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Cette page présente la transcription d’une section des Œuvres Complètes de Poincaré. Vous pouvez retrouver nos commentaires par ici.

§3 du cinquième complément

Avant d’aller plus loin, nous devons rappeler brièvement ce que l’on sait sur les surfaces à deux dimensions, ou plutôt celles des propriétés de ces surfaces qui nous seront utiles dans la suite ; je commencerai par les surfaces bilatères.

On sait qu’une surface fermée bilatère $2p+1$ fois connexes admet $2p$ cycles distincts. Soient $C_1, C_2 , \ldots , C_{2p}$ $2p$ cycles fondamentaux de la surface, choisis de telle façon que tout cycle de la surface soit homologue à une combinaison linéaire de ces $2p$ cycles.

Soient maintenant

$$ X = \sum x_i C_i , \quad Y = \sum y_i C_i $$

deux de ces combinaisons linéaires où les coefficients $x$ et $y$ sont des entiers quelconques. Envisageons le nombre $N(X, Y)$ relatif aux intersections de ces deux cycles $X$ et $Y$ ; ce nombre est égal à

$$ N(X, Y) = F(x,y), $$

$F(x,y)$ étant une forme bilinéaire par rapport aux variables $x$ et $y$.

Cette forme a tous ses coefficients entiers, elle change de signe quand on permute $x$ et $y$ de sorte que

$$ F(x,y) = - F(y,x), $$

enfin son discriminant est égal à $1$.

On peut choisir les cycles fondamentaux $C$ (et cela d’une infinité de manières) de telle façon que la forme $F(x, y)$ soit réduite, c’est-à-dire qu’elle se réduise à

$$ x_1y_2 - x_2 y_1 + x_3y_4 - x_4 y_3 + x_5 y_6 - x_6 y_6 + \ldots . $$

On voit que si la forme $F$ est réduite, $N(C_i , C_k )$ sera nul si les indices $i$ et $k$ sont de même parité ; c’est-à-dire que, si $i$ et $k$ sont de même parité, les cycles $C_i$ et $C_k$ ne se couperont pas, ou seront homologues à des cycles qui ne se coupent pas.

Il nous sera souvent utile dans la suite de remplacer notre surface par un polygone fuchsien ; cela peut se faire de deux manières. Supposons que la forme $F$ étant réduite, on considère les $p$ cycles de rang impair

$$ C_1 , C_3 , \ldots , C_{2p-1} , $$

qui, nous pouvons le supposer, ne se coupent pas.


Voici d’ailleurs comment on peut se rendre compte de la génération de ces cycles. Formons le \emphsquelette de notre surface ; ce squelette sera un réseau où l’on pourra décrire $p$ chemins fermés distincts ; en choisissant convenablement $p$ points sur ce réseau, les $p$ chemins fermés seront coupés, le réseau restant néanmoins d’un seul tenant. Chacun de ces points représentera une courbe fermée [qui sera la variété $w(t)$ du paragraphe précédent. Nous aurons donc $p$ courbes fermées qui n’auront aucun point commun et seront nos $p$ cycles

$$ C_1 , C_3 , \ldots , C_{2p-1} . $$

Découpons notre surface suivant ces $p$ courbes ; elle reste d’un seul tenant, mais elle peut maintenant être développée sur un plan et, après le développement elle se réduira à une aire plane limitée par $2p$ courbes fermées. Une de ces $2p$ courbes la limite extérieurement et les autres intérieurement. Ces $2p$ courbes sont conjuguées deux à deux, deux courbes conjuguées correspondant aux deux lèvres d’une même coupure. Cette aire sera ainsi assimilable à un polygone fuchsien de la troisième famille ; et l’on pourra avoir avantage à envisager le groupe fuchsien qu’il engendre, et la décomposition du plan en une infinité de polygones congruent au polygone générateur.

Supposons maintenant que nous découpions notre surface suivant les $2p$ cycles. Les $2p$ cycles auront pu être tracés de façon à passer tous par un même point et à n’avoir pas d’autre point commun. Si, après ce découpage, on développe la surface sur un plan, on obtiendra un polygone de $4p$ côtés conjugués deux à deux, et assimilable à un polygone fuchsien (qui n’aura qu’un seul cycle de sommets), de telle façon que la somme de ces angles soit égale à $2\pi$. Si la forme $F$ est réduite, la loi de conjugaison des côtés sera la suivante : $1$ avec $3$, $2$ avec $4$, $5$ avec $7$, $6$ avec $8$, $9$ avec $11$, $10$ avec $12$, etc. Ici aussi il y aura lieu d’envisager le groupe fuchsien et la décomposition du cercle fondamental en polygones congruents.


Mais ici se pose une question qui va nous arrêter quelques temps. Le groupe fuchsien en question n’est autre chose que ce que j’ai appelé à la page 239 de l’Analysis situs le groupe fondamental de la surface. La notion de ce groupe est fondé sur la notion d’équivalence des cycles et sur la distinction entre cette notion et celle d’homologie (cf. 207 et 241 de l’Analysis situs).

Considérons deux cycles $K$ et $K'$ ; partant d’un même point $M$ et y aboutissant, j’écrirai « l’équivalence »

$$K \equiv K'$$

si l’on peut passer de l’un à l’autre par déformation continue et sans quitter la variété envisagée. Il pourra se faire alors que le cycle $K'$ venant repasser plusieurs fois par le point initial $M$ se décompose en plusieurs autres et équivaille ainsi à plusieurs cycles consécutifs $K_1$, $K_2$, $K_3$ se succédant dans l’ordre indiqué ; nous pourrons alors écrire

$$ K \equiv K_1 + K_2 + K_3,$$

mais nous n’avons pas le droit d’intervertir l’ordre des termes et d’écrire, par exemple,

$$ K \equiv K_1 + K_3 + K_2.$$

C’est précisément ce qui distingue les équivalences des homologies ; dans ces dernières, on a le droit d’intervertir cet ordre, de sorte que de l’équivalence

$$ K \equiv K_1 + K_2 + K_3,$$

nous avons le droit de déduire non seulement l’homologie

$$ K \sim K_1 + K_2 + K_3,$$

mais encore l’homologie

$$ K \sim K_1 + K_3 + K_2.$$

De même, supposons que $K'$, [1] au lieu de partir du point $M$, parte d’un autre point $M'$ et y aboutisse. Soit $L$ un chemin quelconque allant de $M$ en $M'$. Alors le cycle $L+K'-L$ ira comme $K$ de $M$ en $M$. Supposons qu’on ait l’équivalence

$$K \equiv L+K'-L,$$

comme nous n’avons pas le droit d’intervertir l’ordre des termes, nous ne pouvons en conclure l’équivalence $K \equiv K'$, mais seulement l’homologie $K \sim K'$.

