées si et seulement si
$$p=p'$$
et
$$q \equiv q' \mod p~.$$
La structure locale de l’action de $\mathbb{U}^1$ au voisinage d’une orbite singulière est donc caractérisée par un couple $(p,q)$, où $p$ est un entier supérieur à $2$ et $q$ un élément de $\mathbb{Z}/p\mathbb{Z}$ premier avec $p$. On parle de fibre de type (p,q).
- Voisinage tubulaire d’une fibre singulière (en rouge) de type $(5,2)$. Les fibres régulières (en bleu et violet) font 5 fois le tour de la fibre singulière et s’enlacent deux fois avec elle.
Fibration au dessus d’un orbifold
Soit $M$ un fibré de Seifert. On peut toujours voir $M$ comme un "fibré en cercles" au dessus de l’espace des orbites
$$S = \mathbb{U}^1 \backslash M~,$$
qui est un espace topologique séparé puisque $\mathbb{U}^1$ est compact.
Comme l’action de $\mathbb{U}^1$ sur $M$ n’est pas nécessairement libre, l’espace $S$ ne possède pas a priori de structure de variété différentielle. Nous allons voir cependant que $S$ possède une structure de variété topologique, et plus précisément une structure d’orbifold.
Un orbifold $S$ (de dimension 2) est un espace topologique muni
d’un sous-ensemble discret de points marqués $X$,
d’une structure différentiable sur $S\backslash X$ et
pour chaque $x\in X$, d’un voisinage $U_x$ de $x$, d’un entier $p_x$ et d’un homéomorphisme
$$\phi_x: U_x \to \mathbb{D}/(z \sim e^{\frac{2i\pi}{p}} z)$$
dont la restriction à $U_x \backslash \{x\}$ est un difféomorphisme local.
Un point $x \in X$ est appelé une singularité conique d’angle $\frac{2\pi}{p_x}$. Les points de $S \backslash X$ sont appelés des points réguliers.
D’après la caractérisation locale de l’action de $\mathbb{U}^1$ sur $M$, il est clair que l’espace des orbites $S$ possède une structure naturelle d’orbifold telle que
les orbites régulières se projettent sur des points réguliers de $S$,
une orbite singulière de type $(p,q)$ se projette sur une singularité conique d’angle $\frac{2\pi}{p}$.
On a donc montré qu’en un certain sens, un fibré de Seifert est un fibré en cercles au dessus d’un orbifold.
On décrit ici plusieurs exemples de fibrés de Seifert.
Un théorème d’Epstein
Les fibres d’un fibré de Seifert forment un feuilletage de dimension 1 dont toutes les feuilles sont des cercles. Qu’en est-il de la réciproque ? Un célèbre théorème d’Epstein [1] affirme qu’elle est vraie en dimension 3.
Soit $M$ une variété compacte de dimension 3 munie d’une feuilletage de dimension 1 orientable dont toutes les feuilles sont des cercles. Alors les feuilles de ce feuilletage sont les fibre d’une fibration de Seifert sur $M$.
Bien qu’il puisse sembler intuitif, c’est un théorème difficile. Il est d’ailleurs faux en dimension supérieure, ou lorsque la variété $M$ n’est plus supposée compacte.
[1] D. B. A. Epstein, Periodic flows on three-manifolds, Annals of Mathematics,1972, 66-82.