Les bons conseils

Cette partie est « classique ». Il est important de ne pas perdre de vue les exemples. L’oncle Henri Paul avait appris cette définition dans un livre un peu bizarre de Hilton et Wylie qui ne se préoccupe pas beaucoup d’exemples (et dont il ne recommande pas la lecture). Un jour, alors qu’un professeur lui demandait pourquoi le groupe fondamental de la sphère de dimension 2 est trivial, il répondit qu’il suffit de choisir un point qui est hors de l’image du lacet et que le lacet est donc évidemment contractile, puisqu’il se trouve ainsi dans la sphère moins un point, c’est-à-dire dans un plan. Le professeur objecta que le lacet pourrait être une courbe de Peano, recouvrant entièrement la sphère. Henri Paul était furieux : cette objection n’était pas sérieuse et montrait le mauvais esprit du professeur. Comme disait Poincaré lui-même « Autrefois, quand on inventait une fonction nouvelle, c’était en vue de quelque but pratique ; aujourd’hui, on les invente tout exprès pour mettre en défaut les raisonnements de nos pères, et on n’en tirera jamais que cela  », mais Henri Paul n’osa pas le faire remarquer à son professeur. La topologie algébrique de la sphère n’a rien à voir avec Peano, voilà tout ! On peut s’en sortir de nombreuses manières, par exemple en utilisant le théorème de Van Kampen, ou bien en remarquant qu’en lissant un lacet, on ne change pas sa classe d’’homotopie : dans la définition, on peut toujours supposer les lacets de classe $C^1$ (par morceaux si on veut).

Il ne faut surtout pas croire que tout cela est facile. Un exemple très intéressant est décrit dans un article de Michèle Audin : « Cartan, Lebesgue, de Rham et l’analysis situs dans les années 1920, scènes de la vie parisienne ». En 1925, Henri Lebesgue écrit à Elie Cartan pour lui demander quel est le groupe fondamental du plan projectif complexe ! Aujourd’hui, c’est vraiment facile… (faites-le donc, pour voir si vous avez bien compris). La réponse de Cartan est étonnamment compliquée et aurait probablement énervé Poincaré. Il décrit le plan projectif complexe comme un polyèdre contenant « 4 sommets, 12 arêtes, 14 faces, 6 cases, 3 hypercases ». « C’est un polyèdre déjà très costaud » « qui ne parle guère à l’imagination » écrit-il. Il explique ensuite que cela entraîne que l’espace est simplement connexe. Il manifeste également son étonnement qu’un espace simplement connexe puisse ne pas être une sphère. Cela doit donner du courage à l’étudiant d’aujourd’hui : il est mieux armé que les grands Maîtres d’autrefois. Peut-on imaginer qu’Elie Cartan n’avait jamais pensé au produit de deux sphères par exemple ? Étonnant !

Petit exercice : Soit $X$ un espace topologique et $X^{(2)}$ son carré symétrique, c’est-à-dire le quotient de $X\times X$ par l’involution qui permute les deux facteurs. Montrer que le groupe fondamental de $X^{(2)}$ est commutatif.

Étudiant, Henri Paul avait beaucoup appris en résolvant cet exercice.