Ainsi dans les homologies, les termes se composent d’après les règles de l’addition ordinaire ; dans les équivalences, les termes se composent d’après les mêmes règles que les substitutions d’un groupe ; c’est pour cela que l’ensemble des équivalences peut pour ainsi dire être symbolisé par un groupe qui est le groupe fondamental de la variété.

Dans le cas qui nous occupe, envisageons le cercle fondamental décomposé comme nous l’avons dit en polygones fuchsiens congruents. Chacun de ces polygones a $4p$ côtés. Un cycle quelconque sera représenté soit par une ligne fermée, soit par une ligne allant d’un point du plan à un autre point « congruent » (c’est-à-dire transformé du premier par une des substitutions du groupe fuchsien).

Dans le premier cas, le cycle est équivalent à zéro ; dans le second, il ne l’est pas.

Le groupe fondamental est alors le groupe fuchsien lui-même, groupe dérivé des $2p$ substitutions correspondant aux $2p$ cycles fondamentaux $C_i$ ; dans le cas où la forme $F$ étant réduite, la loi de conjugaison des côtés du polygone est celle que j’ai dite plus haut, on a entre les $2p$ cycles une seule équivalence qui s’écrit

$$0 \equiv C_1+C_2-C_1-C_2 +C_3+C_4-C_3-C_4+C_5+C_6-C_5-C_6+ \ldots .$$

Cette équivalence suffit pour définir le groupe fondamental.

On peut chercher à former un cycle qui soit homologue à zéro sans être équivalent à zéro. On voit d’abord qu’il ne peut y en avoir si $p=1$, car alors l’équivalence que je viens d’écrire devient

$$C_1+C_2\equiv C_2 + C_1$$

et signifie que deux cycles quelconques sont permutables (au point de vue de l’équivalence). On sait d’ailleurs que, dans ce cas, les fonctions fuchsiennes se réduisent aux fonctions elliptiques, le groupe fuchsien a toutes ses substitutions permutables.

Si $p>1$, supposons que la loi de conjugaison des côtés soit celle que nous avons dite plus haut, c’est-à-dire $1$ avec $3$, $2$ avec $4$, etc. Soient $0$ et $1$ les deux sommets du côté $1$ ; soient $1$ et $2$ ceux du côté $2$, etc. ; soient enfin $4p-1$ et $4p = 0$ ceux du côté $4p$. Joignons les sommets $0$ et $4$ par une ligne restant à l’intérieur du polygone. Cette ligne représentera un cycle qui sera équivalent à

$$C_1 + C_2 - C_1 - C_2.$$

Il sera donc homologue à zéro ; mais il ne sera pas équivalent à zéro.

Ayons recours maintenant à l’autre mode de représentation ; représentons donc notre surface par un polygone fuchsien de la troisième famille limité par $2p$ courbes fermées conjuguées deux à deux, l’une d’elles limitant le polygone extérieurement, les autres intérieurement.


Soit $k$ l’une de ces courbes fermées, correspondant au cycle $C_2$, soit $k'$ sa conjuguée. Soit $M$ un point de $k$, $M'$ le point correspondant de $k'$ ; joignons $M$ à $M'$ par un trait $MPM'$ qui correspondra au cycle $C_1$. Traçons maintenant à l’intérieur du polygone une courbe fermée $K$ enveloppant $k$ et $k'$, mais n’enveloppant aucune des autres courbes qui forment le contour du polygone.

Soit $Q$ un point sur $k$ d’où part et où aboutit ce cycle. Soit $L$ une ligne allant de $Q$ en $M$. Il est clair qu’on aura l’équivalence

$$K \equiv L + k +MPM' + k' -MPM' -L,$$

c’est-à-dire

$$K \equiv L + C_2 + C_1 - C_2 - C_1 - L;$$

de cette équivalence on peut conclure $K \sim 0$, c’est-à-dire que $K$ est homologue à zéro sans être équivalent à zéro.

Voyons enfin ce qui se passe sur la surface elle-même, et bornons-nous aux cycles non bouclés, c’est-à-dire aux cycles qui ne se recoupent pas eux-mêmes.


Soit $C$ un pareil cycle homologue à zéro ; il décomposera la surface $2p+1$ fois connexe en deux parties, de sorte que si l’on étranglait la surface de façon à réduire ce cycle $C$ à un point, cette surface se décomposerait en deux autres. Si l’une des deux surfaces ainsi obtenues est simplement connexe, c’est alors que le cycle $C$ était équivalent à zéro. Si ces deux surfaces sont $2p'+1$ fois et $2p''+1$ fois connexes, où $p'>0$, $p''>0$, $p'+p''=p$, c’est au contraire que le cycle $C$ était homologue à zéro, sans être équivalent à zéro.

Il est aisé de voir, et l’on sait d’ailleurs depuis longtemps, que deux surfaces bilatères, à deux dimensions, ayant même nombre de Betti, sont toujours homéomorphes. Il suffit de remarquer que chacune d’elles peut être remplacée par un polygone fuchsien de la troisième famille, limité par $2p$ courbes fermées et que deux pareils polygones, c’est-à-dire deux aires limitées extérieurement par une courbe fermée et intérieurement par $2p-1$ courbes fermées sont évidemment toujours homéomorphes l’une à l’autre.

