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Cette page présente la transcription d’une section des Œuvres Complètes de Poincaré. Vous pouvez retrouver nos commentaires par ici.

§2. Cycles à trois dimensions.

Je passe à la recherche des homologies et congruences entre ces variétés. Je commence par la remarque suivante :

Nous pouvons toujours supposer que nos congruences ne contiennent pas de variété de la catégorie $\alpha$.

Soit, en effet,

$$ \sum \alpha_i A + H \equiv 0$$

une congruence où les $\alpha_i A$ sont des variétés à $p$ dimensions de la catégorie $\alpha$ (correspondant à une variété $A$ du polyèdre $P$ ou $P'$), et $H$ une combinaison de variétés à $p$ dimensions des autres catégories.

Nous aurons alors, sur notre polyèdre $P$ ou $P'$, la congruence

$$ A \equiv \sum \epsilon a,$$

où les $\epsilon$ sont des entiers et les $a$ des variétés admettant une dimension de moins que $A$. On aura alors la congruence

$$ \alpha_i \beta_i A \equiv \alpha_i A - \beta_i A + \sum \epsilon \alpha_i \beta_i a,$$

d’où l’homologie

$$ \alpha_i A \sim \beta_i A - \sum \epsilon \alpha_i \beta_i a.$$

En combinant cette homologie avec la congruence

$$ \sum \alpha_i A + H \equiv 0,$$

nous trouvons la congruence

$$ \sum \beta_i A - \sum \sum \epsilon \alpha_i \beta_i a + H \equiv 0,$$

qui ne contient plus de variété de la catégorie $\alpha$.

C. Q. F. D.

Pour obtenir les homologies entre les cases, il suffit d’envisager celles qui se déduisent des hypercases.

Supposons que, sur le polyèdre $P$, on ait la congruence

$$ F_k \equiv \sum \epsilon_q B_q,$$

les $\epsilon$ étant égaux à $+1$, $-1$ ou $0$ ; on aura, pour le polyèdre à quatre dimensions, la congruence

$$ F_k \equiv \sum \epsilon_q B_q + \sum \alpha_i \beta_i F_k - \sum \alpha_i \beta_{i+1} F_k,$$

et, par conséquent, l’homologie

$$ \tag{1} \sum \epsilon_q B_q \sim \sum \alpha_i \beta_{i+1} F_k - \sum \alpha_i \beta_i F_k. $$

Nous rappellerons, d’ailleurs, que $\alpha_i \beta_i F_k$, de même que $\alpha_i \beta_{i+1} F_k$, peut être remplacé par la somme de plusieurs cases partielles $\alpha_i \beta_i F'$.

D’où une première conséquence ; soit $\sum \zeta_q B_q$ une combinaison quelconque de cases $B_q$, les $\zeta$ étant des entiers. Je suppose que, sur le polyèdre $P$, on ait, entre les arêtes $B_q$ correspondantes, l’homologie

$$ \sum \zeta_q B_q \sim 0,$$

c’est-à-dire que l’ensemble de ces arêtes (affectées chacune du coefficient $\zeta_q$) forme sur la surface $S$ un cycle fermé susceptible de se réduire à un point par déformation continue.

Alors on aura sur le polyèdre $P$ la congruence

$$ \sum \zeta_q B_q \equiv \sum \theta_q F_k,$$

les $\theta$ étant des entiers ; on aura alors sur le polyèdre à quatre dimensions, la congruence

$$ \sum \theta_k F_k \equiv \sum \zeta_q B_q + \sum \theta_k \alpha_i \beta_i F_k - \sum \theta_k \alpha_i \beta_{i+1} F_k,$$

d’où l’homologie

$$ \sum \zeta_q B_q \sim \sum \theta_k \alpha_i \beta_{i+1} F_k - \sum \theta_k \alpha_i \beta_i F_k.$$

Si donc une combinaison d’arêtes $B$ est homologue à zéro sur $P$, la combinaison correspondante de cases $B$ sera homologue à une combinaison de cases de la catégorie $\alpha \beta$.

Cherchons maintenant les congruences entre les cases.

Ces congruences sont de la forme

$$ \tag{2} \sum \zeta_q B_q + \sum \theta_k' \alpha_i \beta_i F'_k \equiv 0, $$

les $\zeta$ et les $\theta'$ étant des entiers. Je dis d’abord que l’on aura sur le polyèdre $P$

$$ \sum \zeta_q B_q \equiv 0,$$

c’est-à-dire que l’ensemble des arêtes (affectées des coefficients $\zeta$) devra former un ou plusieurs cycles sur la surface $S$.

