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Cette page présente la transcription d’une section des Œuvres Complètes de Poincaré. Vous pouvez retrouver nos commentaires par ici.

§V. Influence de la subdivision sur les nombres de Betti réduits

Nos commentaires sont ici.

Soit $\sum \alpha B(q,h,j,k)$ une combinaison des variétés $b_i^q$, qui représente une variété fermée à $q$ dimensions, de telle sorte que l’on ait, avec nos notations,

$$ \tag{1} \sum \alpha B(q,h,j,k) \equiv 0 \quad (h\geq q). $$

Parmi les variétés $b_i^q$ qui figurent dans le premier membre de (1), réunissons celles qui appartiennent à une même classe. Soit

$$ \lmoustache \alpha B(q,h,j,k) $$

l’ensemble de celles qui appartiennent à la classe $a_j^k$ ; le signe de sommation $\lmoustache $ signifie, donc, qu’on ne prend que les variétés d’une même classe, tandis que le signe $\sum$ signifie qu’on les prend toutes. On aura alors

$$ \tag{2} \lmoustache \alpha B(q,h,j,k) \equiv \sum \beta B(q-1,h',j',k') $$

c’est-à-dire que la variété à $q-1$ dimensions

$$ \sum \beta B(q-1,h',j',k'). $$

forme la frontière complète de la variété à $q$ dimensions

$$ \lmoustache \alpha B(q,h,j,k). $$

Les variétés $a_{j'}^{h'}$ doivent appartenir à la frontière de a $a_j^h$ ou se confondre avec $a_j^h$ ; en effet, $B(q-1,h',j',k')$ appartient à $a_{j'}^{h'}$ et, d’autre part, à l’une des $B(q,h,j,k)$ qui fait lui-même partie de $a_j^h$, si donc $a_{j'}^{h'}$ ne faisait pas partie de $a_j^h$, $B(q-1,h',j',k')$ ferait partie d’une variété $a_k^m$, partie commune à $a_j^h$ et $a_{j'}^{h'}$, et qui aurait moins de $h'$ dimensions. Cela est contraire à la définition que nous avons donnée des classes.

D’autre part, $a_{j'}^{h'}$, ne peut pas se confondre avec $a_j^h$.

Soit, en effet,

$$ \lmoustache_1 \alpha_1 B(q,h_1,j_1,k_1) = \sum \alpha B(q,h,j,k) - \lmoustache \alpha B(q,h,j,k) $$

l’ensemble des variétés qui figurent dans le premier membre de (1) et qui n’appartiennent pas à la classe $a_j^h$ ; on aura évidemment

$$ \lmoustache_1\alpha_1 B(q,h_1,j_1,k_1) \equiv - \sum \beta B(q-1,h',j',k'). $$

Donc $B(q-1,h',j',k')$ doit faire partie à la fois de $a_j^{h'}$ et de l’une des $B(q,h_1,j_1,k_1)$ et, par conséquent, de l’une des $a_{j_1}^{h_1}$ différentes de $a_j^h$. Si donc $a_{j'}^{h'}$ se confondait avec $a_j^h$,

$$ B(q-1,h',j',k')=B(q-1,h,j,k) $$

devrait appartenir à une variété $a_k^m$ partie commune à $a_j^h$ et $a_{j_1}^{h_1}$. De deux choses l’une : ou bien $a_j^h$ ne ferait, pas partie de $a_{j_1}^{h_1}$, et alors on aurait encore $m < h$, ce qui serait encore contraire à la définition des classes ; ou bien $a_j^h$ ferait partie de $a_{j_1}^{h_1}$, et alors on aurait $h_1 > h$. Supposons que j’ai choisi la classe $a_j^h$, qui correspond au plus grand nombre $h$. Alors on ne pourra pas avoir $h_1 > h$, et $a_{i'}^{h'}$ devra appartenir à la frontière de $a_j^h$.