Mais on peut aller plus loin. Soit $S$ une surface $2p+1$ fois connexe ; traçons sur cette surface deux systèmes de $2p$ cycles

$$C_1,\ C_2,\ \ldots,\ C_{2p};\quad C'_1,\ C'_2,\ \ldots,\ C'_{2p}.$$

La surface $S$ peut toujours être regardée comme homéomorphe à elle-même ; c’est-à-dire qu’à un point $M$ de la surface nous pouvons faire correspondre un autre point $M'$ de la surface, de telle façon que la loi de correspondance soit continue et doublement univoque. Dans quels cas cette correspondance peut-elle être choisie de telle sorte que, quand le point $M$ décrit les cycles

$$C_1,\ C_2,\ \ldots,\ C_{2p},$$

le point $M'$ décrive :

  1. ou bien les cycles

    $$C'_1,\ C'_2,\ \ldots,\ C'_{2p};$$

  1. ou bien des cycles équivalents à

    $$C'_1,\ C'_2,\ \ldots,\ C'_{2p};$$

  1. ou bien des cycles homologues à

    $$C'_1,\ C'_2,\ \ldots,\ C'_{2p}.$$

Je ne traiterai que la troisième question qui est la plus facile. Je considère la forme $F(x,y)$ qui représente le nombre $N$ relatif à l’intersection des cycles $\sum x C$ et $\sum y C$. Je considère, de même, la forme $F'(x',y')$ relative à l’intersection des cycles $\sum x' C'$ et $\sum y' C'$.


Il est clair d’abord que si la correspondance est possible de telle façon que $M'$ décrive un cycle homologue à $C'_i$ quand $M$ décrit un cycle homologue à $C_i$, les deux formes devront être identiques, c’est-à-dire ne différer que par la substitution des variables $x'$, $y'$ aux variables $x$ et $y$. Si, par exemple, nous supposons que $F$ est réduite et que

$$F = x_1 y_2-x_2 y_1 + x_3 y_4-x_4 y_3+ \ldots,$$

on devra avoir

$$F' = x_1' y_2'-x_2' y_1' + x_3' y_4'-x_4' y_3'+ \ldots .$$

Les cycles $C'$ sont des combinaisons linéaires des cycles $C$ et, si nous supposons

$$\sum xC = \sum x'C', \quad \sum yC = \sum y'C',$$

les nouvelles variables $x'$ et $y'$ seront également des combinaisons linéaires à coefficients entiers des $x$ et des $y$. Il faut donc que la forme $F$ ne soit pas altérée par la substitution linéaire qui fait passer des $x$ aux $x'$ et des $y$ aux $y'$.

Je dis que cette condition nécessaire est également suffisante.

Pour le démontrer, voyons quelles sont les substitutions linéaires qui n’altèrent pas la forme $F$ que nous supposerons réduite.

1. Si nous supposons que l’on ait

$$ \begin{array}{lll} x'_1= x_1 + x_2, & x'_i = x_i & (i>1), \\ y'_1 = y_1 + y_2, & y'_i = y_i & (i>1), \end{array} $$

il est clair que l’on aura

$$x'_1 y'_2-x'_2 y'_1+ \ldots = x_1 y_2 - x_2 y_1 + \ldots .$$

Il est clair qu’il en sera encore de même, si nous posons

$$x'_2= x_1+x_2,$$

ou bien

$$x'_3= x_3+x_4,$$

ou bien

$$x'_4= x_4+x_3,$$

ou, plus généralement,

$$x'_{2k-1}= x_{2k-1}+x_{2k},$$

ou bien enfin

$$x'_{2k}= x_{2k-1}+x_{2k},$$

tous les autres $x'_i$ étant égaux à l’$x_i$ correspondant.

Il en sera encore de même si les $x$ subissent des substitutions inverses des précédentes, c’est-à-dire si l’on pose

$$x'_{2k-1}= x_{2k-1}-x_{2k},$$

ou bien

$$x'_{2k}= x_{2k-1}-x_{2k},$$

tous les autres $x'_i$ étant égaux à l’$x_i$ correspondant.

Il va sans dire que la substitution linéaire qui fait passer les $y$ aux $y'$ est identique à celle qui fait passer des $x$ aux $x'$.

Voilà donc un premier type de substitutions linéaires qui n’altèrent pas la forme réduite $F$.

2. En voici maintenant un second type.

Supposons que l’on pose

$$ \begin{array}{c} x'_1 = x_1+x_3, \quad x'_4 = x_4-x_2,\\ x'_i = x_i \quad (\mbox{sauf pour } i=1 \mbox{ et pour } i=4), \end{array} $$

ou plus généralement

$$ \begin{array}{c} x'_{2K-1} = x_{2K-1}+x_{2j-1}, \quad x'_{2j} = x_{2j}-x_{2K},\\ x'_i = x_i \quad (\mbox{sauf pour } i=2K-1 \mbox{ et pour } i=2j); \end{array} $$

il est clair que la forme réduite $F$ n’est pas altérée.

Elle n’est pas altérée non plus par la substitution inverse

$$\begin{array}{c} x'_{2K-1} = x_{2K-1}-x_{2j-1}, \quad x'_{2j} = x_{2j}+x_{2K},\\ x'_i = x_i \quad (\mbox{sauf pour } i=2K-1 \mbox{ et pour } i=2j). \end{array}$$

Voilà notre second type.


Or il est aisé de voir que toute substitution qui n’altère pas la forme réduite $F$ peut être considérée comme une combinaison de substitutions rentrant dans ces deux types.

Il suffit donc de démontrer le théorème pour les substitutions de ces deux types.


En ce qui concerne d’abord le second type, nous pourrons représenter notre surface par un polygone fuchsien de la troisème famille, limité tant extérieurement qu’intérieurement par $2p$ courbes fermées

$$A_1,\ A'_1;\ A_3,\ A'_3;\ \ldots;\ A_{2p-1},\ A'_{2p-1}$$

conjuguées deux à deux et correspondant aux $p$ cycles d’indice impair

$$C_1,\ C_3,\ \dots,\ C_{2p-1}.$$

Pour construire les $p$ cycles d’indice pair, il suffit d’opérer de la façon suivante.