Soit, en effet, sur $P$, la congruence

$$ B_q \equiv \sum \epsilon_h C_h.$$

Nous aurons sur notre polyèdre à quatre dimensions la congruence

$$ B_q \equiv \sum \epsilon_h C_h + H,$$

$H$ désignant une combinaison de faces n’appartenant pas à la catégorie 1. On aura, d’autre part,

$$ \alpha_i \beta_i F_k' \equiv H,$$

$H$ ayant toujours la même signification ; on en déduit

$$ \sum \zeta_q B_q + \sum \theta'_k \alpha_i \beta_i F'_k \equiv \sum \zeta_q \epsilon_h C_h + H, $$

$H$ ayant toujours la même signification.

Comme le second membre doit être identiquement nul, on devra avoir identiquement

$$ \sum \zeta_q \epsilon_h C_h = 0.$$

On aura donc sur le polyèdre $P$

$$\tag{3} \sum \zeta_q B_q \equiv \sum \zeta_q \epsilon_h C_h = 0. $$

C.Q. D. F.

On doit donc avoir, en vertu de (2)

$$ \tag{4} \sum \theta_k' \alpha_i \beta_i F'_k \equiv \sum \zeta_q \alpha_i \beta_{i+1} B_q - \sum \zeta_q \alpha_i \beta_i B_q. $$

Soit $S(M)$ ce que devient la surface de Riemann $S$ quand le point $y$ vient en $M$ sur la coupure $OA_i$. Soit $MF'_k$ la face $F'_k$ du polyèdre $P'$ correspondant à cette position du point $M$ ; soit $MP$ la limite vers laquelle tend le polyèdre $P$ quand le point $y$ se rapproche de $M$ du côté $\alpha_i \beta_i$ de la coupure. Soit $(MP)$ la limite vers laquelle tend ce même polyèdre quand le point $y$ tend vers $M$ du côté $\alpha_i \beta_{i+1}$ de la coupure. Soit $MB_q$ et $(MB_q)$ les arêtes $B_q$ des deux polyèdres $MP$ et $(MP)$.

Si alors nous reprenons la congruence (4) et que, dans chacune des variétés qui y figurent, nous conservions seulement les points qui appartiennent en même temps à $S(M)$, nous aurons une congruence nouvelle

$$ \tag{5} \sum \theta' MF'_k \equiv \sum \zeta_q (MB_q) - \sum \zeta_q MB_q. $$

Les expressions $\sum \zeta_q (MB_q)$ et $\sum \zeta_q MB_q$ représentent deux cycles tracés sur la surface $S(M)$ ; soient $\Omega_i'$ et $\Omega_i$ ces deux cycles. De la congruence (5) on pourra tirer l’homologie

$$ \tag{6} \Omega_i' - \Omega_i \sim 0, $$

qui doit avoir lieu sur la surface $S(M)$.

Supposons que $y$, partant du point $M$ du côté $\alpha_i \beta_i$ de la coupure, tourne autour du point singulier $A_i$ et revienne au point $M$ de l’autre côté de la coupure. Le cycle $\sum \zeta_q B_q$ se déformant d’une manière continue aura pour position initiale $\sum \zeta_q MB_q = \Omega_i$ et pour position finale $\sum \zeta_q (MB_q) = \Omega'_i$.

L’homologie exprime donc que $\Omega_i$ est homologue à son transformé $\Omega'_i$ (par la transformation que subissent les cycles de $S$ quand $y$ tourne autour du point singulier $A_i$). Le cycle $\sum \zeta_q B_q$ reste donc homologue à lui-même par suite de cette transformation, et aussi par suite des transformations analogues correspondant aux autres points singuliers. Les cycles qui jouissent de cette propriété pourront s’appeler cycles invariants. Nous reviendrons plus loin sur cette notion. Nous voyons qu’à toute congruence de la forme (2) correspond un cycle invariant. Je dis que, inversement, à tout cycle invariant correspond une congruence de la forme (2).

