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Nous présentons sur cette page nos commentaires sur une section des Œuvres Originales de Poincaré : le paragraphe que nous commentons est accessible par ici.

Commentaires sur le §17 de l’Analysis Situs (Cas où $p$ est impair)

Dans ce paragraphe, Poincaré prouve que la caractéristique d’Euler d’une variété de dimension impaire est nulle. Il fera remarquer au paragraphe suivant qu’on peut aussi déduire ce résultat de la formule d’Euler-Poincaré (qu’il ne nommera bien sûr pas ainsi) et de la dualité de Poincaré (idem).

Si l’on admet que la caractéristique d’Euler ne dépend pas du choix d’une décomposition polyédrale, on peut en fait donner une preuve simple de cette annulation en considérant le « polyèdre dual » de la décomposition polyédrale de départ, notion que Poincaré introduira dans le premier complément.

Preuve par passage au polyèdre dual.

Soit $V$ une variété compacte sans bord de dimension $p$ impaire. Soit $P$ une décomposition polyédrale de $V$. Alors il existe une autre décomposition polyédrale $P'$ de $V$, appelée polyèdre dual, telle que les $k$-faces de $P'$ sont en bijection avec les $p-k$-faces de $P$.

Notons $\alpha_k$ le nombre de $k$-faces de $P$. En calculant la caractéristique d’Euler de $V$ à l’aide de $P$, on obtient

$$\chi(V) = \sum_{k=0}^p (-1)^k \alpha_k.$$

En la calculant à partir de $P'$, on trouve
$\begin{eqnarray*} \chi(V)& = & \sum_{k=0}^p (-1)^k \alpha_{p-k} \\ &= &\sum_{k=0}^p (-1)^{p-k} \alpha_k \\ &= &- \sum_{k=0}^p (-1)^k \alpha_k \\ & = & - \chi(V). \end{eqnarray*}$
Pour écrire l’avant-dernière égalité on utilise le fait que $p$ est impair.

On en déduit bien que $\chi(V) = 0$.

La preuve que Poincaré donne ici est plus compliquée mais repose sur la même idée. Elle consiste à sommer de deux façons différentes les entiers $\left( (-1)^{\lambda + \mu +1} \beta_{\lambda,\mu}\right)_{p \geq \lambda >\mu \geq 0}$, où $\beta_{\lambda,\mu}$ est défini comme le nombre de paires $(\nu_{\lambda}, \nu_{\mu})$ où $\nu_{\lambda}$ est une face de dimension $\lambda$ et $\nu_{\mu}$ une face de dimension $\mu$ de la décomposition polyédrale $P$ considérée, telles que $\nu_{\mu}$ soit contenue dans $\nu_{\lambda}$.

Notons $\alpha_k$ le nombre de $k$-faces de $P$. La somme des termes de la ligne $\lambda$ calcule la somme des caractéristiques d’Euler du bord de chaque cellule de dimension $\lambda$. Comme ce bord est une sphère de dimension $\lambda-1$, Poincaré obtient :

$$ \sum_{\mu = 0}^{\lambda-1} (-1)^{\lambda + \mu +1} \beta_{\lambda, \mu} = 2 \alpha_\lambda \textrm{ si } \lambda \textrm{ est impair et } 0 \textrm{ sinon.} $$

(Rappelons que Poincaré a calculé la caractéristique d’Euler des sphères dans le paragraphe précédent.)

Pour calculer la somme des termes d’une colonne, Poincaré utilise le fait que le link d’une face de dimension $k$ est une sphère de dimension $p-1-k$, ce qui revient en fait à appliquer la relation précédente au polyèdre dual. Il obtient donc

$$\sum_{\lambda = \mu+1}^p (-1)^{\lambda + \mu +1} \beta_{\lambda, \mu} = 2 \alpha_\lambda \textrm{ si } p-\lambda \textrm{ est impair et } 0 \textrm{ sinon.}$$

On en déduit aisément l’annulation de la caractéristique d’Euler en dimension impaire.

Il est intéressant de noter qu’à ce stade, Poincaré n’a probablement pas encore eu l’idée d’introduire le polyèdre dual, sans quoi il aurait vraisemblablement simplifié sa preuve.