Soient

$$P_1, P_3 \ldots, P_{2p-1}$$

$p$ points pris arbitrairement sur les courbes $A_1,\ A_3,\ \ldots,\ A_{2p-1}$ ; soient $P'_1,\ P'_3,\ \ldots,\ P'_{2p-1}$ les points correspondants sur les courbes conjuguées $A'_1,\ A'_3,\ \ldots,\ A'_{2p-1}$. Joignons $P_1$ à $P'_1$, $P_3$ à $P'_3$, ..., $P_{2p-1}$ à $P'_{2p-1}$ par $p$ lignes

$$L_1,\ L_3,\ \ldots,\ L_{2p-1}$$

tracées de manière à ne pas se couper mutuellement. Ces $p$ lignes seront homologues aux $p$ cycles d’indice pair

$$C_2,\ C_4,\ \ldots,\ C_{2p}.$$

Pour simplifier, nous supposerons que ce soit la courbe $A_5$ (qui ne jouera aucun rôle dans ce qui va suivre), qui limite extérieurement notre polygone fuchsien. Construisons une courbe $B$ qui enveloppe les deux courbes $A_1$ et $A_3$, et n’en enveloppant pas d’autres ; cette courbe $B$ représentera un cycle homologue à

$$C_1+C_3.$$

Soit $R$ la région limitée extérieurement par cette courbe $B$ et intérieurement par $A_1$ et $A_3$. Envisageons la substitution du groupe fuchsien qui change $A_1$ en $A'_1$ (et qui correspond d’ailleurs au cycle $C_2$). Soir $R'$ la transformée de la région $R$ par cette substitution ; elle sera limitée extérieurement par $A'_1$ et intérieurement par deux courbes fermées $B'$ et $A''_3$ transformées de $B$ et $A_3$.

Modifions le polygone fuchsien en retranchant la région $R$ et en y ajoutant la région $R'$. Notre nouveau polygone fuchsien sera limité extérieurement par $A_5$ et intérieurement par

$$A'_5;\ B;\ B';\ A'_3,\ A''_3;\ A_7,\ A'_7;\ \ldots;\ A_{2p-1},\ A'_{2p-1}.$$

Deux points du plan, transformés l’un de l’autre par une substitution du groupe fuchsien, correspondent évidemment à un même point de la surface $S$. Notre nouveau polygone fuchsien correspondra donc comme l’ancien à la surface $S$ tout entière puisque la région $R$ supprimée a été remplacée par sa transformée $R'$. D’ailleurs ces deux polygones qui sont tous deux des aires planes limitées par $2p$ courbes fermées sont homéomorphes l’une à l’autre et de telle façon que

$$A_1,\ A'_1;\ A_3,\ A'_3;\ A_5,\ A'_5;\ \ldots;\ A_{2p-1},\ A'_{2p-1}$$

correspondent à : [2]

$$B,\ B';\ A''_3,\ A'_3;\ A_5,\ A'_5;\ \ldots;\ A_{2p-1},\ A'_{2p-1}.$$

Il en résulte que dans cet homéomorphisme, les cycles impairs

$$C_1,\ C_3,\ C_5,\ \ldots,\ C_{2p-1}$$

correspondront à des cycles homologues à

$$C_1+C_3,\ C_3,\ C_5,\ \ldots,\ C_{2p-1}.$$

A quoi correspondront les cycles d’ordre pair ? Chacun de ces cycles correspond à une substitution du groupe fuchsien, par exemple $C_2$ à la substitution $T_1$ qui change $A_1$ en $A'_1$ ; $C_4$ à la substitution $T_3$ qui change $A_3$ en $A'_3$, etc. Il est évident d’ailleurs que dans l’homéomorphisme en question la substitution $T_1$ est remplacée par celle qui change $B$ en $B'$ (cycles qui correspondent à $A_1$ et $A'_1$) et qui est encore $T_1$, la substitution $T_3$ par cette qui change $A''_3$ en $A'_3$ et qui est $T_1^{-1} T_3$, et que les autres substitutions ne changent pas. Cela nous fait déjà prévoir que les cycles

$$C_2,\ C_4,\ C_6,\ \ldots$$

correspondront à

$$C_2,\ C_4-C_2,\ C_6,\ \ldots .$$

Mais un doute pourrait subsister, car la substitution $T_1$ ne correspond pas seulement au cycle $C_2$, mais à tous les cycles $C_2 +K$, $K$ étant une combinaison des cycles d’ordre impair.

Il nous faut donc revenir aux lignes $L$ que nous venons de définir ; nous pouvons toujours supposer qu’aucune de ces lignes ne coupe $B$, à l’exception des lignes $L_1$ et $L_3$ qui couperont $B$ en $N_1$ et $N_3$ ; je désignerait par $M_1$ et $M'_1$, $M_3$ et $M'_3$ les points d’intersection de $A_1$ et $A'_1$ avec $L_1$, de $A_3$ et $A'_3$ avec $L_3$ ; par $N'_1$ et $N'_3$ les transformés de $N_1$ et $N_3$ par $T_1$ qui sont sur $B'$, et j’envisagerai les tronçons $N'_1M'_1$, $N'_3M''_3$, qui sont les transformés par $T_1$ des tronçons de $N_1M_1$ et $N_3M_3$ des lignes $L_1$ et $L_3$. Le points $M''_3$ est sur $A''_3$. Les lignes $L$ et les nouveaux tronçons $N'_1M'_1$, $N'_3M''_3$ ne se coupent en aucun point.