Soit, en effet, $\sum \zeta_q B_q$ un cycle invariant. On aura sur $S(M)$

$$ \tag{6} \sum \zeta_q (MB_q) \sim \sum \zeta_q MB_q$$

et, par conséquent, on pourra trouver des entiers $\theta'$ tels que

$$ \tag{5} \sum \theta'_k MF'_k \equiv \sum \zeta_q (MB_q) - \sum \zeta_q MB_q $$

On en déduit la congruence

$$ \sum \theta_k' \alpha_i \beta_i F_k' \equiv \sum \zeta_q \alpha_i \beta_{i+1} B_q - \sum \zeta_q \alpha_i \beta_i B_q + \sum \theta_k' \alpha_i F_k' - \sum \theta_k' \beta_i F_k'.$$

Le signe $\sum$ se rapporte ici à l’indice $k$, l’indice $i$ étant constant ; mais de là nous pouvons déduire

$$ \sum \zeta_q B_q + \sum \sum \theta'_k \alpha_i \beta_i F_k' \equiv \sum \sum \theta_k' \alpha_i F_k' - \sum \sum \theta_k' \beta_i F_k',$$

le double signe $\sum$ se rapportant alors aux deux indices $i$ et $k$, car on a évidemment

$$ \sum \zeta_q B_q \equiv \sum \sum \zeta_q \alpha_i \beta_i B_q - \sum \sum \zeta_q \alpha_i \beta_{i+1} B_q.$$

Il nous reste à démontrer que l’on doit avoir

$$ \sum \theta'_k \alpha_i F'_k = 0, \qquad \sum \sum \theta_k' \beta_i F_k' = 0.$$

Voyons d’abord ce qui concerne la première de ces égalités.

Reprenons la congruence (5) et faisons tendre le point $M$ vers $A_i$, à la limite $MF'_k$ se réduira à $\alpha_i F_k'$ et $\Omega_i$ se confondra avec $\Omega'_i$ et avec $\sum \zeta_q \alpha_i B_q$ ; la congruence (5) deviendra donc

$$ \tag{7} \sum \theta'_k \alpha_i F'_k \equiv 0. $$

Examinons la signification de cette congruence. Supposons d’abord que, pour $y = A_i$, la surface $S$ ne se décompose pas, c’est-à-dire que la courbe

$$ f(x, A_i, z) = 0$$

soit indécomposable. Alors la congruence ne peut avoir lieu que dans deux hypothèses : ou bien on a l’identité

$$ \sum \theta'_k \alpha_i F'_k = 0,$$

je veux dire que dans le premier membre ne pourront figurer (avec un coefficient $\theta'$ différent de zéro) que les faces $\alpha_i F'_k$ qui disparaissent par suite de la dégénérescence du polyèdre $P'_i$, ainsi que je l’ai expliqué plus haut ;

ou bien la combinaison $\sum \theta'_k \alpha_i F'_k$ représentera (une ou plusieurs fois) la surface de Riemann tout entière ; de sorte que

$$ \sum \theta'_k \alpha_i F'_k = nS.$$

Mais pour la surface $S$ correspondant au point $M$, nous pouvons écrire

$$ S = \sum MF'_k,$$

puisque l’ensemble des faces $F'_k$ du polyèdre $P'_i$ doit recouvrir la surface $S$ tout entière.

On a d’ailleurs

$$ \sum MP'_k \equiv 0.$$

Nous aurons donc la congruence

$$ \tag{5bis} \sum \left( \theta'_k - n\right) MF'_k \equiv \Omega'_i - \Omega_i $$

et, d’autre part, quand $M$ vient en $A_i$,

$$ \sum \alpha_i F'_k = S$$

et, par conséquent,

$$ \sum \left( \theta'_k - n \right) \alpha_i F'_k = 0.$$

La seconde hypothèse est ainsi ramenée à la première ; il suffit pour cela de changer $\theta'_k$ en $\theta'_k - n$, ce qui est permis puisque la congruence (5) se trouve ainsi remplacée par une congruence (5bis) de même forme.

Supposons maintenant que la courbe $F(x, A_i, z)$ se décompose et, par exemple, que la surface de Riemann correspondante se décompose en deux surfaces partielles $S_1$ et $S_2$.

Alors notre congruence (7) pourra avoir lieu pourvu que l’on ait

$$ \sum \theta'_k \alpha_i F'_k = n_1 S_1 + n_2 S_2,$$

$n_1$ et $n_2$ étant des entiers. C’est du moins ce que l’on pourrait craindre, mais on peut de plusieurs manières voir qu’il n’en sera pas ainsi.

