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Formule d’Euler-Poincaré

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Homer Simpson réfléchissant à la formule d’Euler-Poincaré

La formule d’Euler affirme que, pour un polyèdre convexe, la quantité $S-A+F$, où $S$ est le nombre de sommets, $A$ le nombre d’arêtes et $F$ le nombre de faces, est toujours égale à 2.
La question de savoir si cette formule reste valable ou non pour un polyèdre quelconque fait couler beaucoup d’encre au 19ème siècle et participe au développement de la topologie [1]. On voit en effet surgir de nombreux contre-exemples à la formule d’Euler [2] avant de réaliser que celle-ci s’applique à tous les polyèdres simplement connexes et que si le polyèdre est de genre $g$, la formule doit s’écrire

$$S-A+F=2-2g.$$

Dans la courte note Sur la généralisation d’un théorème d’Euler relatif aux polyèdres, Poincaré étend ce résultat à un polyèdre fini de dimension quelconque. Nous allons énoncer et démontrer cette généralisation qui permet de définir, pour tout polyèdre $X$, un entier $\chi(X)$ vérifiant les propriétés exigées dans notre théorème-définition de la caractéristique d’Euler-Poincaré.

Formule d’Euler-Poincaré

Soit $K$ un complexe fini de dimension $d$ et $X=|K|$ le polyèdre correspondant. On note $c_i = c_i(K)$ le rang du complexe de chaînes $C_i (K)$, c’est-à-dire le nombre de $i$-cellules dans $K$, et $b_i = b_i (X)$ les nombres de Betti de $X$. On a alors :

Théorème (Formule d’Euler-Poincaré)

$$\sum_{i=0}^d (-1)^i c_i = \sum_{i=0}^d (-1)^i b_i .$$

Le nombre

$$\chi (K) = \sum_{i=0}^d (-1)^i c_i$$

est appelé caractéristique d’Euler du complexe $K$. Il est donc égal au nombre

$$\chi (X) = \sum_{i=0}^d (-1)^i b_i$$

que nous appellerons caractéristique d’Euler-Poincaré du polyèdre $X$ [3].

Démonstration du théorème. La démonstration est purement algébrique [4]. On abrège par $C_i$, $Z_i$, $B_i$ et $H_i$ les $\mathbb{Z}$-modules $C_i (K)$, $Z_i (K)$, $B_i (K)$ et $H_i (K)$. On a alors des suites exactes de $\mathbb{Z}$-modules (de type fini)

$$0 \to Z_i \to C_i \stackrel{\partial}{\to} B_{i-1} \to 0 \ \mbox{ et } \ 0 \to B_i \to Z_i \to H_i \to 0.$$

On en conclut que

$$\mathrm{rang} \ C_i = \mathrm{rang} \ Z_i + \mathrm{rang} \ B_{i-1} \ \mbox{ et } \ \mathrm{rang} \ Z_i = \mathrm{rang} \ B_{i} + \mathrm{rang} \ H_i.$$

On a donc

$$\mathrm{rang} \ C_i = \mathrm{rang} \ H_i + \mathrm{rang} \ B_{i} + \mathrm{rang} \ B_{i-1}$$

et

$$\sum_i (-1)^i \mathrm{rang} \ C_i = \sum_i (-1)^i \mathrm{rang} \ H_i.$$

C.Q.F.D.


[1Le livre Preuves et réfutations d’Imre Lakatos utilise d’ailleurs cet épisode de l’histoire des mathématiques pour illustrer dans tous leurs aspects heuristiques, épistémologiques et philosophiques, les processus de découverte et d’invention en mathématiques. Ce faisant Lakatos rapproche les mathématiques des autres sciences.

[2Au point que, comme Lakatos, on aurait pu faire dire à un plagiaire (par anticipation) de Poincaré que


Jusqu’ici, quand on inventait un nouveau polyèdre, c’était en vue de quelque but pratique. Maintenant on les invente tout exprès pour mettre en défaut les raisonnements de nos pères, et on n’en tirera jamais que cela. notre sujet d’étude est transformé en un musée tératologique où polyèdres décents et ordinaires pourront être heureux de pouvoir se réserver un tout petit coin.

(Paraphrase de Poincaré débattant de la question des contre-exemples dans le cadre de la théorie des fonctions réelles.)

[3Noter que ce dernier fait sens pour un polyèdre (ou même un espace topologique) infini tant que les groupes d’homologie $H_i (X)$ sont de type fini et triviaux pour $i$ suffisamment grand.

[4et s’étend donc à toute autre théorie homologique