Nous considérerons encore les tronçons $N_3N_1$ sur $B$ et $N'_3N'_1$ sur $B'$, ou mieux des tronçons $N_3N_1^0$ et $N'_3 N'^0_1$ aboutissant à des points $N_1^0$ et $N'^0_1$ situés sur $B$ et $B'$ infiniment près de $N_1$ et $N'_1$, de telle façon que $N_1$ et $N'_1$ ne soient pas sur les arcs $N_3N_1^0$ et $N'_3 N'^0_1$ ; j’envisagerai, en outre, une ligne $N'^0_1 M'^0_1 N_1^0$ infiniment voisine de $N'_1M'_1N_1$ et ne la coupant pas ; à l’aide de ces divers tronçons je pourrai construire les lignes

$$L'_1, L'_3, \ldots$$

correspondant dans notre homéomorphisme aux lignes

$$L_1, L_3, \ldots .$$

La première sera la ligne $N_1M'_1N'_1$ ; la seconde qui doit aller de $M''_3$ en $M'_3$
sera

$$M''_3N'_3 + N'_3N'^0_1 + N'^0_1 M'^0_1 N_1^0 + N_1^0N_3 + N_3M_3;$$

d’ailleurs $L'_5$ sera identique à $L_5$, $L'_7$ à $L_7$, etc. Il suffit pour s’en rendre compte de vérifier que ces diverses lignes ne se coupent pas.

On voit alors que ces lignes sont homologues à

$$L_1,\ L_3-L_1,\ L_5,\ \ldots,$$

ce qui veut dire qu’aux cycles $C_2,\ C_4,\ \ldots$ correspondent

$$C_2,\ C_4-C_2,\ C_5,\ \ldots .$$

Nous avons donc, en résumé, $C'_i \sim C_i$, sauf pour $i=1$ ou $4$, et

$$C'_1 \sim C_1+C_3, \quad C'_4 \sim C_4-C_2.$$

Si donc nous supposons $\sum xC= \sum x'C'$, on aura $x_i = x'_i$, sauf pour $i=2$ et $3$ et

$$x'_3 = x_3-x_1, \quad x'_2=x_2+x_4.$$

Si l’on avait voulu avoir

$$x'_3=x_3+x_1,\quad x'_2=x_2-x_4,$$

il aurait fallu tracer $B$ autour de $A_1$ et $A'_3$ et non autour de $A_1$ et $A_3$. Si l’on avait voulu avoir

$$x'_1 = x_1-x_3, \quad x'_4 = x_2+x_4,$$

il aurait fallu tracer $B$ autour de $A_1$ et $A_3$ et transformer la région $R$, non plus par $T_1$, mais par $T_3$.

Ce procédé est donc applicable à toutes les substitutions du second type.


On opérera d’une façon analogue pour les substitutions du premier type ; je suppose, par exemple,

$$x'_1=x_1+x_2,\quad x'_i=x_i \quad (i>1)$$

c’est-à-dire [3]

$$C_1 \sim C'_1, \quad C'_2 \sim C_2-C_1.$$

Je ne représenterai notre surface ni par un polygone fuchsien de la troisième famille, ni par un polygone fuchsien de la première famille comme je l’ai fait plus haut, mais j’emploierai un mode de représentation analogue et pour ainsi dire intermédiaire.

Remarquons, en effet, que rien ne nous oblige à nous restreindre à des polygones fuchsiens proprement dits, c’est-à-dire à des polygones limités par des arcs de cercle coupant orthogonalement un même cercle fondamental. Dans une question comme celle qui nous occupe, rien n’empêche de remplacer, par exemple, un polygone fuchsien de la première famille par un autre polygone curviligne qui lui soit homéomorphe, mais qui soit d’ailleurs quelconque.

Nous pouvons profiter de cette élasticité pour adopter le mode de représentation suivant.

Notre polygone sera limité extérieurement par un quadrilatère curviligne et intérieurement par $2p-2$ courbes fermées. Les côtés opposés du quadrilatère seront conjugués et, d’autre part, les $2p-2$ courbes fermées seront conjuguées deux à deux d’une manière quelconque.

Soient $a, b, c, d$ les quatre sommets du quadrilatère,

$$A_3,\ A'_3;\ A_5,\ A'_5;\ \ldots;\ A_{2p-1},\ A'_{2p-1}$$

les $2p-2$ courbes fermées conjuguées deux à deux ; ces courbes fermées correspondront à $p-1$ des cycles d’ordre impair

$$C_3,\ C_5,\ \ldots,\ C_{2p-1}.$$

Les côtés $ab$ et $dc$ du quadrilatère correspondront au cycle $C_1$ ; les côtés $ad$ et $bc$ au cycle $C_2$.

Nous prendrons sur les courbes fermées $A_i$ des points quelconques $P_i$ ; nous joindrons chacun des points $P_i$ au point correspondant $P'_i$ de la courbe $A'_i$. La ligne $L_i$ qui joint $P_i$ à $P'_i$ correspondra au cycle $C_{i+1}$, à condition que ces lignes $L$ aient été tracées de façon à ne pas couper les côtés du quadrilatère et à ne pas se couper mutuellement.

Joignons les sommets opposés $a$ et $c$ du quadrilatère par une diagonale curviligne $ac$, qui divisera ce quadrilatère en deux triangles $acb$ et $acd$ et qui devra être tracée de telle façon que toutes les courbes fermées $A$ et $A'$ soient à l’intérieur du premier triangle $acb$.

Le groupe qui jouera le rôle de nos groupes fuchsiens de tout à l’heure, sera dérivé des substitutions suivantes : [4]
$T_1$ qui change $ad$ en $bc$ ; $T_2$ qui change $ab$ en $dc$ ; $T_i$ ($i=3, 5, \ldots, 2p-1$) qui change $A_i$ en $A'_i$.

Soit $bcf$ le transformé du triangle $adc$ par $T_1$.

On peut remplacer le triangle $adc$ par le triangle $bcf$ et, par conséquent, on peut remplacer notre polygone générateur par un nouveau polygone limité extérieurement par le quadrilatère $abfc$ et intérieurement par les $2p-2$ courbes fermées $A$ et $A'$ ; ces courbes fermées sont encore conjuguées deux à deux et les côtés opposés du quadrilatère sont conjugués.

