Solomon Lefschetz est considéré en général comme le continuateur de Poincaré en ce qui concerne la topologie.
Né en 1884 à Moscou, il vient très tôt à Paris et émigre aux Etats-Unis en 1905, après avoir fait des études à l’école centrale de Paris. Un grave accident lui fait perdre ses deux mains en 1907 et l’empêche de continuer la carrière d’ingénieur qu’il avait projetée : il sera mathématicien ! On raconte que chaque matin, un assistant lui glissait une craie dans sa prothèse et en retirait ce qui en restait le soir.
Dans un film très intéressant, datant de 1965, et accessible sur internet, Lefschetz raconte ses souvenirs et donne ses points de vue sur les mathématiques.
Quelques extraits de ce film :
Le professeur Tucker lui rappelle une anecdote : un jour, dans un train, Zariski (géomètre algébriste célèbre, très algébriste) demande à Lefschetz comment il voit la différence entre l’algèbre et la topologie. Sa réponse est que « tant qu’on fait tourner une manivelle, c’est de l’algèbre, mais quand il y a une idée c’est de la topologie ».
Parmi les choses surprenantes dans ce film, on découvre que Lefschetz « s’approprie » un certain nombre de choses qui sont aujourd’hui considérées comme appartenant à Poincaré. Par exemple, en ce qui concerne l’intersection des cycles en homologie, Lefeshetz déclare « Nobody in topology had even thought about intersection of cycles. That was something I had to devise. I had to construct the whole theory of intersection of cycles : a totally new chapter in topology ». Ceci est d’autant plus intéressant que le film montre que Lefschetz a lu en détail l’« Analysis Situs » : il reprend par exemple son interlocuteur en citant un passage précis de l’introduction du premier mémoire.
Henri Paul avait déjà constaté ce phénomène dans son premier ouvrage et il ne peut que se répéter :
« Dans son article de 1976 faisant le point sur le vingt-deuxième problème de Hilbert (l’uniformisation), Bers place une citation de Goethe en exergue :“Was du ererbt von deinen Vätern hast, erwirb es, um es zu besitzen.”
“Ce que tu hérites de tes parents, il faut le conquérir pour le posséder.”
Selon Bers :
Chaque génération de mathématiciens, obéissant au conseil de Goethe, repense et retravaille les solutions découvertes par ses prédécesseurs et les place dans le cadre des concepts et des notations de l’époque. »
Deux remarques encore (on dit qu’il y a trois sortes de mathématiciens : ceux qui savent compter jusqu’à deux et ceux qui ne savent pas 😉) :