Le plus simple est de raisonner comme il suit :

Partons de la surface de Riemann $S_0$ qui correspond au point $O$ ; faisons varier $y$ d’une façon continue de $O$ à $A_i$ en suivant la coupure $OA_i$ ; la surface de Riemann $S$ se déformera d’une manière continue et en restant homéomorphe à elle-même. Soit $S(M)$ la surface $S$ correspondant au point $M$. A chaque point de $S(M)$ on peut faire correspondre un point de $S_0$ puisqu’on peut passer de $S(M)$ à $S_0$ par déformation continue. Considérons sur $S(M)$ les deux cycles $\Omega_i$ et $\Omega'_i$ ; à ces deux cycles correspondront sur $S_0$ deux cycles fermés que j’apellerai $U_i$ et $U'_i$.

Quand le point $M$ parcourra $OA_i$ d’un mouvement continu, les deux cycles $U_i$ et $U'_i$ se déplaceront d’un mouvement continu sur la surface $S_0$. Quand $M$ est très voisin de $A_i$, les deux cycles $\Omega_i$ et $\Omega'_i$ et, par conséquent, les deux cycles $U_i$ et $U'_i$ sont très voisins l’un de l’autre. Quand le point $M$ vient en $O$, les deux cycles $\Omega_i$ et $U_i$ deviennent identiques et se réduisent à

$$ \sum \zeta_q \beta_i B_q = \Omega_i^0~;$$

les deux cycles $\Omega_i'$ et $U_i'$ deviennent identiques et se réduisent à

$$\sum \zeta_q \beta_{i+1} B_q = \Omega_{i+1}^0.$$

Supposons que le point $M$ varie depuis $A_i$ jusqu’à un certain point $M_0$ de la coupure $OA_i$ ; les deux cycles $U_i$ et $U_i'$, d’abord confondus, se sépareront et balayeront une certaine région $R$ de $S_0$ ; à cette région correspondra sur $S(M_0)$ une certaine région qui sera formée d’un certain nombre de faces d’un polyèdre $P'_i$ correspondant, puisqu’elle est limitée par les deux cycles $\Omega_i$ et $\Omega'_i$ qui sont formés d’arêtes de ce polyèdre. Nous pourrons écrire la congruence

$$ \tag{5} \sum \theta'_k MF'_k \equiv \Omega'_i - \Omega_i,$$

où $\sum \theta'_k M_0F'_k$ représentera précisément la région que nous venons de définir.

Cette région se réduisant à zéro quand $M$ vient en $A_i$, nous aurons, dans tous les cas,

$$ \tag{8} \sum \theta'_k \alpha_i F'_k = 0. $$

Nous allons montrer maintenant que

$$ \sum \sum \theta'_k \beta_i F'_k = 0,$$

et pour cela nous allons étudier la somme $\sum \theta'_k \beta_i F'_k$.

D’après ce qui précède, ce n’est pas autre chose que la région balayée sur la surface $S_0$ par les deux cycles $U_i$ et $U'_i$, quand le point $M$ varie de $A_i$ à $O$ ; elle est limitée par les deux cycles $\Omega_i^0$ et $\Omega_{i+1}^0$.

On voit que nous aurons

$$ \begin{array}{c} \sum \theta'_k \beta_1 F'_k \equiv \Omega_2^0 - \Omega_1^0,\\ \sum \theta'_k \beta_2 F'_k \equiv \Omega_3^0 - \Omega_2^0,\\ .....................,\\ \sum \theta'_k \beta_q F'_k \equiv \Omega_1^0 - \Omega_q^0,\\ \end{array}$$

d’où, en additionnant,

$$ \sum \sum \theta'_k \beta_i F'_k \equiv 0.$$

Cette congruence nous montre que la combinaison $\sum \sum \theta'_k \beta_i F'_k$ se réduit à zéro ou à un certain nombre de fois la surface $S_0$.