Ces deux polygones (qui tous deux correspondent à la surface $S$ tout entière) sont homéomorphes l’un à l’autre et de telle façon que

$$ab,\ bc,\ cd,\ da, \quad A_i,\ A'_i,\ L_i$$

correspondent respectivement à

$$ab,\ bf,\ fc,\ ca,\ A_i,\ A'_i,\ L_i.$$

Les cycles

$$C_1,\ C_2,\ C_i,\ C_{i+1}$$

correspondront donc dans cet homéomorphisme à

$$C_1,\ C_2+C_1,\ C_i,\ C_{i+1}.$$

Donc la surface $S$ est homéomorphe à elle-même de façon qu’au cycle $C_k$ correspondent le cycle $C'_k$, en supposant

$$C'_k = C_k \quad (k=1,3,4,5,\ldots,2p),$$

$$C'_2 = C_2+C_1.$$

Dans ce cas, on a

$$x'_1 = x_1-x_2,\quad x'_2 = x_2, \quad x'_3 = x_3, \quad \ldots,\quad x'_{2p} = x_{2p}.$$

C’est donc une substitution du premier type pour lequel [5] le théorème se trouve démontré, et il est clair qu’on le démontrerait de même pour toutes les autres substitutions du premier type.

Nous pouvons donc dire en résumé :

La condition nécessaire et suffisante pour que la surface $S$ soit homéomorphe à elle-même de telle façon qu’aux cycles $C_i$ correspondent des cycles homologues aux cycles $C'_i$, c’est que la forme $F(x,y)$ relative aux cycles $C$ soit identique à la forme $F(x',y')$ relative aux cycles $C'$.

Il est aisé de conclure de là qu’un cycle $\sum a_iC_i$ est toujours homologue à un cycle non-bouclé, c’est-à-dire ne se coupant pas lui-même, si les entiers $a_i$ sont premiers entre eux. Si, au contraire, ces entiers $a_i$ ne sont pas premiers entres eux, il ne peut être homologue à un cycle non bouclé.

Établissons d’abord le premier point.

Il suffira de démontrer que l’on peut trouver $2p$ cycles

$$C'_1, C'_2, \ldots, C'_{2p}$$

tels que

$$C'_1 = \sum a_iC_i$$

et que la forme $F(x',y')$ relative aux cycles $C'$ soit identique à la forme $F(x,y)$ relative aux cycles $C$ ; de telle façon qu’on ait

$$F(x',y') = x'_1y'_2 -x'_2y'_1 + x'_3y'_4 - x'_4y'_3 + \ldots$$

si nous supposons, comme nous le faisons d’ordinaire, que les cycles $C$ aient été choisis de telle sorte que la forme $F(x,y)$ soit réduite.


En effet, si les cycles $C'$ satisfont à cette condition, la surface $S$ sera homéomorphe à elle-même de telle sorte qu’au cycle $C_i$ correspondent un cycle homologue à $C'_i$. Donc on pourra trouver un cycle homologue à $C'_1$ qui dans cet homéomorphisme correspondra à $C_1$ et qui par conséquent ne sera pas bouclé, puisque $C_1$ n’est pas bouclé.

Remarquons d’abord que si les entiers $a_i$ sont premiers entre eux, on pourra trouver $2p$ cycles

$$C''_1, C''_2, \ldots, C''_{2p}$$

tels que

$$C''_1 = C'_1 = \sum a_i C_i,\quad C''_k = \sum b_{ik} C_i,$$

les $a_i$ et les $b_{ik}$ étant des entiers dont le déterminant soit égal à $1$.

Soit $F(x'',y'')$ la forme relative aux cycles $C''$.

Quelle relation doit-il y avoir entre les variables $x'$ et $x''$ ? Le cycle $C'_1$ devant être identique à $C''_2$, il est clair que

$$x'_2,\ x'_3,\ \ldots,\ x'_{2p}$$

devront être des [6] combinaisons linéaires de

$$x''_2,\ x''_3,\ \ldots,\ x''_{2p}$$

et qu’il en devra être de même de la différence $x'_1-x''_1$.

Il reste à démontrer qu’il existe un changement linéaire de variables qui satisfasse à cette condition et qui, en même temps, soit tel que la forme $F(x',y')$ soit réduite.

Or, nous pouvons écrire

$$F(x'',y'') = x''_1Y_2-y''_2X_2+ \Phi(x'',y''),$$

où $X_2$ est une combinaison linéaire de $x''_2,\ x''_3,\ \ldots,\ x''_{2p}$ dont les coefficients sont des entiers premiers entre eux ; où $Y_2$ est la même combinaison de $y''_2,\ y''_3,\ \ldots,\ y''_{2p}$ ; où enfin $\Phi$ est une forme bilinéaire de

$$x''_2,\ x''_3,\ \ldots,\ x''_{2p}; \quad y''_2,\ y''_3,\ \ldots,\ y''_{2p}.$$

J’ai dit que les coefficients de $X_2$ sont des entiers premiers entre eux, et en effet, si le plus grand commun diviseur était $a>1$, le déterminant de la forme $F(x'',y'')$ serait divisible par $a^2$, ce qui est impossible puisque ce déterminant est égal à $1$.

Ces coefficients étant premiers entre eux, nous pouvons trouver $2p-1$ combinaisons linéaires

$$X_2,\ X_3,\ \ldots,\ X_{2p}$$

de $x''_2,\ x''_3,\ \ldots,\ x''_{2p}$, dont la première soit précisément $X_2$ et dont les coefficients soient des entiers dont le déterminant soit égal à$1$.

