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Nous présentons sur cette page nos commentaires sur une section des Œuvres Originales de Poincaré : le paragraphe que nous commentons est accessible par ici.

Commentaires sur le §18 de l’Analysis Situs (Deuxième démonstration)

Dans ce paragraphe, Poincaré prouve la formule d’Euler—Poincaré :

Théorème (formule d’Euler-Poincaré)

Soit $V$ est une variété de dimension $p$. On note $N$ la caractéristique d’Euler de n’importe quelle décomposition polyédrale de $V$ et $P_k$ le $k$-ième "nombre de Betti" de $V$. Alors

$$N = P_{p-1} - P_{p-2} + \ldots +P_2 -P_1$$

si $p$ est impair et

$$N = 3 - P_1 + P_2 -\ldots +P_{p-1}$$

si $p$ est pair.

Notons que cette formulation diffère de la formulation moderne à cause des conventions de Poincaré :

  • Le nombre $P_k$ est égal à $\mathrm{dim}\left( H_k(V,\mathbb{Q}) \right) +1$, afin de coïncider avec les nombres définis par Betti en dimension $2$.
  • Le nombre $N$ est l’opposé de la caractéristique d’Euler de $V$ lorsque $p$ est impair.
  • La formule d’inclut pas les nombres de Betti en degré $0$ et $p$.

Poincaré se contente en fait de prouver le résultat en dimensions $2$ et $3$ (en attribuant le cas de la dimension 2 à de Jonquières.) Sa preuve ébauche la définition de l’homologie cellulaire. Lorsque celle-ci sera bien définie (cf. Premier complément), la formule d’Euler—Poincaré ne sera qu’une simple application du théorème du rang.

En fait, la preuve de Poincaré peut être vue comme une ébauche d’une théorie de cohomologie cellulaire. En effet, il raisonne sur une fonction qui attribue une valeur réelle à chaque sommet (il y pense probablement comme à un potentiel, même s’il ne mentionne aucune analogie physique), en regardant les différences $\delta$ (de potentiel ?) prises le long de chaque arête. Il se demande comment tirer des relations $\epsilon$ entre ces différences $\delta$ à partir de la structure combinatoire de la décomposition polyédrale choisie, puis des relations entre relations lorsqu’il travaille en dimension $3$. Bref, en termes modernes, il part du groupe des cochaînes cellulaires dual de celui des chaînes de dimension $0$, et il considère son application de cobord vers le groupe des cochaînes dual de celui des chaînes de dimension $1$ ...

En termes anachroniques, la principale difficulté de sa preuve est de montrer que les nombres de Betti donnés par la cohomologie cellulaire et ceux qu’il a définis dans l’Analysis Situs sont les mêmes. Pour ce faire, Poincaré esquisse une preuve du théorème d’approximation cellulaire. Plus précisément, il s’agit de prouver que toute sous-variété de dimension $k$ est homologue à une somme de $k$-cellules.

Toutes ces questions seront abordées plus en détail dans le Premier complément. Poincaré avait-il déjà le premier complément en tête alors qu’il terminait l’Analysis Situs ?