Cherchons si cette dernière hypothèse peut se présenter. Supposons que $y$ décrive un contour fermé en restant infiniment près des coupures $OA_i$, décrivant d’abord l’une des lèvres de $OA_1$, puis l’autre lèvre, puis les deux lèvres de $OA_2$, et ainsi de suite, puis enfin les deux lèvres de $OA_q$. Considérons un cycle sur la surface de Riemann correspondante ; ce cycle se confondra d’abord avec $\Omega_1^0$ quand $y$ sera en $O$ sur la première lèvre de $OA_1$ ; quand $y$ décrira la première lèvre de $OA_1$, ce cycle se déformera d’une manière continue, ce sera notre cycle $\Omega_1$ et les points correspondants sur $S_0$ formeront le cycle $U_1$ ; quand le point $y$ reviendra de $A_1$ en $O$ par la seconde lèvre, ce cycle ne sera autre chose que notre cycle $\Omega'_1$, et les points correspondants sur $S_0$ formeront le cycle $U'_1$ ; quand $y$ sera revenu en $O$, ce cycle se confondra avec $\Omega_2^0$ ; quand $y$ décrira les deux lèvres de $OA_2$, le cycle se fondra d’abord avec $\Omega_2$ puis avec $\Omega'_2$, et les points correspondants sur $S_0$ formeront le cycle $U_2$, puis le cycle $U'_2$, et ainsi de suite. Il s’agit de savoir si ce cycle mobile, qui se confond successivement avec $U_1$, avec $U'_1$, $U_2$, $U'_2, \ldots, U_q$, $U'_q$ et, dans sa position initiale, comme dans sa position finale, se confond avec $\Omega_1^0$, a décrit la surface $S_0$ tout entière.

Pour nous en rendre compte, il faut que nous voyions pourquoi ces cycles se déforment.

Considérons l’équation

$$ f(x,y,z) = 0,$$

où $y$ sera regardé comme une constante ; les points singuliers de $z$ regardé comme fonction de $x$ seront donnés par l’équation

$$ \frac{df}{dz} = 0.$$

Considérons un cycle tracé sur la surface de Riemann. A ce cycle correpondra sur le plan des $x$ un certain contour qui enveloppera un certain nombre de ces points singuliers. Quand $y$ variera, ces points singuliers se déplaceront, et si nous ne voulons pas que le cycle passe par un de ces points singuliers, il faudra le déformer pour le faire fuir devant ces points singuliers mobiles. Quels que soient les déplacements de ces points singuliers, pourvu que deux d’entre eux ne viennent pas se confondre, il sera toujours possible de déformer continuellement le cycle de façon qu’il ne passe jamais par aucun de ces points ; on pourra même choisir un certain nombre de points fixes et déformer le cycle de façon qu’il ne passe jamais par aucun de ces points singuliers ni par aucun des points fixes, pourvu que ces points singuliers ne se confondent jamais ni entre eux, ni avec les points fixes ;

Quand $y$ va varier, les points singuliers se déplaceront, et les points correspondants sur $S_0$ se déplaceront également. Ils ne pourraient se confondre que si $y$ venait en un des points $A_i$, mais nous faisons tourner $y$ autour de ces points, en en approchant très près, mais sans les atteindre. D’autre part, ces points vont décrire des lignes, et nous pourrons trouver sur $S_0$ une région $\rho$ qui ne sera traversée par aucune de ces lignes. Ce seront les points de cette région $\rho$ qui joueront le rôle des points fixes dont je parlais tout à l’heure. Alors nous pourrons déformer notre cycle de façon que, sans passer jamais par un des points singuliers, il ne pénètre jamais dans la région $\rho$. Il ne peut donc engendrer la surface $S_0$ tout entière. L’hypothèse en question doit être rejetée, de sorte que l’on aura toujours l’identité

$$ \tag{9} \sum \sum \theta'_k \beta_i F'_k = 0.$$

Pour terminer nous devons remarquer qu’il ne peut pas y avoir de congruences entre des cases de la catégorie $\alpha \beta$ seulement. Soit, en effet,

$$ \sum \theta'_k \alpha_i \beta_i F'_k \equiv 0$$

une pareille congruence ; nous trouverons d’abord

$$ \sum \theta'_k \alpha_i \beta_i F'_k \equiv \sum \theta'_k \epsilon'_h \alpha_i \beta_i B'_h + \sum \theta'_k \alpha_i F'_k - \sum \theta'_k \beta_i F'_k~;$$

de sorte qu’on aura

$$ \sum \theta'_k \epsilon'_h \alpha_i \beta_i B'_h = 0, \qquad \sum \theta'_k \alpha_i F'_k = 0, \qquad \sum \theta'_k \beta_i F'_k = 0,$$