Dans ces conditions, $\Phi$ sera une forme bilinéaire de

$$X_2,\ X_3,\ \ldots,\ X_{2p}$$

et des combinaisons correspondantes

$$Y_2,\ Y_3,\ \ldots,\ Y_{2p}$$

formées avec les $y''$. Nous pourrons alors écrire

$$\Phi = X_2 Y' - Y_2 X' + \Psi(X,Y),$$

ou $X'$ est une combinaison linéaire de $X_3,\ X_4,\ \ldots,\ X_{2p}$ ; où $Y'$ est la même combinaison des $Y$ ; où $\psi$ est une forme bilinéaire des $4p-4$ variables

$$X_3,\ X_4,\ \ldots,\ X_{2p}; \quad Y_3,\ Y_4,\ \ldots,\ Y_{2p}.$$

Le déterminant de cette forme $\Psi$ devra diviser celui de $F$ ; il sera donc égal à $1$. La forme $\Psi$ ayant pour déterminant $1$, on peut trouver $2p-2$ combinaisons linéaires

$$x'_3,\ x'_4,\ \ldots,\ x'_{2p}$$

des variables $X_3,\ X_4,\ \ldots,\ X_{2p}$, telles que la forme $\Psi$ soit réduite quand on prend les $x'$ comme variables nouvelles, avec les combinaisons correspondantes $y'$ des $Y$.

Si alors nous posons

$$ \begin{array}{ll} x'_1 = x''_1-X', & y'_1 = y''_1-Y', \\ x'_2 = X_2, & y'_2 = Y_2, \end{array} $$

il viendra

$$F = x'_1y'_2-x'_2y'_1+\Psi.$$

La forme $\Psi$ étant réduite, il en sera de même de $F$, de sorte que nos nouvelles variables $x'$ répondent à la question.

Le premier point est donc établi.

Supposons maintenant que les $a_i$ ne soient pas premiers entre eux ; je dis que tout cycle homologue à $\sum a_iC_i$ est bouclé. Soit, en effet,

$$a_i = b_id,$$

$d$ étant le plus grand commun diviseur des $a_i$, et les $b_i$ étant premiers entre eux. Soit alors

$$\sum b_i C_i = C'_1,\quad \sum a_i C_i = dC'_1.$$

D’après ce qui précède, la surface $S$ sera homéomorphe à elle-même, de telle façon que $C_1$ corresponde à $C'_1$. Il nous suffit donc de montrer que tout cycle homologue à $dC_1$ est bouclé ; puisque dans notre homéomorphisme tout cycle homologue $\sum a_i C_i$ correspondra à un cycle homologue à $dC_1$.

Pour cela, reprenons la représentation de notre surface $S$ par un polygone fuchsien $R_0$ de $4p$ côtés et de la première famille, polygone qui avec ses différents transformés remplira la surface du cercle fondamental.

Soit $K$ notre cycle que nous supposons homologue à $dC_1$. Ce cycle sera représenté par une certaine ligne $amb$, allant d’un certain point $a$ intérieur au cercle fondamental à un point $b$ transformé de $a$ par une substitution du groupe fuchsien. Outre cette ligne, nous devons envisager toutes ses transformées par les différentes substitutions du groupes fuchsien ; car une quelconque de ces transformées représente comme la ligne elle-même le cycle $K$.

Nous envisagerons, en particulier, les arcs de la ligne $amb$ ou de ses transformées qui seront à l’intérieur du polygone $R_0$. L’ensemble de ces arcs sera ce que j’appellerai l’image du cycle $K$.

Cette image se composera d’un certain nombre d’arcs

$$A_1B_1,\ A_2B_2,\ \ldots, A_nB_n$$

allant de certains points $A_1,\ A_2,\ \ldots,\ A_n$ situés sur le périmètre de $R_0$ à d’autres points $B_1,\ B_2,\ \ldots,\ B_n$, situés également sur le périmètre de $R_0$. Pour que le cycle soit continu et fermé, il faut que les points $B_1$ et $A_2$, $B_2$ et $A_3,\ \ldots, \ B_{n-1}$ et $A_n$, $B_n$ et $A_1$ correspondent à un même point de $S$ et, par conséquent, que ce soient des points conjugués du périmètre de $R_0$, c’est-à-dire des points correspondants sur deux côtés conjugués.

Faisons correspondre un nombre à chaque point du périmètre de $R_0$ et cela de la façon suivante : 1. les nombres correspondant aux points $A_i$ et$B_i$ seront des entiers ; 2. les nombres correspondant aux autres points du périmètre seront égaux à des entiers + $\frac{1}{2}$ ; 3. en suivant le périmètre dans le sens direct, notre nombre ne variera que quand on passera par un point $A_i$ ou par un point $B_i$ ; 4. il augmentera brusquement d’une unité quand on franchira l’un des points $A_i$, et il diminuera brusquement d’une unité quand on franchira l’un des points $B_i$ ; 5. la valeur du nombre en un des points $A_i$ ou en un des points $B_i$ sera la moyenne arithmétique entre les deux valeurs constantes de ce nombre le long des deux arcs qui aboutiront à ce point. Si, par exemple, en suivant le périmètre dans le sens direct on rencontre successivement les points

$$A_3,\ A_2,\ B_1,\ B_2,\ A_1,\ B_3,$$

le nombre sera égal à $0$ en $A_3$, à $\frac{1}{2}$ sur l’arc $A_3A_2$, à $1$ en $A_2$, à $1+\frac{1}{2}$ sur l’arc $A_2B_1$, à $1$ en $B_1$, à $\frac{1}{2}$ sur l’arc $B_1B_2$, à $0$ en $B_2$, à $-\frac{1}{2}$ sur l’arc $B_2A_1$, à $0$ en $A_1$, à $\frac{1}{2}$ sur l’arc $A_1B_3$, à $0$ en $B_3$ et enfin à $-\frac{1}{2}$ sur l’arc $B_3A_3$.

Comme il y a autant de points $A$ que de points $B$, on retombera sur la valeur initiale après avoir parcouru le périmètre tout entier.

Cela posé, je dis d’abord que si le cycle n’est pas bouclé ou, ce qui revient au même, si les arcs $A_iB_i$ ne se coupent pas mutuellement, les deux points $A_i$ et $B_i$ correspondent à un même nombre. Soit, en effet, $\alpha$ l’un des deux arcs, qui sur le périmètre de $R_0$ vont de $A_i$ à $B_i$. Si le point $A_k$ se trouve sur cet arc $\alpha$, le point $B_k$ devra s’y trouver également ; car si les deux couples de points $A_iB_i$, $A_kB_k$ étaient croisés, c’est-à-dire s’ils étaient placés sur le périmètre de façon à se séparer mutuellement, les deux arcs $A_iB_i$ et $A_kB_k$ devraient se couper. Il résulte de là que qu’il y a sur l’arc $\alpha$ autant de points $A$ que de points $B$, ce qui revient à dire que les deux extrémités $A_i$ et $B_i$ de l’arc $\alpha$ correspondent à un même nombre.

