Surtout, ne pas paniquer. Ne lire ce texte qu’après avoir été familiarisé avec plusieurs théories homologiques. Alors, tout cela paraîtra presque « évident ». En effet, on voit bien comment on calcule l’homologie singulière ou simpliciale d’à peu près n’importe quel objet sans avoir vraiment besoin de savoir ce qu’est l’homologie. On décompose l’espace en blocs contractiles, donc sans homologie, et on utilise un certain nombre de fois des suites exactes pour recoller les morceaux. Au bout du compte, on prend conscience que pour calculer ces groupes, il suffit que quelques axiomes soient satisfaits. QED.
Certains livres de topologie algébrique présentent cette axiomatique dès le départ. Ce n’est pas notre choix.
Même si, bien entendu, ces axiomes n’ont pas été formulés par Poincaré, on peut penser qu’il n’aurait pas été étonné. Il a construit plusieurs théories homologiques, plus ou moins satisfaisantes, et il ne cherche pas à démontrer des isomorphismes. Il suffit que ces théories soient effectives dans le sens où on peut les calculer en recollant les morceaux. Poincaré semble convaincu que cela entraîne l’unicité de la théorie ?
Dold et Thom ont inventé le produit symétrique infini. Partant d’un espace pointé $(X,x)$, ils considèrent les quotients $S^k(X)$ de $X^k$ par l’opération de permutation des coordonnées. En ajoutant le point base, $S^k(X)$ se plonge dans $S^{k+1}(X)$ et on peut donc considérer leur union infinie $S^{\infty}(X)$. En quelque sorte, l’ensemble des parties finies de $X$, avec multiplicité. Dold et Thom démontrent que les groupes d’homotopie $\pi_n(S^{\infty}(X))$ sont isomorphes aux groupes d’homologie $H_n(X)$. Comment font-ils ? Ils montrent que $\pi_{\star}(S^{\infty}(X))$ vérifie les axiomes de l’homologie. Cette preuve, totalement contre-intuitive, attendait d’être éclairée par un argument géométrique, qui n’est venu que bien plus tard.
Cela dit, un « textbook » moderne, datant de 2002, prend ce point ce vue et définit l’homologie comme l’homotopie de $S^{\infty}(X)$ :