La congruence (2) entraîne l’homologie

$$ \tag{3} \sum \beta B(q-1,h',j',k') \sim 0; $$

comme, d’autre part, $a_j^h$ est simplement connexe et que toutes les variétés $B(q-1,h',j',k')$ sont situées sur la frontière de $a_j^h$, le premier membre de , représentant une variété fermée à $q-1$ dimensions, située sur cette frontière, formera la frontière complète d’une variété à $q$ dimensions

$$ \sum \gamma B(q, h'',j'',k''), $$

également située sur la frontière de $a_j^h$. (Il y aurait exception si l’on avait $h=q$.) De sorte qu’on aura la congruence

$$ \tag{4} \sum \beta B(q-1,h',j',k') \equiv \sum \gamma B(q,h'',j'',k''). $$

D’ailleurs, comme $B(q,h'',j'',k'')$ est sur la frontière de $a_j^h$ il en sera de même de $a_{j''}^{h''}$ ; car si $B(q,h'',j'',k'')$ fait partie à la fois de $a_{j''}^{h''}$ et d’une variété $a_{j'_0}^{h''}$, faisant partie de la frontière de $a_{j'}^h$ ; ou bien $a_{j''}^{h''}$ ne fait pas partie de $a_{j'}^{h'}$, et alors $B$ devrait faire partie de $a_k^m$ où $m < h''$ et nous avons vu que cela était impossible.

On a donc

$$ h'' < h. $$

Les congruences (2) et (4) donnent

$$ \lmoustache \alpha B(q,h,j,k) \equiv \sum \gamma B(q,h'',j'',k''), $$

et, comme toutes les variétés qui figurent dans cette congruence font partie de $a_j^h$, ou de sa frontière, comme, d’autre part, $a_j^h$ est simplement connexe, on aura l’homologie

$$ \lmoustache \alpha B(q,h,j,k) \sim \sum \gamma B(q,h'',j'',k''). $$

On peut donc remplacer, dans le premier membre de (1), l’ensemble des termes $\lmoustache \alpha B(q, h,j,k)$ par l’ensemble des termes

$$ \sum \gamma B(q,h'',j'',k''). $$

Si l’on opère de même pour toutes les classes correspondantes à une même valeur de $h$, la plus grande de toutes, on aura remplacé le premier membre de (1) par

$$ \sum \alpha_2 B(q,h_2,j_2,k_2), $$

où la plus grande valeur de $h_2$ sera plus petite que la plus grande valeur de $h$. On aura, d’ailleurs, l’homologie

$$ \sum \alpha B(q,h,j,k) \sim \sum \alpha_2 B(q, h_2,j_2, k_2). $$

En continuant de la sorte, on pourra diminuer encore la plus grande valeur de $h$. On ne sera arrêté que quand on aura partout $h=q$.

On peut donc, finalement, remplacer le premier membre de (1) par

$$ \sum \alpha_0 B(q,q,j_0,k_0), $$

et l’on aura, d’ailleurs

$$ \tag{5} \sum \alpha B(q,h,j,k) \sim \alpha_0 B(q,q,j_0,k_0), $$

$$ \tag{6} \sum \alpha_0 B(q,q,j_0,k_0) \equiv 0. $$

Cela posé, dans le premier membre de (6) prenons les congruences qui appartiennent à une classe déterminée $a_{j_0}^h$ ; soit

$$ \lmoustache \alpha_0 B(q,q,j_0,k_0), $$

Nous aurons

$$ \tag{7} \lmoustache \alpha_0 B(q,q,j_0,k_0) \equiv \sum \beta_0 B(q-1,h'_0,j'_0,k'_0). $$

Nous verrions que, comme plus haut, que $a_{j_0}^{h'_0}$ doit faire partie de la frontière de $a_{j_0}^q$, d’où $h'_0

Soit alors

$$ \tag{8} a_{j_0}^q= \sum B(q,q,j_0,k_0) $$

l’équation (1,q,$j_0$), qui définit la subdivision de la variété $a_{j_0}^q$ et soient $B(q,q,j_0,1)$ et $B(q,q,j_0,2)$ deux variétés, figurant dans le second membre de (8) ; je dis qu’elles devront figurer dans le premier membre de (6) avec le même coefficient $\alpha_0$.

Supposons, d’abord, que ces deux variétés soient limitrophes ; parmi les variétés à $q-1$ dimensions qui leur serviront de frontière commune, il y eu aura, au moins, une qui n’appartiendra pas à la frontière de $a_{j_0}^q$, qui fera, par conséquent, partie de la classe $a_{j_0}^q$.