C.Q.F.D.

Comparons maintenant les nombres correspondant aux points $B_i$ et $A_{i+1}$ (pour plus de symétrie ans les notations, je désignerai indifféremment le point $A_1$ par les notations $A_1$ et $A_{n+1}$).

Ces points $A_i$ et $B_{i+1}$, nous l’avons dit, sont conjugués sur le périmètre de $R_0$.

Comment exprimerons-nous que notre cycle $K$ est homologue à $dC_1$ ; [7] cela veut dire que si l’on considère les intersections du cycle $K$ avec les différents cycles fondamentaux $C_i$, et que l’on convienne de regarder ces intersections comme positives ou négatives suivant le sens dans lequel les deux cycles se couperont (cf. Analysis situs, Journal de l’École Polytechnique), le nombre des intersections positives sera le même que celui des intersections négatives pour tous les cycles $C_i$, sauf pour $C_2$, et que pour $C_2$ le premier nombre surpasse le second de $d$ unités. (Je dis $C_2$, parce que $C_1$ coupe $C_2$ en un point, et ne coupe pas les autres cycles $C_i$, si nous choisissons les cycles fondamentaux de façon que la forme $F$ soit réduite.) %% Réf.

En d’autres termes, soient

$$P_1, P_2, P'_1, P'_2, P_3, P_4, P'_3, P'_4$$

les côtés successifs de $R_0$ ; je suppose $p=2$ pour fixer les idées ; dans ce cas, les côtés $P_1, P_2, P_3, P_4$ sont respectivement conjugués de $P'_1, P'_2, P'_3, P'_4$. Le côté $P_i$ correspond au cycle $C_i$ et le côté $P'_i$ au cycle $C_i$ parcouru en sens inverse. Telle est bien la loi de conjugaison des côté quand la forme $F$ est réduite.

Soit alors $N_i$ le nombre de points $A$ qui se trouvent sur $P_i$ moins le nombre de points $B$ qui se trouvent sur ce même côté $P_i$ ; soit $N'_i$ la différence correspondante pour le côté $P'_i$.

On aura alors

$$N_2=d, \quad N'_2 = -d,\quad N_1 = N_3=N_4=N'_1=N'_3=N'_4 = 0.$$

Voilà les conditions qui expriment que le cycle $K$ est homologue à $dC_1$.

Nous représenterons par $Q_i, S_i$ les deux sommets du côté $P_i$ de telle façon qu’en parcourant ce côté dans le sens direct on aille de $Q_i$ en $S_i$ ; de même $Q'_i, S'_i$ seront les deux sommets de $P'_i$. Il est clair, d’après cette définition, que le sommet $S_1$ sera identique au sommet $Q_2$, le sommet $S_2$ au sommet $Q'_1$, etc.

Le nombre correspondant à $S_i$ sera égal à celui qui correspond à $Q_i$ augmenté de $N_i$ et comme tous les $N$ et les $N'$ sont des multiples de $d$, nous devons conclure que les nombres correspondant aux divers sommets de $R_0$ diffèrent entre eux de multiples de $d$.

Considérons maintenant deux côtés conjugués $P_i$ et $P'_i$ et imaginons deux points parcourant le premier le côté $P_i$ dans le sens direct en allant de $Q_i$ en $S_i$ et le second le côté $P'_i$ dans le sens inverse en allant de $S'_i$ en $Q'_i$ et de façon à rester constamment conjugués. Quand le premier passera par un point $A$, le second passera par le point conjugué qui sera un point $B$ ; le nombre relatif au premier augmentera d’une unité, et il en sera de même du nombre relatif au second puisqu’on est passé par un point $B$ en marchant dans le sens inverse. De même, quand le premier point passera par un point $B$, le second passera par un point $A$ et les deux nombres diminueront d’une unité.

La différence des deux nombres demeure donc constante et comme elle était originairement un multiple de $d$, elle sera toujours un multiple de $d$.

Ainsi, les deux nombres relatifs aux deux points conjugués $A_i$ et $B_{i+1}$ diffèrent d’un multiple de $d$ ; et comme le nombre relatif à $B_i$ est égal au nombre relatif à $A_i$, nous conclurons finalement que les nombres relatifs aux $2n$ points

$$A_1,\ A_2,\ \ldots,\ A_n;\ \quad B_1,\ B_2,\ \ldots,\ B_n$$

diffèrent entre eux de multiples de $d$.

Or suivons le périmètre de $R_0$ dans le sens positif et envisageons deux points consécutifs $A_iA_k$, ou $A_iB_k$, ou $B_iB_k$ ; d’après notre définition, les nombres relatifs à ces deux points seront égaux ou différeront d’une unité. Si les différences ne peuvent être que des multiples de $d$, il faudra conclure que tous les nombres relatifs aux points $A$ et $B$ sont égaux entre eux et, par exemple tous égaux à zéro.

Alors pour les autres points du périmètre, notre nombre sera $\pm \frac{1}{2}$. Si donc nous considérons, en particulier, deux sommets de $R_0$, la différence des deux nombres sera $0$ ou $\pm 1$. Or pour les deux sommets $P_2$ et $Q_2$ cette différence est $N_2=d$.

Nous sommes donc conduits à une contradiction, ce qui veut dire que l’hypothèse faite au début était absurde et que le cycle $K$ doit être bouclé.

C.Q.F.D.


[1Coquille dans les Oeuvres.

[2Coquille dans les Œuvres.

[3Coquille dans les Œuvres : dans la prochaine formule, $C'_1$ à la place de $C'_2$.

[4Erreur de ponctuation dans les Œuvres.

[5Sic.

[6Coquille dans les Œuvres.

[7Sic.