et, par conséquent, sur le polyèdre $P'_i$, (en raisonnant comme nous avons fait pour déduire (5) de (4)),

$$ \sum \theta'_k MF'_k \equiv 0.$$

L’ensemble des faces $MF'_k$ (affectés des coefficients numériques $\theta'_k$) du polyèdre $P'_i$ doit donc être congru à zéro, c’est-à-dire former une surface fermée qui ne peut être que la surface de $S(M)$ tout entière. L’ensemble $\sum \theta'_k \alpha_i F'_k$ représentera alors la surface $S(A_i)$ tout entière ; on ne pourra donc pas avoir

$$ \sum \theta'_k \alpha_i F'_k = 0.$$

Donc notre congruence est impossible.

Nous savons que, pour obtenir tous les cycles à trois dimensions, il suffit de chercher les combinaisons de cases qui sont congrues à zéro sans être homologues à zéro.

D’abord, une pareille combinaison doit contenir des cases de la catégorie 1, nous venons de le voir ; soit $\sum \zeta_q B_q$ l’ensemble de ces cases ; l’ensemble des arêtes correspondantes doit former un cycle sur la surface $S$ (c’est le cycle $\Omega_i$). Ce cycle ne soit pas être homologue à zéro. Si, en effet, ce cycle était homologue à zéro, la combinaison $\sum \zeta_q B_q$ serait homologue à une combinaison de cases de la catégorie $\alpha \beta$ ; on pourrait donc remplacer $\sum \zeta_q B_q$ par cette combinaison dans le premier membre de notre congruence ; ce premier membre ne contiendrait plus alors que des cases de la catégorie $\alpha \beta$, ce qui est impossible d’après ce que nous venons de voir.

Enfin, notre cycle $\Omega_i$ doit être invariant, c’est-à-dire qu’il doit se changer en un cycle homologue $\Omega'_i$ quand $y$ tourne autour de $A_i$. Mais quand $y$ tourne autour de l’un des points singuliers $A_i$, les cycles de la surface de Riemann subissent une des substitutions du groupe de Picard. Le cycle $\Omega_i$ doit donc être invariant pour le groupe de Picard.

Ainsi, à tout cycle à trois dimensions de $V$ correspond un cycle de la surface $S$, invariant pour le groupe de Picard.

Réciproquement, considérons un cycle invariant pour le groupe de Picard. Si $\Omega_i$ est une position de ce cycle sur le polyèdre $P'_i$, et si $\Omega'_i$ est ce que devient $\Omega_i$ quand $y$ a tourné autour de $A_i$, on aura

$$ \Omega_i \sim \Omega'_i.$$

On pourra trouver des entiers $\theta'$ de façon à satisfaire à la congruence (5). La congruence (4) aura également lieu. Mais nous venons de voir que, dans ces conditions, les identités (8) et (9) ont lieu, de sorte que la congruence (4) peut s’écrire

$$ \sum \sum \theta'_k \alpha_i \beta_i F'_k \equiv \sum \zeta_q \alpha_i \beta_{i+1} B_q - \sum \zeta_q \alpha_i \beta_i B_q,$$

d’où

$$ \sum \zeta_q B_q + \sum \sum \theta'_k \alpha_i \beta_i F'_k \equiv 0.$$

Le premier membre de cette congruence représente un cycle à trois dimensions.

En résumé, autant le groupe de Picard admettra de cycles invariants distincts, autant la variété $V$ admettra de cycles distincts à trois dimensions.

La meilleure manière de se représenter ces cycles à trois dimensions, c’est de supposer que l’on n’a pas seulement

$$ \Omega_i \sim \Omega'_i, $$

mais identiquement

$$ \Omega_i = \Omega'_i~;$$

c’est une supposition que nous pouvons toujours faire, à cause de la façon arbitraire dont on peut faire correspondre point par point nos surfaces de Riemann.

Dans ces conditions, on donnera à $y$ toutes les valeurs possibles.

A chaque valeur correspondra une position du cycle $\Omega_i$ et, à cause de l’invariance de ce cycle, à deux points infiniment voisins situés de part et d’autre d’une des coupures correspondront deux positions infinies peu différentes du cycle $\Omega_i$.

Les diverses positions de ce cycle engendreront donc un cycle fermé à trois dimensions.