Cet article est important — et pas si difficile — mais il faut en relativiser l’intérêt. En principe, il permet de calculer le groupe fondamental d’un polyèdre par générateurs et relations. En gros, il s’agit d’itérer le théorème de Van Kampen. Fort bien, mais à quoi bon ? Au bout du compte, quand dit-on qu’on connaît un groupe ?
On le connaît si on peut en dresser la liste des éléments. Cela s’applique surtout aux groupes finis, certes intéressants, mais pas les plus importants dans le contexte de la topologie algébrique.
Certains mathématiciens pensent que connaître un groupe, c’est en donner un système générateur et un ensemble de relateurs, si possible finis. Ce sont les adeptes de la secte « combinatoire des groupes ». Dans certains cas, ça marche, on peut lire des tas de choses sur une présentation, mais parfois (ou souvent ?), une présentation ne dit pas grand-chose sur le groupe. On fait ce qu’on peut, bien sûr, mais par exemple il est impossible de décider si un groupe donné par une présentation est trivial.
Voici un exemple assez drôle, dû à Jean-François Mestre, René Schoof, Lawrence Washington et Don Zagier, publié dans un journal mathématique unique : « Experimental mathematics », ouvert à la publication d’articles contenant des conjectures, des exemples et… à l’humour. Le titre de l’article est bilingue :
« Quotients Homophones des Groupes Libres, Homophonic Quotients of Free Groups ».
L’article est écrit sur deux colonnes. La colonne de gauche, écrite en français, démontre un théorème pour la langue anglaise. Pour la colonne de droite, c’est le contraire. Le théorème anglais (resp. the French theorem) est le suivant. On considère le groupe $G$ engendré par 26 lettres a, b, …, z et dont les relations sont les suivantes : deux mots sont déclarés égaux si d’une part ils existent en anglais (resp. in French) et si d’autre part ils se prononcent de la même manière, par exemple « buy = by » (resp. « vue = vu ») si bien que « u=1 » (resp. « e=1 »). Alors $G$ est trivial (resp. $G$ is trivial). Les auteurs conjecturent que le groupe analogue pour la langue japonaise est libre de rang 46.