Soit $ B(q-1,q,j_0,1)$ cette variété : elle n’appartiendra pas à aucune autre des variétés $B(q,q,j_0,k)$.

Soit alors

$$ \tag{9} \begin{cases} B(q,q,j_0,1)\equiv \epsilon b_i^{q-1}\\ B(q,q,j_0,2)\equiv \epsilon b_i^{q-1}\\ B(q,q,j_0,k)\equiv \epsilon b_i^{q-1} (k>2) \end{cases} $$

les congruences (2, q, q,j_0,1), (2,q,q,j_0,2), (2,q,q ;j_0,k) qui nous font connaître les frontières des variétés $B(q,q,j_0)$. Voyons avec quel coefficient $\epsilon$ la variété $B(q-1,q,j_0,1)$ figurera dans ces congruences.

D’après ce que nous venons de voir, ce sera avec le coefficient $+1$ dans la première, avec le coefficient $-1$ dans la seconde, avec le coefficient zéro dans les autres.

Soient donc $\alpha_1$ et $\alpha_2$, les valeurs des coefficients $\alpha_0$, correspondantes aux deux variétés $B(q,q,j_0,1)$ et $B(q,q,j_0,2)$.

La combinaison des congruences (9) nous fournira une congruence

$$ \tag{10} \lmoustache \alpha_0 B(q,q,j_0,k_0)\equiv \epsilon b_i^{q-1}, $$

qui devra être identique à (7), et le coefficient $\epsilon$, avec lequel figurera $B(q-1,q,j_0,1)$ dans le second membre de (10), sera évidemment $\alpha_1-\alpha_0$. Mais $B(q-1,q,j_0,1)$ ne peut pas figurer dans le second membre de (7), puisque nous avons vu que dans ce second membre on doit avoir $\alpha_1-\alpha_2=0$.

Ainsi les deux variétés $B(q,q,j_0)$ et $B(q,q,j_0,2)$ devront avoir même coefficient $\alpha_0$ si elles sont limitrophes. Cela sera encore vrai, si elles ne le sont pas, parce que $a_{j_0}^q$ étant d’un seul tenant, on pourra passer d’une de ces variétés à l’autre par une suite d’autres variétés analogues, chacune d’elles étant limitrophe de celle qui la précède.

Donc le coefficient $\alpha_0$ est le même pour toutes nos variétés. D’où

$$ \lmoustache \alpha_0 B(q,q,j_0,k_0)= \alpha_0 \sum B(q,q, j_0,k_0) = \alpha_0 a_{j_0}^q. $$

La congruence (6) et l’homologie (5) peuvent donc s’écrire

$$ \tag{5 bis} \alpha B(q,h,j,k) \sim \sum \alpha_0 a_{j_0}^q $$

$$ \tag{6 bis} \sum \alpha_0 a_{j_0}^q \equiv 0. $$

Si un nombre quelconque de congruences de la forme (1) sont distinctes, c’est-à-dire si aucune combinaison linéaire de leurs premiers membres n’est pas homologue à zéro je dis que les congruences (6 bis) seront également distinctes et réciproquement.

En effet, la comparaison des relations (1), (5 bis) et (6 bis) montre que si l’on a

$$ \sum \alpha B(q,h,j,k) \sim 0, $$

on aura également

$$ \sum \alpha_0 a_{j_0}^q \sim 0, $$

et réciproquement.

Il résulte de là que si les $a_i^q$ et les $b_i^q$ sont simplement connexes, les nombres de Betti réduits sont les mêmes pour les deux polyèdres $V$ et $V'$.

Soit maintenant $W$ une variété quelconque, fermée, à $q$ dimensions, située sur $V$. On peut toujours construire un polyèdre $V$, dérivé de $V$, au sens de la page 271 de l’Analysis situs, et tel que $W$ soit une combinaison des $b_i^q$.

Nous devons donc conclure que : si les $a_i^q$ sont simplement connexes, les nombres de Betti réduits, relatifs au polyèdre $V$, sont identiques aux nombres de Betti proprement dits, définis de la seconde manière.